Voici la suite du coup de coeur pour Georges Brassens de Sam l'Epistolière : elle ne m'avait pas tout raconté dans son envoi d'il y a 3 jours, ciblé surtout sur la chanson 'le parapluie'.
Cette fois-ci elle me parle du Brassens, breton d'adoption, pendant quelques années. Devenu "trop célèbre" dans sa ville de Sète, il lui fallait trouver un endroit où se reposer, au calme. C'est à Lézardrieux précisément, là où sa Jeanne avait de la famille, qu'il se posa.
L'enveloppe contient l'article de Ouest France - intégralement reproduit ici - dédié à l'anniversaire de Brassens dans son édition du 22 octobre avec comme titre :
A Lézardrieux, Georges Brassens a bonne réputation:
Article signé par Charles Drouilly et Pauline Launay.
"Il avait un regard noir qui intimidait, mais il n'aimait pas qu'on lui dise". En pays de Paimpol, dans les Côtes d'Armor, Georges Brassens est plus qu'un chanteur célèbre. Ici, certains ont eu le privilège de côtoyer l'homme. Celui qui se levait tôt pour boire un café et bourrer sa pipe de Caporal export, au bar de l'Univers. Qui nageait aux aurores dans le Trieux. Qui signait des chèques pour le club de football.
Mais comment le père des Copains d'Abord s'est il retrouvé en terre bretonne? Né le 22 octobre 2021 à Sète (Hérault) Georges Brassens a découvert la Bretagne... à Paris. Dans le quartier de Montparnasse, le jeune artiste en herbe a croisé la route de Jeanne Le Bonniec, une couturière originaire de Lanvollon (Côtes d'Armor).
A la fin de la 2e guerre mondiale, Georges Brassens est hébergé par son amie costarmoricaine. Il y reste de nombreuses années. Et, alors, que le chanteur commence à se faire un nom, que la Chanson pour l'Auvergnat passe à Europe 1, il décide d'accompagner Jeanne en Bretagne. L'artiste retrouve Michel Le Bonniec, le neveu de son amie, croisé quelques années plus tôt. C'est le début d'une longue et forte amitié.
A la fin des années 1950, Georges Brassens est connu. Même s'il n'aimait sans doute pas le terme, c'était déjà une vedette. Dans les Côtes d'Armor - Côtes du Nord à l'époque - où il rend visite à Michel, l'homme se fait discret. "Quelques voisins savent mais ne disent rien", écrit Pierre Berruer, dans un ouvrage consacré à l'artiste.
Ce que l'on sait, en revanche, c'est que le chanteur est tombé sous le charme de la cité des Islandais et de ses alentours. Alors quand Michel lui trouve une maison avec un jardin qui descend jusqu'au Trieux, le chanteur prend la route et achète Kerflandry, surnommée depuis la maison Brassens.
Pendant dix ans, l'artiste multiplie les séjours en Bretagne, été comme hiver. "J'habitais juste à côté de chez lui", se souvient Jean-Luc Le Thomas 65 ans. Il était très discret. On voyait plus sa compagne, Püppchen".
Pour ne pas attirer l'attention, Georges se levait tôt, très tôt. "Il descendait sur la grève vers 6 h du matin, avec Kafka, son chien. Il nageait jusqu'à la cale et il contemplait le paysage", retrace Jean-Luc. "J'ai toujours aimé me lever tôt, dès l'enfance j'aimais ça, confie l'intéressé dans une interview en 1972. J'aime bien la lumière du matin, c'est ma lumière préférée".
Il avait ses habitudes. Le matin, toujours de bonne heure, il prenait sa R5 rouge et se rendez à Paimpol. Au bar de l'Univers, son café l'attendait.
"Je ne pense pas qu'il avait envie de croiser du monde, il aimait être tranquille, observe Alain Le Nost, peintre qui avait alors une galerie juste en face. Un jour nous avons échangé. Je me souviens encore de son regard malicieux. L'expression de son visage m'a marqué, si bien que j'ai décidé de faire un portrait. Cela n'a pas été simple".
Ce regard, Nanou Le Quellec, 68 ans, s'en souvient très bien . "Brassens était un ami de mes beaux-parents, explique-t-elle. L'été, il organisait des soirées. Son cercle d'amis parisiens lui rendait visite. Mais c'était quelqu'un de très discret".
Ceux qui ont eu la chance de partager un verre avec le chanteur décrivent un homme "simple". "Il était très généreux. Je me souviens qu'il avait aidé une dame dont la maison avait été abimée par des grêlons", fouille dans ses souvenirs Nanou. "A la fin de l'été, il signait deux chèques, l'un pour la commune, l'autre pour le club de football" ajoute Gilles Allain, élu à Lézardrieux.
En Bretagne, Georges Brassens n'oubliait pas la musique. La légende locale -sans doute véridique- raconte qu'un matin, l'artiste est arrivé en trombe dans le magasin qui appartenait à son ami Michel, dans le centre-ville de Paimpol. Une mésaventure dans son jardin lui aurait inspiré un couplet pour Fernande, qu'il aurait joué dans la boutique sous le regard médusé d'une cliente.
Dans une archive de 1972, le poète confie néanmoins qu'en Bretagne, "les tentations sont grandes de mettre son nez dehors, de partir en bateau, de se promener dans le pays... Je ne peux pas faire trente-six choses à la fois".
De nombreuses photos, connues ou méconnues, témoignent des vacances de monsieur Brassens. Une virée sur le Trieux, les saucisses du boucher de l'époque, l'excellent riz au lait de la cantinière que l'on pouvait se procurer chez le boulanger. "Il y avait bien des jeunes qui déposaient des cassettes dans sa boite aux lettres, mais sinon, c'était un habitant comme les autres" décrivent des habitants.
N'en déplaise aux braves gens -qui, n'aiment pas que l'on suivre une autre route qu'eux- Georges Brassens n'avait pas une mauvaise réputation en pays de Paimpol. Bien au contraire. La nouvelle de sa mort, le 29 octobre 1981, a été accueillie avec une profonde tristesse en Bretagne. Depuis, les hommages se succèdent et les souvenirs se bousculent. L'homme n'est plus là, mais les "copains d'abord" voguent encore.
Merci à toi Sam, de nous mieux faire connaître cette partie de la vie de l'artiste Brassens devenu vedette, dans son autre refuge, certes loin de sa Provence et de la Méditerranée mais toujours proche de la mer.