25 avril 2025

Les chevaux sauvages du graveur Hans Baldung Grien, pour Vincent

Toujours à la recherche d'oeuvre artistiques avec de beaux chevaux, je me suis régalée en trouvant sur Gallica l'oeuvre d'un graveur sur bois exceptionnel, éléve de Dürer, qui a magnifiquement traité des groupes de chevaux sauvages avec une observation très fine des détails, lors des parades précédent l'accouplement. Ils sont siréalistes et paraissent si vivants !

Je ne vous ai pas encore dit qu'il s'agit d'Hans Baldung Grien. A travers les gravures consacrées aux chevaux sauvages, Baldung traite de l’instinct animal et développe par là même un langage plastique à part entière.

Sept chevaux sauvages dans la forêt, avec un singe

Le combat des chevaux sauvages 

Groupe de six chevaux combattant

Les chevaux de Hans Baldung Grien Mende 77-79

Dans cette suite de bois gravés, sans précédent dans la peinture, Hans Baldung Grien aborde sous trois angles différents le comportement frénétique de chevaux sauvages dans une forêt, notamment lors de diverses phases d'accouplement. 

Ainsi, la première planche représente sept chevaux libres, sans harnais ni selle, offrant l'image d'une mêlée confuse entre l'étalon central et le reste des équidés. Les deux bois suivants illustrent de manière explicite leurs tentatives d'approche, entre rut et ruade. Baldung, ayant vraisemblablement répondu à une commande de dessins anatomiques, s'est aidé de croquis pris sur le vif. Ceux réalisés à la pointe d'argent et conservés aujourd'hui à Karlsruhe (Koch 195-199) peuvent difficilement être considérés comme des études préparatoires, voire contemporaines des gravures. L'on imagine mal que de telles études soient à la base de figures équines rendues avec un tel réalisme. L'intérêt de l'artiste pour les luttes de chevaux est déjà décelable vers 1515, puisqu'il avait apporté sa contribution à la décoration des marges d'un livre de prières pour Maximilien Ier, en mettant en scène ces animaux. 

Ainsi, le Combat de chevaux sauvages (Koch 51) représente un groupe de trois chevaux en pleine dispute, tandis qu'une quatrième monture porte un enfant, sous le regard d'un putto ailé, témoin de la scène. Dans le dessin, l'effet produit est beaucoup plus fade que dans la série des bois, car les têtes de chevaux sont esquissées sans grande précision à la plume. Plus tard, en 1531, Baldung va poursuivre ce travail à la plume, en dessinant Quatre étalons se querellant (Koch 131). Les similitudes entre les dessins et les gravures sont d'ordre général. Dans la série qui nous intéresse, c'est pourtant le graphisme, proche d'un dessin spontané à la plume, qui crée la sensation de mouvement violent propre à chaque tableau. Les chevaux, pris individuellement, sont cernés par un trait de contour, tandis que de petites hachures parallèles suggérant le modelé de leur corps, et en particulier de leur croupe, délimitent avec netteté les zones d'ombre et de lumière des montures. Même le parterre herbeux de la forêt participe de l'effet dramatique : les traits se multiplient entre le premier plan et le fond tout obscurci qui souligne le côté impénétrable des lieux. L'interprétation globale de la série est allée longtemps dans le sens que lui avait donné Carl Koch, soit ' la passion amoureuse et l'amertume amoureuse de [toutes] les créatures '. Dans la deuxième gravure, la présence au loin à gauche d'un observateur vêtu à la mode de l'époque indique que le sujet de la composition ne relève ni de l'histoire ni de la mythologie classique ; et le singe tenant la tablette munie de la signature de Baldung suggère que l'intérêt de la représentation dépasse le simple rendu réaliste d'une horde de chevaux sauvages dans une forêt septentrionale. Utilisé à des fins symboliques très variées, le singe, en effet, placé de surcroît sous le sexe en érection de l'étalon, devient ici une allégorie de la puissance sexuelle. Il est d'ailleurs souvent associé, comme le cheval, au tempérament sanguin. Depuis l'Antiquité, les équidés, mâles et femelles, sont reconnus pour leurs appétits sexuels. Baldung, au travers des yeux exorbités des montures, de leurs expressions d'angoisse, traduit avec une rare intensité la frénésie de ces animaux sauvages, apparemment libres, mais enfermés dans une forêt obscure et livrés au quotidien à la violence de leur sexualité. Les trois gravures offrent aussi une lecture de la condition humaine, puisque la présence dans la deuxième planche d'un singe, symbolisant la Chute, se trouve être une allusion à l'incapacité de l'homme, ou de l'animal à résister au désir sexuel. Simple constat, sans jugement moral de la part de Baldung. Décrivant la puissance sexuelle comme quelque chose d'imparable, l'artiste propose un point de vue sombre, à relier vraisemblablement à l'apparition, dans la deuxième gravure, d'un élan, traditionnellement représentatif de l'humeur mélancolique. Dans cette suite, le bois intitulé Sept chevaux sauvages dans une forêt (cat. 96 et 97) provient de la collection du Strasbourgeois Ferdinand Reiber et a été acquis en 1896 au lendemain de sa mort, lors de la mise en vente de son riche fonds d'alsatiques (cat. Reiber 1896, p. 284, no 4556), qui va véritablement signer l'envol du Cabinet des Estampes et des Dessins. Aussi cette estampe est-elle considérée comme faisant partie des oeuvres fondatrices du musée. (Anny Claire Haus) ; voir aussi : Sept Chevaux sauvages dans une forêt (77.985.7.2)
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Biographie d'Hans BALDING 1484-1545


