14 octobre 2025

MO009 - Sortie des ouvriers de l'Arsenal de Toulon, de l'Etre anonyme

Aujourd'hui une nouvelle enveloppe de l'Etre anonyme sur le thème du monde ouvrier en France, ce qui me fait très plaisir.

Sortie des ouvriers de l'Arsenal à Toulon  sur une carte postale ancienne par la Porte Castigneau - 1903 

Le temps perdu

Devant la porte de l'usine
le travailleur soudain s'arrête
le beau temps l'a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond
souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l'œil
familièrement
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c'est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ?

Jacques Prévert (1900 - 1977) -

Merci à l'Etre anonyme d'avoir déniché ce poème de Prévert que je connaissais déjà (mais dont je ne me lasse pas ) et de l'avoir associé à cette carte postale ancienne.

On y voit la sortie des  nombreux ouvriers de l'Arsenal de Toulon où l'effectif monta jusqu'à 5000 personnes vers 1860.

***
Etude des ouvriers de l’arsenal de Toulon au tournant de la Révolution française , au carrefour des histoires maritime, sociale et culturelle (1760-1820)

Par cette étude, nous cherchons à comprendre comment se forme une classe ouvrière à la fin de l’Ancien Régime et au début du XIXe siècle, et nous demandons si la Révolution française a contribué à cette formation, notamment à Toulon, ville dans laquelle ce groupe ouvrier est si important, où l’élément maritime militaire s’avère fondamental, et dans laquelle les tourments révolutionnaires prennent rapidement une envergure nationale.

Pour mener à bien notre recherche, nous exploitons autant les sources officielles telles les correspondances des autorités maritimes, les registres de matricules du port ou les délibérations des conseils de ville, les cahiers municipaux de dénombrement et de contributions. Elles permettent de cerner les contours démographiques et sociologiques du groupe « ouvriers de l’arsenal », et de mieux appréhender les processus en marche au cours de notre période grâce à la description détaillée des événements. Le silence de ces mêmes archives sur les ouvriers et plus largement sur les catégories populaires est tout aussi parlant, surtout dans l’analyse de la conquête démocratique. Elles ne sont toutefois pas suffisantes pour comprendre la vie quotidienne des ouvriers de l’arsenal. Les archives judiciaires sont à la frontière de l’officialité et de l’informel par ce qu’elles font ressortir les comportements informels des acteurs dans une institution d’État. À côté de ces sources se trouvent des documents produits par les ouvriers eux-mêmes dans le cadre de leur travail (rapports d’expertises, participation à une activité de sous-traitance de l’arsenal, etc.) ou de leur engagement politique (pétitions, adresses, placards, etc.). Comparativement aux sources officielles, ces documents sont moins nombreux mais ils déstabilisent l’historien dans ses certitudes et l’obligent à réévaluer la vie des ouvriers. N’est-ce pas toutefois là notre but ? Rompre, comme le prônait Émile Durkheim pour la méthode sociologique, avec le sens commun qui fait des ouvriers de l’arsenal une masse tantôt manipulable, tantôt dangereuse, toujours sauvage ?

Nous nous proposons de présenter notre objet d’étude et nos pistes d’investigation. Nous étudierons tout d’abord le rapport des ouvriers de l’arsenal de Toulon au monde maritime. Nous donnerons ensuite une définition de notre catégorie ouvrière par rapport aux critères de définition des classes inférieures de l’Ancien Régime. Enfin nous tenterons de discerner la conscience de classe et la conscience politique chez les ouvriers de l’arsenal, en nous portant plus sur la période napoléonienne et la Restauration.

Les ouvriers et le monde maritime

En période de paix au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et avant la Révolution, on peut estimer à environ 1500-2000 personnes le total des ouvriers employés par la Marine à Toulon, soit 30 % des chefs de famille toulonnais. Les ouvriers spécialisés de l’arsenal sont massivement toulonnais, tandis que les artisans et gens de métiers le sont sensiblement moins. L’arsenal apparaît néanmoins pour l’ensemble des Toulonnais comme l’unique ressource des habitants de la région. Comme le rappellent les officiers municipaux de Toulon et du Revest, c’est l’arsenal qui vivifie à lui seul le canton en procurant travail aux pauvres et marchés aux plus riches.

