18 novembre 2021

12e JMFTA - Série sur les costumes traditionnels suisses (CST)

Comme nous le savons depuis un bon mois, ce jeudi 18 novembre on célébrera dans la joie et la bonne humeur la douzième édition de la Journée Mondiale du Faux-Timbre d'Artiste où Emmanuelle Ryser a été désignée comme destinataire privilégiée des créations humoristiques, fantaisistes, foutraques, fantasques... et j'en passe, réalisées par les passionnées de cette folle journée de la créativité sans limite.

Emmanuelle est une artiste qui aime jouer avec les mots, une auteure suisse animant un atelier d'écriture et autres activités créatives. Tous les mail-arts qui lui seront adressés feront l'objet d'une exposition dans les murs de son lieu associatif "E comme Ecriture", à Lausanne, en 2022.

Je ne connais pas encore beaucoup de choses sur Emmanuelle avec qui je correspond depuis peu de temps et je ne connais pas du tout la Suisse. 
Carte postale ancienne, exprimée en allemande, sur le site Delcampe

Alors pour allier découverte et plaisir, j'ai choisi de faire des recherches sur le patrimoine des costumes régionaux des différents cantons de ce pays, m'appuyant sur des vues de cartes postales anciennes ou des gravures publiées sur le net. Il s'agit souvent de personnages ruraux et/ou dans des activités ayant souvent rapport avec le lait ou le fromage. Ce fut pour moi un énorme plaisir que d'aller dénicher ces costumes anciens, c'est toujours la découverte d'une richesse infinie lorsque l'on se met à explorer ce genre de patrimoine, quel que soit le pays considéré. 

C'est ainsi qu'est née cette petite série intégralement textile : j'ai décidé de concevoir la vignette d'accompagnement ainsi que mes faux-timbres sur la Suisse en tissu, puisque c'est en quelque sorte ma signature. 
 

La Suisse compte 26 cantons mais je n'ai pu en représenter que 25 dans ma série : je regrette bien de n'avoir jamais pu accéder à une vue sur le costume traditionnel porté dans le Jura Suisse.

J'espère que vous aurez autant de plaisir à recevoir ces mails-arts que j'en ai eu à les composer. Il ne reste plus qu'à espérer que la Poste sera tolérante et que ces envois arriveront à bon port, sans surtaxe pour leur destinataire.

Bonne 12e Journée Mondiale du Faux-Timbre d'Artiste
à tous les participants.
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Les costumes suisses, des morceaux d’histoire

Symboles de tradition séculaire, les costumes suisses reflètent par leur richesse la diversité géographique et sociale de la Suisse, mais aussi ses nombreux contacts avec les pays voisins.

Pendant des siècles, les paysans, les vignerons, les cuisiniers et les autorités notamment se sont signalés par leur costume particulier. D’une région à l’autre, les Suisses se reconnaissaient aussi à leurs vêtements, comme s’ils portaient sur eux leur acte d’origine ou comme un accent révèle le terroir où l’on est né. Ainsi, en pays protestant, l’austérité puritaine conduit à la création de vêtements plus simples et plus modestes, alors que, à l’inverse, dans les cantons catholiques, l’éclat des cérémonies religieuses influence le goût pour des habits plus richement cousus.

Mode et travauxAncêtres des beaux costumes d’aujourd’hui, les habits suisses traditionnels sont d’abord des vêtements de travail, conçus pour des besoins propres à chaque profession, la marque imposée d’une corporation. Désormais, la tradition toujours vivante ne conserve le souvenir que des habits des gens de la campagne, qu’ils soient des vêtements de fête ou pour tous les jours. À la campagne, les hommes et les femmes de la terre confectionnaient souvent eux-mêmes leurs vêtements en utilisant leur propre production de lin, de chanvre ou de laine. 

Influence des pays voisinsReflet d’un terroir et de coutumes ancestrales, le costume a toujours suivi de près les modes qui s’inventaient chez nos voisins. Les fils de paysans partis faire la guerre à travers l’Europe rapportaient notamment les nouveautés vestimentaires. Dans le canton de Neuchâtel par exemple, le chapeau tricorne que certains portent encore aujourd’hui rappelle que Neuchâtel fut, jusqu’en 1848, une principauté prussienne et que l’aristocratie résidait volontiers dans ses campagnes. Puis le joli chapeau de paille que portent les Neuchâteloises pendant l’été était très en vogue à Versailles à la fin du XVIIIe siècle quand les dames de la cour s’habillaient volontiers en «bergères».

