1/ Oeuvres de Rosa Bonheur utilisées : Etudes de lion et de lionne, Onze esquisses (C) RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Jean-Pierre Lagiewski / Lion couché, huile sur toile / Etude de lionne / Sept études de têtes de lion, et croquis d'un lion couché - 2/Découpe de l'artiste depuis un Portrait de Rosa Bonheur dans son atelier au château de By © Château de Rosa Bonheur |
Je souhaite bonne réception de cette composition à Nadine, j'espère qu'elle lui plaira.
Rosa Bonheur, une artiste à contre-courant : Si Rosalie Bonheur, dite Rosa Bonheur, est souvent présentée comme un symbole d’anticonformisme, il convient de rappeler, selon Katherine Brault, directrice du Château de By, que ses choix de vie ne furent que le reflet de son éducation très progressiste, et non le fruit d’un certain militantisme.
Née à Bordeaux le 16 mars 1822, la jeune
Rosa jouit d’une enfance dorée, jusqu’à ce que son père, Raymond Bonheur,
peintre et professeur de dessin, n’abandonne femme et enfants pour partir
étudier l’égalité homme-femme au sein d’un couvent Saint-Simonien. Bien
qu’issue d’un milieu bourgeois, Sophie Bonheur se retrouve contrainte de
travailler pour élever ses quatre enfants, mettant ses talents de musicienne de
côté. Voyant sa mère s’épuiser à la tâche, Rosa se fait la promesse de réussir
professionnellement et de devenir indépendante. À la mort de sa mère, elle met
de côté de le métier de couturière auquel on la prédestinait, et commence alors
à travailler dans l’atelier de son père en tant qu’artiste peintre, développant
par la même occasion son intérêt pour l’art animalier. Une femme émancipée, qui
s’impose dans l’art, et qui plus est en peignant des animaux dans des formats
de peinture d’histoire, pour l’époque, ce n’est pas commun.
"Rosa Bonheur va prouver que la femme est bien
l’égal de l’homme et que le génie n’a pas de sexe. Toutefois, son but n’est pas
de le revendiquer. Car elle est née et a grandi dans un environnement où la
femme a toujours été perçue comme l’avenir de la société. Pour elle, c’est une
réalité. Alors elle va simplement le démontrer", souligne Katherine
Brault.
D'autres anecdotes sont par la suite venues
renforcer cet aspect "anticonformiste". Comme le fait qu'elle ait les
cheveux courts, porte des pantalons, et ne sa marie à aucun homme. Mais là
encore, Katherine Brault met de côté toute volonté de revendication.
"Lorsqu'elle était jeune, Rosa Bonheur avait
de grandes boucles. Pour décharger sa mère, elle a donc décidé de les couper.
Et le refera à nouveau à la mort de cette dernière, symboliquement. Elle ne se
privait d'ailleurs pas de critiquer ses élèves, après avoir repris l'atelier de
son père, lorsque celles-ci se coupaient les cheveux pour se revendiquer 'égal
de l'homme"", assure la directrice du Château de By.
Il en va de même pour le port du pantalon, interdit
aux femmes à cette époque. "Elle ne le faisait pas par provocation,
mais parce que porter des pantalons lui permettait de se protéger lorsqu'elle
arpentait les foires aux bestiaux. Au demeurant, elle ne recevait jamais en
pantalon", poursuit la spécialiste. Pour ce qui est du mariage, Rosa a
souvent entendu son père dire que s'il ne s'était pas marié, il aurait fait
carrière. Puis a vu sa mère se sacrifier pour sa famille au détriment de sa
passion. Ce qui, on le devine, ne s'est pas révélé très vendeur.
Rosa Bonheur, une icône LGBT+ ? : Ces anecdotes et son féminisme naturel, cumulés au fait que Rosa Bonheur ait partagé certains moments de sa vie avec des femmes - Nathalie Micas, son amie d'enfance, et Anna Klumpke, avec qui elle correspond pendant plusieurs années, et qui devient son héritière et légataire universelle - ont ainsi contribué à façonner la légende autour de son homosexualité supposée. Mais pour Katherine Brault, ce parallèle n'est pas tout à fait juste.