Dans la tradition de l’histoire navale, les ouvriers apparaissent comme un élément d’une institution qui les dépasse et qui s’impose à eux, comme les instruments d’un système productif dont seules les qualités techniques sont mises en valeur et recherchées. Martine Acerra parle des ouvriers de Rochefort comme des « acteurs de la fabrique » dont « la profusion des métiers et des statuts professionnels » relèvent encore « d’un monde artisanal orienté vers une production unique, le navire de guerre ». Les ouvriers des arsenaux font donc partie des gens de mer, à terre ou embarqués, sur les chantiers ou dans les ateliers, et peuvent à bien des égards être assimilés aux marins dans les descriptions qu’en font les historiens. Sans cesse est relevée la grande diversité des catégories sociales, des classes d’âges, des statuts familiaux, des origines qui fait de la ville-arsenal un lieu où se retrouvent les marginaux, forcément brutaux, ayant le goût prononcé de l’alcool et des femmes, souvent peu respectueux de la morale chrétienne. Le marin et l’ouvrier sont des « sortes d’animaux […] séditieux, indociles, mutins, libertins ». Les ministres de la Marine déplorent que leurs hommes dilapident leurs payes dans les tripots, quitte à laisser mourir leurs familles. Par leur présence, le port devient le lieu des bagarres, des vols et des abus. M. Acerra voit également dans ces débordements le « goût de la fraude ou de la nécessité du larcin pour survivre ». Le vocabulaire utilisé renvoie la classe laborieuse des arsenaux à une classe dangereuse. Dangereuse par sa turbulence, et dangereuse par son non-respect du temps de travail, par le vol des biens de l’État (au premier rang desquels le bois pour se chauffer), par leur entente qui provoque l’envol des adjudications, et par le risque d’incendie dans l’arsenal.

Pour autant, l’étude de la fréquentation des cabarets permet de considérer ces lieux non pas sous l’angle de la gestion du personnel de l’arsenal ou celui de la police de ville mais plutôt sous l’angle de la sociabilité. Ce parti méthodologique tend à déplacer le regard de l’historien en se plaçant non plus du point de vue de l’autorité, répressive ou condescendante, mais en adoptant une grille d’analyse – pour faire vite – anthropologique. Les journées révolutionnaires à Toulon les 23 et 24 mars 1789 donnent lieu à plusieurs arrestations, à un procès devant le Parlement d’Aix et à quelques condamnations à mort dont l’exécution aurait dû se dérouler en principe à Toulon même. Mais le 23 juillet 1789, les révolutionnaires toulonnais manifestent violemment, et le Parlement de Provence commue la peine des émeutiers de mars, le cours de la Révolution les ayant en quelque sorte absouts. Or cette journée de juillet fait l’objet de quelques hypothèses sur le rôle de la confrérie des cabaretiers. Ce jour-là, dans l’église des Minimes, se tient la réunion annuelle du « Corps de Sainte Marthe » (sainte patronne des cabaretiers) pour, officiellement, élire les syndics du corps. Selon H. Lauvergne, historien toulonnais du XIXe siècle, le but réel de cette manifestation est politique car s’assemblent au couvent des Minimes des ouvriers, des artisans de toutes conditions, plusieurs bourgeois, et non pas seulement des cabaretiers. Cet exemple nous fait approcher la complexité du monde ouvrier et son imbrication avec les autres catégories sociales de la ville.