À l’autre bout du pays, dans la région du Gothard, les costumes glaronais ont naturellement subi l’influence de la Lombardie voisine, les femmes ayant rapidement adopté certaines belles étoffes, dont le fichu «à la milanaise». La «bourguignonne», grande blouse bleue de lin, s’impose ensuite rapidement sur tout le Plateau. Elle est directement empruntée à la tenue de travail des cochers et marchands français qui venaient commercer dans nos régions; ample et solide, elle conquiert même les paysans de Suisse centrale, qui la trouvent moins salissante que la tenue blanche des vachers. En Valais, la plupart des costumes se distinguent par leur chapeau enrubanné datant du milieu du XVIIIe siècle, tous probablement inspirés d’une mode parisienne de l’époque. En 1890, des modistes spécialisées mettaient deux jours et demi pour réaliser l’arrangement de la coiffe, qui peut supporter jusqu’à 70 mètres de ruban! Elles se faisaient alors payer 2 francs, et les paysans disaient qu’à l’achat et à l’entretien un tel falbala coûtait le prix d’une vache.

Multitude de costumesPartout, jusque dans les vallées les plus reculées, la coquetterie des femmes et le désir constant de ressembler à celles des classes plus favorisées contribuent à la création d’une multitude de costumes. Entre 1788 et 1800, le peintre lucernois Joseph Reinhardt réalise 140 portraits de personnages en costume. Finalement, l’innombrable variété des modèles sème la confusion dans l’esprit de ceux qui les portent. Pis encore, ce patrimoine vestimentaire se voit de plus en plus utilisé à des fins commerciales ou publicitaires, où l’on voit des serveuses de restaurant se vêtir de pâles copies. Se sentant dépossédées de leur tradition, beaucoup de vraies paysannes renoncent alors à porter leur costume. 

Renouveau et tradition : Symbole de tradition séculaire mais aussi de l’amour de la patrie, le costume renaît assez logiquement au milieu de la Première Guerre mondiale, au moment où les Suisses se sentent particulièrement sensibles et appelés à s’identifier aux valeurs patriotiques. Le canton de Vaud, où la région de Vevey-Montreux en particulier (et la Fête des vignerons qui, à chaque édition, se penche sur la question) a conservé presque intactes plusieurs anciennes coutumes, prend la tête de ce renouveau. Sous la houlette de Mary Widmer-Curtat, femme de médecin, une première association cantonale se forme en 1916 à Sauvabelin, en dessus de Lausanne. Dix ans plus tard se crée à Lucerne la Fédération nationale, entièrement vouée à «la promotion des costumes, de la danse, du chant et des coutumes populaires». Aujourd’hui, la Fédération nationale des costumes suisses (FNCS) compte plus de 15'000 membres, répartis dans 650 groupes. Autant de passionnés des belles étoffes qui racontent notre histoire.

Article initialement publié dans L’Illustré, Jean-Blaise Besançon, janvier 2014
Source : https://houseofswitzerland.org/fr/swissstories/histoire/les-costumes-suisses-des-morceaux-dhistoire
Date de publication 28 juillet 2021

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Julie Heierli : une vie dédiée aux costumes traditionnels

Julie Heierli fut et demeure encore la plus grande chercheuse suisse dans le domaine des costumes traditionnels. C’est elle qui, il y a environ 120 ans, a créé la collection vestimentaire du Musée national qui venait de voir le jour.

Julie Heierli (1859–1938) est une référence absolument incontournable pour toutes les personnes qui s’intéressent à la recherche sur les costumes traditionnels suisses. Dès les années 1880, cette ethnologue a multiplié les visites sur le terrain à des fins d’étude et de collection. Un travail de longue haleine qu’il était urgent d’entreprendre car les tenues cachées dans les maisons paysannes, les églises et les locaux de travail menaçaient de disparaître à jamais. Autrefois, les habitants des campagnes portaient le vêtement traditionnel, ou en tout cas certains de ses éléments. Mais avec l’industrialisation, qui apporta de nouveaux tissus et méthodes de fabrication, les habitudes des paysans, cédant à la modernité, se rapprochèrent de plus en plus de celles des citadins. Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que le costume traditionnel vécut une renaissance, notamment grâce au travail de Julie Heierli, et devint progressivement le symbole ultime de l’attachement à la patrie.

Fille d’un émigré zurichois, Julie Heierli est née à San Francisco en 1859. La famille rentre cependant rapidement en Suisse, où Julie est engagée comme modiste dans un magasin de la ville des bords de la Limmat. En 1882, elle épouse Jakob Heierli, historien spécialiste de la préhistoire, qu’elle va accompagner au cours des déplacements qu’il effectue pour ses études et ses recherches. Passant d’une commune à l’autre, Julie Heierli commence à s’intéresser aux coutumes locales. Elle se fait montrer des parures, parvient à sauver quelques pièces, recueille les souvenirs de témoins et collecte des illustrations en procédant toujours de manière scientifique, en prenant soin d’utiliser la terminologie correcte et en observant de près la manière dont les tenues étaient portées.