à gauche Hans Baldung. Autoportrait (v. 1516) -Huile sur bois, détail du maître-autel de la cathédrale de Fribourg
à droite, son monogramme.

Hans Baldung naît en 1484 ou 1485 à Schwäbisch Gmünd, ville située à 200 km à l’est de Strasbourg, à proximité de Stuttgart. Cette ville faisait partie à l’époque de la région appelée Souabe. Baldung appartient à une famille ayant fréquenté l’Université, chose rare pour les peintres du 15e siècle. Son père, Johann Baldung, est un juriste qui exerce la fonction de conseiller de l’évêque de Strasbourg. L’un de ses oncles est docteur en médecine et son cousin est professeur de droit à Fribourg. Dès sa petite enfance, la famille s’installe à Strasbourg.
La formation artistique de Hans Baldung commence entre 1498 et 1502, comme compagnon chez divers maîtres de Souabe et du Rhin supérieur. Les peintres étaient considérés comme des artisans devant effectuer leur « tour », c’est-à-dire mener une vie itinérante d’apprentissage. En 1503, à l’âge de 18 ans, Hans Baldung devient l’assistant d’Albrecht Dürer dans son atelier de Nuremberg. Il y reste jusqu’à 1507 et assimile parfaitement le style de Dürer. Sa prédilection pour la couleur verte lui vaut un surnom de Grien (vert) qu’il utilisera ensuite dans le monogramme lui permettant de signer ses œuvres et qu’il ajoutera à son patronymique (Hans Baldung Grien).

L’exceptionnelle polyvalence de Dürer permet à Baldung de s’initier à tous les aspects des arts graphiques : dessin, gravure sur bois, peinture, vitrail. Il est très apprécié par Dürer et certains historiens évoquent une véritable amitié entre les deux artistes. A la mort de Dürer en 1528, il recevra une mèche de cheveux du maître. Des dessins destinés à la gravure ou à la réalisation de vitraux sont créés par Baldung pendant son séjour chez Durër

A partir de 1507, Hans Baldung devient un artiste indépendant, créateur de retables, l’un des premiers étant le Retable de saint Sébastien à Nuremberg.

Élève le plus célèbre d’Albrecht Dürer, Hans Baldung devint, comme son maître, un artiste polyvalent dont l’œuvre comporte des dessins, des gravures, des tableaux sur bois (portraits, scènes religieuses et mythologiques, allégories) et de grands polyptyques. Son œuvre reflète la transition entre la Renaissance et le maniérisme.

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