Si les points communs sont nombreux entre les ouvriers des différents arsenaux, leurs comportements varient selon qu’ils soient du Ponant ou du Levant, comme si la Mer Méditerranée influait sur les mentalités de façon différente de l’Océan Atlantique. De nombreux stéréotypes visant à distinguer les gens de Brest de ceux de Toulon sont véhiculés par les autorités, les mémorialistes, les érudits et les voyageurs. Ces images traversent les temps sans que l’on ne sache bien s’il s’agit de traditions, d’idéologies, de présupposés. Pour l’amiral Jurien de la Gravière, au XIXe siècle, les Bretons sont toujours des « Celtes à demi-sauvages », stoïques, obstinés, d’une saleté atavique et présentant un penchant immodéré pour les « liqueurs fortes ». Quant aux Provençaux, « l’ordre, le silence, la patience, la régularité, ne sont pas dans leurs instincts. Ils peuvent cependant se plier aux exigences d’un service qui leur est presque toujours antipathique ; mais c’est comme l’arc courbé par une main puissante, qui se redresse dès qu’on abandonne à lui-même ». Les différences de comportements entre gens de mer méditerranéens et gens de mer de l’Atlantique ressortent crûment à Toulon dans le contexte politiquement tendu du tournant des années 1792-1793. Depuis le début de la Révolution, la municipalité de Toulon et la Marine sont divisées, ce qui laisse aux ouvriers la possibilité de s’affranchir du contrôle militaire et de soutenir la politique des Jacobins toulonnais. Les ouvriers, d’après les autorités, usent de tous les stratagèmes pour se soustraire aux travaux et sortir de l’arsenal divers objets pouvant améliorer leur quotidien de quelque manière que ce soit. Des accusations plus graves – comme celle de favoriser les ennemis de la Révolution – sont portées à l’encontre des Toulonnais. Selon un ouvrier originaire de Bayonne, en mai 1793, les ouvriers toulonnais quittaient l’arsenal une fois l’appel passé pour aller travailler en ville. Ce témoin estime qu’il a été levé inutilement. L’ordonnateur du port constate, lui, que les ouvriers de levée employés dans l’arsenal y sont plus dangereux qu’utiles par leur manque de volonté.

Ces différences ne peuvent provenir d’un cloisonnement entre Ponantais et Méridionaux. Le système des classes concerne, depuis 1776, les ouvriers exerçant une profession dite maritime dans toute l’étendue des côtes maritimes et des rivières affluentes à la mer. L’arsenal de Toulon reçoit des ouvriers de toute la façade méditerranéenne de la France mais aussi du Sud-Ouest, des régions bordant le Rhône, et des régions forestières dans lesquelles la Marine s’approvisionnait en bois. En cas de nécessité, toutes les Inspections doivent s’aider mutuellement. Les contacts entre ouvriers bretons et provençaux sont nombreux et souvent prolongés autant dans les ateliers et sur les bateaux (leurs lieux de travail) que dans les villes. Les ouvriers de l’arsenal de Toulon partagent donc bien une identité maritime avec leurs camarades de Rochefort ou de Brest, mais cette identité n’est pas monolithique, elle est empreinte de différences.

Voyons maintenant l’influence du travail sur la conscience collective du groupe ouvrier.

Les ouvriers de l’arsenal : un peuple au travail, un peuple dans la ville

Étudier les ouvriers de l’arsenal de Toulon dès la fin du XVIIIe siècle, c’est s’interroger sur la définition d’une classe inférieure à l’époque moderne, c’est partir à la recherche du « menu peuple » et de la « populace ». Nous avons déjà donné quelques exemples de représentations accolées aux travailleurs des arsenaux qu’ils soient de l’Atlantique ou de Méditerranée. Or, dans notre cas, les qualificatifs attribués aux populations maritimes ne peuvent se dissocier de ceux allégués aux catégories populaires. Les déclarations sur les habitants de Toulon de la part du Représentant du peuple Rouyer en l’an III ne sont pas un cas aussi extrême que l’on pourrait le penser. Lorsque ce dernier écrit au Comité de Salut Public que « les trois quarts et demi des habitants qui s’y trouvent [à Toulon donc] dans le moment actuel sont des personnes qui s’y trouvent on ne sait comment et qui viennent on ne sait d’où ; la plupart ont des formes affreuses, et c’est une horde de sauvages qui a envahi un pays civilisé », n’est-ce pas à la fois une caricature des Toulonnais assimilés à des primitifs et une représentation idéalisée de la Provence – terre de civilisation –, le tout mis en opposition pour produire un meilleur effet auprès du pouvoir central ? Toulon en l’an III compte jusqu’à 12000 ouvriers, ce qui correspond bien aux trois-quarts de la population. Alors pour dépasser ces imaginaires sur des ouvriers assimilables à des troupeaux d’êtres féroces incapables de réflexion, si proches d’un état de nature hostile, il faut se placer sur un plan plus empirique et aborder l’étude des ouvriers de l’arsenal de Toulon sous l’angle de la question sociale, quitte à être tiraillé entre deux pôles : l’étude économique et l’analyse politique.

