9 août 2019

170-12 - Tortues terrestres, pour Frédérique

Pour les 170 ans de l'émission du premier timbre-poste français, j'ai choisi pour Fred cet animal qui vient du fond des âges, présent déjà au temps des dinausaures et qui risque d'être bientôt éradiquée de la planète, tant pour les espèces terrestres, marines ou d'eau douce.
Céramique raku créée par la céramiste Marik Korus,  visible sur son site 
Je t'en souhaite une bonne réception, Fred, ainsi qu'un bel été!

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LES TORTUES SONT EN TRAIN DE DISPARAITRE ET C'EST TRES MAUVAIS SIGNE POUR L'HUMANITE

Elles ont survécu au cataclysme tueur de dinosaures, mais elles risquent de ne pas survivre à l'humanité. Sans elles, des écosystèmes sont menacés.

Le lièvre a gagné, il va falloir récrire la fable de La Fontaine. La tortue fonce en effet et à pas de géant vers l'extinction. Certaines sont au bord du gouffre, comme la tortue à carapace molle du Fleuve Bleu, qui ne compte plus que quatre individus survivants dont une seule femelle qui n'a jusqu'ici  produit aucun œuf fertile.
Dans l'archipel des Galapagos, sur l'île de Pinta, "Georges le Solitaire" fut le dernier représentant de l'espèce Chelonoidis abingonii. Il s'est éteint sans descendance en juin 2012. Ces deux exemples, révélateurs, ne sont pas des cas isolés. Au printemps, la coalition pour la préservation des tortues (un regroupement d'associations) a distingué les 25 espèces les plus menacées dans un rapport alarmant.

LES PLUS MENACEES DES VERTEBRES ?  Pire encore, sur les 356 espèces terrestres et marines de tortues modernes, 61% sont soit en danger soit déjà éteintes, confirme une étude qui vient d'être publiée dans la revue "BioScience".

"Les tortues sont parmi les plus menacées des groupes majeurs de vertébrés, davantage que les oiseaux, les mammifères, les poissons et même que les plus assiégés, les amphibiens", assure l'équipe emmenée par Jeffrey Lovich, du centre des sciences biologiques de l'USGS (institut d'études géologiques des Etats-Unis).

Le responsable ? Ce n'est bien sûr pas la fatalité, ni même le seul changement climatique. L'espèce humaine dans son ensemble, depuis ses plus lointains ancêtres, a participé à l'élimination des tortues. "Leur destin est particulièrement tragique à la lumière de leur statut de parangon du succès évolutionnaire", regrettent les scientifiques.

De fait, les tortues, qui étaient là avant les dinosaures, ont survécu au cataclysme qui les a effacés de la surface de la planète.Mais l'arrivée des hominidés a marqué le début de leur déclin. Déjà, il y a 2,6 millions d'années en Afrique, des représentants de la lignée humaine ont sur-utilisé les tortues comme moyen de subsistance. Si l'on compte toutes les espèces de tortues terrestres ayant existé depuis le début du Pleistocène (qui marque l'essor du genre Homo), on s'aperçoit que 69 d'entre elles ont disparu, sur 121.

Ce qui disparaîtra avec elles : 
Cela peut paraître moins évident, mais les tortues sont aussi des pollinisatrices en dispersant les graines de diverses espèces de plantes,  pour certains végétaux qu'elles consomment et dont les graines, qui ne sont pas détruites par le processus de digestion, sont ensuite expulsées, elles peuvent même être le pollinisateur principal.

Leur rôle dans le cycle de distribution des minéraux est, lui aussi, peu connu. Ainsi, en creusant le sol, la tortue du désert va consommer du carbonate de calcium, notamment lors de la saison de la nidification. Pour d'autres, ce sera du phosphore. Et après leur mort, leurs os contenant des concentrations importantes de ces minéraux vont servir à la fois aux végétaux et à certains animaux souffrant de déficiences.