"Rosa Bonheur disait : 'toutes les religions
ont leur vestale, alors pourquoi l'art n'en aurait-il pas un ?'. Elle se disait
alors être une vestale de l'art". Elle ne niait pas apprécier l'idée
d'être choyée par un homme, mais s'était donné une mission : celle d'élever la
femme dans l'art, et la société en général", explique la spécialiste.
"La venue d'Anna Klumpke au Château de By, au
sein duquel elle a vécu 9 mois, faisait suite à une demande de Rosa. La
première souhaitait faire des portraits, l'autre que l'on écrive sa biographie,
afin que l'on rende ses lettres de noblesse à sa mère et que l'on parle un peu
moins de son père", poursuit-elle. Hélas, Rosa s'éteint avant la fin de
l'écriture de ladite biographie.
La peinture comme plaidoyer contre la maltraitance animale :Si le travail de Rosa Bonheur a d'abord fait des émules, puis s'est ensuite retrouvé largement sous-côté, force est de constater que les causes qui lui tenaient à coeur, elles, sont aujourd'hui très actuelles : prouver que la femme est l'égal de l'homme, dénoncer la maltraitance animale, et préserver la nature. Mais à l'époque, ses toiles et les messages qu'elles véhiculent sont, hélas, incomprises.
"Rosa souhaite montrer que les animaux sont
des êtres à part entière, qu'ils sont l'égal de l'Homme, et qu'ils ont une âme.
Dans ses tableaux, leurs regards ont une importance considérable. Ils sont la
clé de son oeuvre", assure Katherine Brault.
Le Marché aux Chevaux - oeuvre phare de Rosa
Bonheur - en est le parfait exemple puisqu'il s'impose comme une véritable
plaidoyer contre la maltraitance animale. "L'erreur a été de
considérer Rosa comme une artiste qui aimait peindre la ruralité et le monde
paysan. Alors que c'était l'animal dans le monde paysan qui l'intéressait",
poursuit-elle.
Le Marché aux Chevaux, de Rosa Bonheur |
À cela s'ajoute ses prises de positions en faveur
amérindiens et de leur façon de vivre. "Rosa était choquée que l'on
fasse disparaître ces civilisations, et notamment leur relation à la nature et
aux animaux, ajoute Katherine Brault. Son opinion était dissonante par rapport
à ce que l'on avait l'habitude d'entendre à l'époque".
Une artiste évincée de l'Histoire de l'art : Et c'est notamment grâce au Marché aux Chevaux, que Rosa Bonheur rencontre un vif succès. Présentée en 1853, l'oeuvre reçoit un torrent d'éloges, ce qui confère à l'artiste une grande notoriété. Rosa devient officiellement indépendante financièrement parlant et ne tarde pas à s'offrir le Château de By, en haut de Thomery. Elle rencontre Ernest Gambart, qui devient son marchand, faisant voyager ses toiles dans toutes l'Europe, mais aussi aux Etats-Unis. "A partir de son grand succès aux États-Unis, elle ne va plus avoir de succès en France. Elle sera très critiquée. Si bien que toutes les éloges du passé seront balayées par les critiques négatives", déplore Katherine Brault.
"Les historiens de l'art qui étaient
principalement des hommes sont passés outre cette partie de l'art, considérant
son art comme un art mineur. Et ce, même si Rosa peignait comme personne
n'avait peint auparavant. Après la guerre, on considérera que les femmes n'ont
pas leur place dans le travail, et celles qui ont réussi seront effacées de
l'Histoire. C'est ainsi que deux générations d'Histoire de l'art se sont ainsi
construites sans l'histoire de Rosa Bonheur", poursuit-elle.
Aujourd'hui, le Château de By permet au
public d'en apprendre plus sur la vie et le travail de cette artiste
hors-normes. Notamment avec l'exposition* de photos de ses oeuvres sur plaques
de verre, photographiées par Anna K. à la mort de Rosa Bonheur. Nombre de ces
oeuvres n'ont d'ailleurs jamais été retrouvées.
Article de Lola TALIK Publié le 11/03/2022 à 19h49 - Mis à jour le 29/03/2022 dans Géo Histoire
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