Les ouvriers de l’arsenal de Toulon ont pour « seul patrimoine le travail ». Dans l’arsenal les maîtres, les contre-maîtres (ou aides), les ouvriers en tant que tels, les apprentis, les officiers mariniers, matelots et mousses remplissent cette définition. La différence de statut n’est pas inexistante entre les ouvriers et les maîtres mais ils sont issus du même milieu social (les catégories populaires) et souvent de la même ville. Ils font preuve entre eux d’une cohésion qui dépasse le simple cadre professionnel : les maîtres et les contre-maîtres veillent à l’instruction et à la formation des ouvriers dans un rapport souvent paternel. Mais quand le travail vient à manquer, les ouvriers tombent dans une plus grande pauvreté. Les ouvriers de l’arsenal de Toulon sont, de ce point de vue, bien les membres de ce peuple « qui vivent avec des salaires quand ils sont suffisants ; qui souffrent quand ils sont trop faibles ; qui meurent de faim quand ils cessent ». Ils connaissent la précarité et développent des moyens de la prévenir si bien que le salaire monétaire, certes significatif en ville, n’est qu’une des formes du revenu populaire. Les ouvriers des arsenaux mettent en œuvre toute une gamme d’actions pour survivre : le recours à la distribution de pain et au ramassage des copeaux, le travail en perruque, la pluriactivité, ou l’abandon de l’arsenal pour des chantiers civils mieux rémunérés. L’étude du travail et des salaires est corrélative à celle de la consommation. En plus de se nourrir (le tiers du montant de leurs journées est consacré dans l’achat de pain), de se vêtir et de se loger, l’ouvrier voit son salaire amputé de diverses manières. Les ouvriers doivent acheter leurs outils de travail, dont le coût est considérable, et détourne bien souvent le travailleur tenté par l’engagement à l’arsenal. Quatre deniers par livre sont en plus retenus pour alimenter la Caisse des Invalides. La situation est encore plus difficile pour les ouvriers de levée : ils souffrent de recevoir un salaire moins élevé que celui perçu sur les chantiers privés, ils ne bénéficient pas des avantages en nature des ouvriers volontaires (distribution de pain, sortie de copeaux), et ils doivent subvenir aux besoins de deux ménages, le leur et surtout celui de leur famille, parfois à l’autre bout de la France.

En période de récession économique et de hausse du chômage, ou en période de crise frumentaire quand le manque de céréales provoque la hausse du prix des denrées, interviennent, notamment lors des périodes de soudure, les secours distribués par la municipalité ou par la Marine. Les efforts combinés de la Ville et de la Marine n’empêchent toutefois pas les émeutes de mars 1789. Au début de ce mois, sont dûs quatre, voire cinq mois aux ouvriers. L’intendant du port demande même à son ministre de tutelle de quoi payer au moins deux mois de soldes par crainte d’une éventuelle révolte. Mars 1789 correspond aussi à la période de rédaction des cahiers de doléances en préparation des États Généraux. Tous les maux des ouvriers de l’arsenal se cristallisent autour du problème des ouvrages à l’entreprise, généralisé par l’État depuis 1786. L’article 1 de la section Marine du cahier de doléances du tiers état de la ville l’exprime bien :

Art. 1er – La suppression des entreprises et prix-faits dans l’arsenal, et que dans la fixation des fonds, celui pour le salaire des ouvriers ne donne plus lieu à cette classe précieuse de sujets, à s’expatrier et à porter leurs utiles services à la première puissance qui veuille lui donner du pain : cette émigration devient chaque jour plus frappante et les suites politiques plus à craindre. »
C’est donc dans ce climat de misère et d’effervescence politique qu’éclate l’insurrection du 23 mars 1789.