Ces capacités à concentrer des éléments va aussi en faire d'excellents "indicateurs de pollution" : on retrouve chez elles de fortes doses de composés toxiques et, en Amérique du Nord, on les considère comme des témoins efficaces de contamination au mercure et même à la radioactivité en milieu aquatique.

En s'aménageant des terriers, certaines tortues créent des habitats utilisés par d'autres espèces. Aux Etats-Unis, la tortue gaufrée creuse de grands trous, qui peuvent atteindre jusqu'à une dizaine de mètres de long. Les monticules de terre à l'entrée deviennent un habitat de choix pour certaines plantes qui vont accroître la diversité végétale. Les terriers eux-mêmes deviennent les refuges de centaines d'espèces : araignées, insectes, serpents, amphibiens, et même des lapins et des renards. Le fait de remuer le sol va aussi l'enrichir, le mélanger, le rendre plus vivant, contribuer à la régulation de l'érosion...

Aujourd'hui, les menaces sur leur survie sont nombreuses. Certaines tortues marines sont prises accidentellement dans les filets des pêcheurs ou dans nos débris flottants. Malgré leur protection théorique, certains recherchent toujours leurs œufs, leur carapace, leur viande, ou les capturent pour les vendre aux aquariophiles.

Bien sûr, le réchauffement climatique joue un rôle, d'autant plus que la détermination sexuelle de certaines espèces dépend des conditions environnementales et qu'un changement peut les perturber. La destruction de leur habitat, enfin, pourrait être le dernier clou sur leur cercueil.

Des prairies transformées en marais stérilesOn pourrait se contenter de s'attrister. Se dire que bien sûr, il faut enrayer les extinctions de masse, mais que d'une certaine manière, cela ne nous touche que de très loin. Erreur. Dans le cas des tortues, ce sont des éléments importants de nos écosystèmes qui sont en danger.
Les auteurs de l'étude expliquent : "Les tortues peuvent être des acteurs majeurs dans les chaînes alimentaires des écosystèmes car elles peuvent être herbivores, omnivores et carnivores."

Prises dans leur ensemble, elles vont influer sur les autres organismes vivants, structurer les habitats. La tortue aquatique Malaclemys terrapin qui vit sur les côtes d'Amérique du Nord, se nourrit de bigorneaux des marais, des mollusques d'eau salée dont elle régule la population. Sans elle, ces bigorneaux peuvent transformer des paysages de prairies productives en marécages salées et en vasières stériles en l'espace de seulement huit mois.

Lorsqu'elles sont en grand nombre, certaines espèces peuvent même constituer un apport considérable à la biomasse de leur environnement : adultes et œufs constituant une source de nourriture non négligeable pour de multiples autres animaux. Et parce que certaines se nourrissent dans l'eau et que leurs œufs sont consommés par des créatures terrestres, elles jouent aussi un rôle de transfert d'énergie entre le milieu aquatique et la terre ferme.

"Les tortues contribuent à la santé de nombreux environnements, y compris les déserts, les zones humides, les écosystèmes marins et d'eau douce, et leurs déclins pourraient conduire à des effets négatifs qui ne seraient pas immédiatement visibles sur d'autres espèces, y compris les humains," explique Jeffrey Lovich.

"L'importance écologique des tortues, spécialement les tortues d'eau douce, est sous-estimée, et elles sont généralement peu étudiées par les écologistes," renchérit Josh Ennen, de l'institut de conservation de l'aquarium du Tennessee (USA), co-auteur de l'étude. "Le taux alarmant de disparition des tortues pourrait profondément affecter la manière dont les écosystèmes fonctionnent ainsi que la structure des communautés biologiques autour du monde."

Pour Mickey Agha, de l'université de Californie Davis, qui a également participé à l'étude, "nous devons prendre le temps de comprendre les tortues, leur histoire naturelle et leur importance pour l'environnement, ou nous risquons de les perdre pour une nouvelle réalité dans laquelle elles n'existeront plus." Une bien triste réalité qu'il faudrait rapidement tenter d'empêcher.

Article publié en 2018 par Jean-Paul Fritz (nouvel Obs)

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