12 septembre 2018

L'ami du poète et des enfants pour Isabelle - Carnet 18 - 5/3

C'est fait : voici la troisième double-page du carnet-navette sur le thème des petits ânes gris,
co-réalisé avec et pour Isabelle de la Haute-Marne.
Ce très beau poème de Jacques Prévert remet un peu les choses en place, pour reconsidérer cet animal à la mauvaise réputation, tout comme celle de l'élève à qui l'on faisait porter le "bonnet d'âne".
J'ai joué là-dessus, les ânes étant de très bons amis pour les enfants, très souvent présents 
dans la littérature pour la jeunesse.

L’âne dormant  de Jacques Prévert

C’est un âne qui dort
Enfants, regardez-le dormir
Ne le réveillez pas
Ne lui faites pas de blagues
Quand il ne dort pas,
il est très souvent malheureux

Il ne mange pas tous les jours.
On oublie de lui donner à boire.
Et puis on tape dessus.
Regardez-le
Il est plus beau que les statues
qu’on vous dit d’admirer et qui vous ennuient.

Il est vivant, il respire
Confortablement installé
Dans son rêve.

Les grandes personnes disent que la poule
Rêve de grain et l’âne d’avoine.
Les grandes personnes disent ça
pour dire quelque chose,
elles feraient mieux de s’occuper
de leurs rêves à elles,
de leurs petits cauchemars personnels.

Sur l’herbe à côté de sa tête,
il y a deux plumes. S’il les a vues
avant de s’endormir il rêve peut-être
qu’il est oiseau et qu’il vole
Ou peut-être il rêve d’autre chose.
Par exemple qu’il est à l’école des garçons,
caché dans l’armoire aux cartons à dessin.

Il y a un petit garçon
qui ne sait pas faire son problème.
Alors le maître lui dit :
Vous êtes un âne, Nicolas !
C’est désastreux pour Nicolas.
Il va pleurer.

Mais l’âne sort de sa cachette.
Le maître ne le voit pas.
Et l’âne fait le problème du petit garçon.
Le petit garçon va porter le problème au maître,
et le maître dit :
C’est très bien, Nicolas !

Alors l’âne et Nicolas
Rient tout doucement aux éclats,
Mais le maître ne les entends pas.

Et si l’âne ne rêve pas ça
C’est qu’il rêve autre chose.
Tout ce qu’on peut savoir,
C’est qu’il rêve.
Tout le monde rêve

***
Le bonnet d'âne : pourquoi mettait-on un bonnet d'âne aux mauvais élèves ?

Tout d'abord, et cela va peut-être en surprendre plus d'un, on employait cet attribut non pas comme une punition, mais comme un encouragement. En effet, il est utilisé dès le 18e siècle. Néanmoins, au tout début, si on affublait les enfants de cet étrange bonnet, c'était pour qu'il devienne comme l'âne. À cette époque, il était considéré, par certains, comme sage et savant. Il prend une telle image grâce à la religion (il réchauffe le Christ lorsqu'il est nourrisson, lui sert de monture...). On dit donc qu'il est patient, humble et empli de sagesse. Ainsi, on espérait que le mauvais élève allait être gagné par ces qualités en lui mettant des oreilles d'âne.

Néanmoins, avec les années, l'image de cet animal a évolué, pour être celle que l'on connaît aujourd'hui. Désormais, il est plutôt vu comme bête et têtu. L'utilisation du bonnet d'âne évolua également. Il n'était plus question d'encouragement, mais de honte. En mettant ce couvre-chef sur la tête du cancre, le professeur signifiait devant tous sa bêtise, ce qui était un moyen de ridiculiser. Dans certains cas, l'enfant devait le garder toute la journée, ou même rentrer avec chez lui. Désormais, cette punition est vue comme un mauvais traitement et est interdite par l'Éducation Nationale.

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