Dans le domaine politique, « les classes inférieures ont été pendant de très longues périodes des classes silencieuses ». Ce silence relatif n’a pourtant pas évité aux classes inférieures d’apparaître menaçantes aux yeux des élites, si bien que la prise de parole par le peuple est déjà une subversion historique. La Révolution française représente un moment privilégié pour scruter les ouvriers de l’arsenal. À la fin de l’Ancien Régime, le peuple est sujet et non citoyen, il forme un peuple, et même un bas peuple, sans droits politiques. Or, à partir de 1789, nous assistons à la conquête de la politique par les ouvriers de l’arsenal de Toulon : ils s’emparent des droits politiques dans les assemblées primaires, ils travaillent pour la Nation et la défense de la Patrie, ils ont conscience d’appartenir aux couches populaires. Reprenons l’exemple des événements de mars 1789. Le 23 du mois, les délégués des corporations se réunissent à l’Hôtel de Ville afin de rédiger les cahiers de doléances. Le « bas peuple » de Toulon se regroupe dans « la salle basse de l’Hôtel de Ville » mais suite à un incident à propos de l’interprétation du code électoral, les assemblées tournent à l’émeute. Les maisons des archivistes sont pillées et le piquet pour un temps suspendu. L’aspect anti-municipal est également présent : la maison du maire est saccagée, et c’est à cause de l’interprétation du règlement électoral que les catégories populaires, massivement exclues des assemblées, se soulèvent. L’émeute constitue alors un moyen de se faire représenter. La particularité de Toulon vient de ses ouvriers de la Marine qui se mobilisent avec « la plus basse classe » et profitent de l’appui des artisans, des commerçants et de leurs employés que le chômage à l’arsenal pénalise. Ils prolongent la lutte en adoptant la grève comme moyen de pression sur les institutions. « Le 25 mars les ouvriers de l’arsenal s’attroupèrent, la cloche les appela vainement au travail, ils refusèrent d’aller à l’ouvrage se plaignant avec aigreur de l’inexactitude de leur payement ». Le commandant de la Marine ne doit sa survie qu’au don de 60.000 livres versé par un imprimeur toulonnais pour le règlement de la solde des ouvriers. Et c’est en autorisant les ouvriers de l’arsenal à élire leurs propres députés que les autorités municipales désamorcent une crise profonde.

Conscience politique et conscience de classe

Revenons à la question posée dès l’introduction : comment se forme une classe ouvrière à la fin de l’Ancien Régime et au début du XIXe siècle ? Nous pensons qu’elle se forme en partie par la politisation des ouvriers.

Le premier élément fédérateur parmi ces ouvriers, nous l’avons dit, c’est le travail. Celui-ci influence les comportements au-delà des problèmes de salaires. Il touche au corps et aux mentalités par les pratiques et les techniques qu’il met en œuvre et que les ouvriers adoptent selon des normes édictées par la hiérarchie et selon un ensemble de routines destinées à s’approprier leurs moyens de productions. Il est vrai que l’arrivée des ouvriers du fer, aux dépends des ouvriers du bois, a modifié la structure de la population ouvrière toulonnaise, qu’elle a changé bon nombre de traditions, notamment en brisant les « dynasties » familiales de charpentiers et en faisant appel à des entreprises civiles possédant le savoir-faire métallurgique (un savoir-faire qui dépasse celui des chaudronniers et des fondeurs de l’Ancien Régime). Comme en témoigne l’amiral Jurien de La Gravière dans ses mémoires, « la vapeur est venue apporter dans les conditions de notre métier plus qu’un changement radical : elle a produit une révolution ; elle a bouleversé de fond en comble nos traditions, nos plaisirs, nos usages et jusqu’à nos mœurs ». Jusqu’au premier tiers du XIXe siècle, les ouvriers mécaniciens et chauffeurs de l’arsenal sont des étrangers issus de l’industrie privée et bien payés – en tout cas, mieux que leurs collègues des métiers traditionnels. Ils défendent leur savoir-faire en interdisant d’approcher des machines qu’ils conduisent, même si apparemment la plupart d’entre eux possèdent une expérience et une habileté moindres que les ouvriers anglais.