Photo : Musée Nationel Suisse - Oeuvre de Joseph Reihard

Josef Reinhard (1749–1824) est le principal peintre suisse dont les tableaux représentent des costumes traditionnels. Il a mis en scène des paysans de presque toutes les régions du pays en habit de travail ou de fête. Son œuvre constitue une source unique pour appréhender les vêtements portés à la fin du XVIIIe siècle

Rien qu’en voyant un costume traditionnel, un spécialiste peut déterminer d’où vient la personne qui le porte, si elle est mariée, veuve ou fiancée, dans quelles conditions matérielles elle vit et quel est son statut social. Mais la composition des costumes n’a pas toujours été aussi stricte et réglementée qu’aujourd’hui. Il faut en effet attendre la fin du XIXe siècle et le mouvement historiciste pour que l’on redécouvre cet art. Les vêtements traditionnels expriment à l’époque la nostalgie d’un monde où l’ordre règne encore et qui tranche avec la modernité des villes. Souvent assemblés et adaptés librement, les costumes traditionnels sont alors perçus – à tort – comme authentiques et originaux. Car leurs racines sont purement et simplement réinventées, comme le relève Barbara Vinken, grande connaisseuse de la littérature et des modes, dans l’article qu’elle a rédigé pour le catalogue de l’exposition « Die Pracht der Tracht », que l’on peut admirer au Musée de Soleure. Le costume traditionnel transmet la vision d’un univers montagnard sacré qui contraste avec la décadence urbaine.

Lorsque le Musée national Zurich est construit dans les années 1890, Julie Heierli est choisie comme responsable de la première présentation de la collection de costumes. Elle va finalement travailler au Musée national pendant près de 50 ans et met à profit cette période pour constituer la collection la plus complète de Suisse dans ce domaine. A l’occasion de la fête organisée pour l’inauguration de l’établissement en 1898, des groupes venus des différents cantons défilent en tenues traditionnelles. Ce choix traduit l’importance que ces pièces revêtent à l’époque pour l’image que la Suisse se fait d’elle-même. Mais si à la fin du XIXe siècle, c’est surtout le côté enjoué et bon enfant qui l’emporte, tout devient beaucoup plus sérieux dans les années 1930. Sous le « règne » d’Ernst Laur-Bösch (1896–1968), qui restera à la présidence de la Fédération nationale des costumes suisses pendant 30 ans, on commence à mettre de l’ordre dans la présentation des costumes, qui s’institutionnalise. L’engouement pour les costumes est soumis à une surveillance pathétique et porter des pièces à mauvais escient est réprimé de façon autoritaire. Conformément à l’esprit de la « défense spirituelle », le costume devient un symbole patriotique en même temps qu’une affirmation de l’enracinement dans son terroir, de l’amour de la patrie et de l’authenticité. Pour Laur-Bösch, la tenue traditionnelle est tout sauf un vêtement. Ses contemporains et lui la considèrent comme l’expression du retour aux origines, retour qui doit aussi se traduire par un changement au niveau du caractère. En 1961, c’est-à-dire à la fin du mandat de Laur-Bösch, la Fédération nationale des costumes suisses mène la croisade contre les cheveux colorés, la cigarette et le maquillage quand on arbore un costume traditionnel.

Julie Heierli n’est cependant plus là pour assister à ce changement. Elle meurt en effet en 1938, peu après avoir fêté ses 79 ans, d’une attaque cardiaque alors qu’elle passe ses vacances en Forêt-Noire. Elle a néanmoins eu le temps d’achever six ans auparavant un livre en plusieurs volumes intitulé Die Volkstrachten der Schweiz, qui reste aujourd’hui encore un ouvrage de référence en même temps que le travail le plus documenté sur le plan historique consacré aux costumes traditionnels. Dans sa notice nécrologique publiée le 17 août 1938, la NZZ écrit que par son travail, Julie Heierli «a dressé un monument immortel à sa propre gloire, mais aussi en l’honneur de la paysannerie suisse.»

Dans ses recherches sur les costumes traditionnels, Julie Heierli attachait une importance énorme à l’authenticité. Elle a chargé le magasin Ganz, à Zurich, de réaliser des photos qui constituent la base de ces illustrations colorées. Photos: Musée national Suisse

Article du Musée National Suisse rédigé par Alexander Rechsteiner
Source : https://blog.nationalmuseum.ch/fr/2017/12/une-vie-dediee-aux-costumes-traditionnel

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