C'est le troisième voyage de notre carnet à quatre mains que j'envoie à Michel, pour le compléter. J'ai mis l'accent sur un métier peu répandu et essentiellement tourné désormais vers la haute couture : celui de plumassier, la Poste ayant édité un très joli timbre sur cette activité.
La plume, matière première d’origine animale, a toujours été utilisée, en France et ailleurs, par les professionnels de la mode et du spectacle pour garnir et embellir les vêtements et leurs accessoires. Ce sont les plumassiers qui ont charge de transformer l’oiseau ou la plume en parure. Leurs savoirs techniques semblent traverser le temps, malgré des contextes sociaux et économiques en mutation. Les artisans d’aujourd’hui sont les héritiers des artisans d’hier. C’est le constat de cette pérennité qui a incité l’auteur, Anne Monjaret, ethnologue, à un retour en arrière, afin de mieux cerner leur héritage et de mieux saisir les conditions de sa constitution. La Belle Époque semble en cela une période charnière, une période de tension qui aura un effet sur la pratique de ce corps de métier.
En effet, au tournant du XIXe et XXe siècles, les oiseaux, sauvages et exotiques, ont été exploités massivement à des fins commerciales, en particulier par la mode parisienne pour garnir les chapeaux des femmes. Cet usage est très vite contesté. Détracteurs (journalistes ou hommes de lettres) et partisans s’affrontent autour de la production de l’industrie plumassière. C’est à partir de leurs écrits, et par là, des discours qu’ils ont émis à l’époque que l’auteur analyse la contestation des uns et la justification des autres. Les professionnels incriminés font alliance avec des ornithologues pour désamorcer la critique. Ils vont également promouvoir l’élevage, adapter techniquement leurs productions, transformer les plumes domestiques et leur donner une apparence exotique, fabriquer de faux oiseaux. Ils contrent ainsi en partie les conventions qui se mettent en place progressivement pour réglementer les circulations internationales d’une faune menacée d’extinction. Cet exemple montre la façon dont les intérêts humains fabriquent le destin des animaux.
Aujourd’hui encore, selon les dires des professionnels enquêtés, ce contexte passé où s’expriment respect de la nature et protection animale modèle les pratiques contemporaines des rares plumassiers qui travaillent sur la place de Paris. Si le poids des traditions reste lourd pour ces héritiers, l’invention et l’innovation passent pour eux par l’acte de création, par l’originalité des motifs plus que par les moyens mobilisés pour les réaliser. Il reste qu’une page de l’histoire est tournée ; les plumes de la mode ne soulèvent plus, depuis longtemps, de controverses ; ces dernières sont enterrées, oubliées. Ce sont les danseuses de music-hall avec leur « truc en plume », ou les mannequins lors des défilés de haute couture, qui sont désormais les seules à arborer de telles créations, souvent ostentatoires. Les femmes de la rue ne se parent plus de plumes. La plume d’ornement a été largement supplantée par la plume de spectacle, insolente et érotique.
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L’artisanat se conte: LE PLUMASSIER
LOUIS XIV, 1699 : " LES MAÎTRES PLUMASSIERS ONT CAPTIVÉ LA BIENVEILLANCE DES CŒURS DES PLUS GRANDS DE LA TERRE PAR LE TRAVAIL DE LEURS MAINS. "
En effet, de la récolte des plumes d’élevage à leur ornementation finale, 7 étapes hautement techniques nécessitant un savoir-faire rare se succèdent dans le secret des ateliers de plumasserie. Pénétrons-y discrètement pour les découvrir…
Étape 1: le « dégraissage » des plumes fraîchement cueillies s’effectue dans une eau savonneuse.
Étape 2 : le « lavage » préserve les plumes des attaques bactériennes.
Étape 3 : la « teinture »: attachées en bouquet les plumes sont trempées dans des bains de couleur.
Étape 4 : le « délignage » du bouquet permet de sélectionner la destination de chaque plume. Les plus belles pièces iront vers la Haute Couture.
Étape 5 : le « frisage »: la plume retrouve sa splendeur grâce à la vapeur.
Étape 6 : la « mise sur queue » avec un lien en laiton donne à la plume son maintien.
Étape 7 : le « montage » à l’aide du couteau à parer, outil indispensable du plumassier.
Voilà par quoi passent les plumes d’autruche, de paon, de faisan à aigrette et tant d’autres espèces qui ornent les plus belles pièces de la Haute Couture française. Quel ravissement !
Costume de Jean-Paul Gauthier à gauche - photos et réalisation de la plumassière Nathalie Saunier
Trois grandes maisons historiques détiennent encore ce savoir-faire en France : Lemarié, Lesage et Février. De grâce, préservez votre panache pour continuer à nous faire rêver !