Mais le changement de mentalités est-il si mécanique et si radical ? Sewell avance que « la solidarité de classe, lorsqu’elle apparut pour la première fois au début des années 1830, fut la généralisation, la projection à un niveau supérieur de la solidarité corporative. La fraternité plus large de tous les ouvriers ne devient concevable qu’à partir du moment où les corporations ouvrières se perçurent comme de libres associations de citoyens au travail productif et non comme un corps distinct, voué au perfectionnement d’un art particulier. ». Or, pour le cas de l’arsenal de Toulon, nous peinons à trouver cette solidarité corporative dans le sens où nous avons affaire à un monde déjà industriel. Les corporations toulonnaises semblent intégrer les maîtres des arsenaux, mais seulement eux. Ces instances sont trop étroites pour embrasser les mouvements de 1789 ; les ouvriers de l’arsenal ont participé à d’autres formes de sociabilité au premier rang desquelles le club des Jacobins et le Comité central des ouvriers, syndicat avant la lettre pourrait-on dire. Leur sociabilité sous l’Ancien Régime et la Révolution est toutefois moins difficile à trouver que celle sous l’Empire. D’une part, parce que les confréries ou les clubs ont des buts publiquement présentés ; d’autre part, parce que le caractère policier du système napoléonien a atomisé le mouvement ouvrier. Par exemple, en 1807, le Préfet maritime de Toulon déclare qu’il « est défendu à tous officiers civils et militaires, officiers de santé, sous-officiers, officiers-mariniers, matelots et soldats, maîtres, contre-maîtres et ouvriers de l’arsenal, novices et mousses et autres employés tenant au service de la marine, de se trouver dans les maisons ci-après désignées. (...) Tout employé de la marine, sans distinction de grade, qui sera trouvé dans ces maisons, sera arrêté et puni avec la dernier sévérité ». Mais à ce moment-là, sous l’Empire, apparaissent les sociétés de secours mutuels. Sewell écrit à leur propos qu’elles étaient des « versions postrévolutionnaires des confréries d’Ancien Régime » : elles se chargent des funérailles, portent le nom d’un saint patron qu’elles fêtent. Outre ces activités, la société organise parfois des sorties dominicales pour les ouvriers, leurs familles et leurs amis. Ainsi, sous leur forme publique apparente, malgré leurs petits effectifs apparents, les sociétés de secours mutuel comprennent, toujours d’après Sewell, l’ensemble des membres d’un même métier. Et quand bien même la société ne regrouperait qu’une minorité, elle fournirait le symbole d’une organisation œuvrant tant d’un point de vue moral que pratique pour tous les ouvriers. Nous tentons d’appréhender ce mouvement de société mais il est très difficile d’en saisir la composition et la vie intérieure (débats, discussions). Les archives départementales et municipales sont peu nombreuses sur ce thème et durant ces années.

De même, il est difficile de connaître la tendance politique de la majorité des ouvriers. D’après un rapport du Préfet du Var, en juin 1820, on pourrait détecter quelques penchants bonapartistes. Le 22, huit ouvriers boulangers ont chanté dans une guinguette : « Vive le brave Napoléon, il nous a conduit à la victoire et il nous y conduira encore, il reviendra pour chasser les Bourbons. ». Les boulangers, dans leur ensemble, ne sont pas des inconnus pour les autorités royalistes. En janvier 1815, le préfet maritime de Toulon demande à son ministre de tutelle de pouvoir changer tous les chefs de la boulangerie de l’arsenal et d’en recevoir un, provenant d’un port du Ponant. Il ajoute qu’il serait bien « de faire suivre ce maître par quelques aides, capables de le bien seconder & de donner à la manutention, la direction convenable & de faire changer les habitudes vicieuses des ouvriers du pays »

Mais les ouvriers soutiennent-ils Napoléon pour lui-même ? Rien n’est moins sûr. Sous le Consulat déjà, le 2 nivôse an VIII, les officiers de la Marine passent la revue à bord du vaisseau amiral par le travers du grand rang où il y avait plusieurs maîtres d’équipages. Un officier voulut « qu’on publie une victoire sur le port » ; un maître d’équipage « s’est permis de dire ironiquement que c’était la victoire remportée [à Aboukir] ». L’effort de guerre a permis à l’empereur d’avoir les faveurs des ouvriers toulonnais. Pourtant, en 1815, les ouvriers acceptent la Restauration : « tout le peuple de Toulon, hommes, femmes et enfants, parcourt les rues agitant des étendards blancs au son des fanfares et tambourins d’un bout de la ville à l’autre (en criant) vive le Roi, vivent les Bourbons ! ». Les quelques mouvements de colère individuels (voir ci-dessus) ou collectifs (voir les mouvements contre le défaut d’approvisionnement en denrée de 1801 ou contre le retard de paiement en 1813) remettent en cause le schéma trop vite admis d’un port militaire acquis à Napoléon de façon unanime et en opposition avec Marseille, port commercial que le blocus napoléonien pénalise. L’adhésion à l’Empire chez les ouvriers de l’arsenal est soumise à trop d’aléas et de contraintes sociales pour s’affirmer de façon inconditionnelle.

Conclusion

Notre objet d’étude porte ainsi sur une catégorie populaire urbaine, composite et complexe : les ouvriers de l’arsenal de Toulon, à l’œuvre dans un monde bouleversé dans ses usages politiques, culturels et sociaux par la Révolution française.


Nous avons vu que l’identité maritime de ces ouvriers est indéniable mais elle se nourrit d’influences diverses qui lui donnent son originalité. Les ouvriers font bien partie du peuple mais là encore, il n’y a pas unanimité : la diversité des métiers et des statuts professionnels, la contingence des carrières et le milieu familial incitent l’historien à appréhender le monde ouvrier toulonnais comme un monde pluriel. Enfin, les ouvriers de l’arsenal de Toulon possèdent une conscience politique, souvent confuse car soumise au poids de la tradition, de la hiérarchie et surtout des événements. Ils forment bien la base de la classe ouvrière chère à Flora Tristan, mais une classe en gestation et qui ne bénéficie pas encore des apports théoriques et politiques du XIXe siècle.

Source : Auteur Julien Saint-Roman, professeur certifié du secondaire, actuellement ATER à l’Université de Provence, poursuit une thèse sur Les ouvriers de l’arsenal de Toulon (1760-1820) sous la direction de Mme Christine PEYRARD au sein du laboratoire TELEMME. Intégré au groupe de recherche « Lumières et Révolution française : processus de civilisation » ainsi qu’au séminaire d’histoire moderne, Julien Saint-Roman a participé à diverses manifestations d’histoire sociale et d’histoire de la Révolution française.
Référence électronique Julien Saint-Roman, « Les ouvriers de l’Arsenal de Toulon, 1760-1820 », Rives méditerranéennes [En ligne], Varia, mis en ligne le 15 octobre 2012, consulté le 13 octobre 2025. URL : http://journals.openedition.org/rives/4460 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rives.4460

13 octobre 2025

Appel à mail-art : Quoi ma gueule... qu'est ce qu'elle a ma gueule....délit de faciès?, pour le MIAP en 2026

Yes, quand une enveloppe arrive du MIAP, il y a généralement lieu de se réjouir : qu'est ce qui va se passer à Rencurel en 2026 ?

Avec cette enveloppe où un collage savant compose un visage surréaliste, Christophe m'invite à créer et lui envoyer de l'art postal sur le thème des  "gueules" pour en faire une exposition au MIAP aux beaux jours de l'année prochaine,  entre le 1er mai et le 30 septembre 2026.

Merci Christophe pour cette belle idée, opportune : avec le recyclage perpetuel à l'Elysée des mêmes têtes hypocrites pour toujours davantage nous berner et nous plumer, je vois là une belle occasion de pouvoir nous lâcher un peu...

Ce n'est pas encore précisé, mais j'imagine que la date de fin d'envoi des créations est à situer vers le 15 avril,  histoire de laisser un peu de temps à Christophe pour faire l'accrochage, avant exposition. 

Hommage à Franz Fanon et à Aboubakar Cissé, de la part d'Eric

Oh oh oh, une enveloppe de la part d'Eric Bensidon, un tout nouveau correspondant pour moi, mais dont je reconnais le style unique,  découvert depuis déjà un bon moment sur le blog d'Eric Babaud. 

Le timbre sur Gisèle Halimi est particulièrement opportun sur cette enveloppe dédiée à Franz Fanon, anti-raciste, anti-colonialiste, soutien important dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie décédé à seulement 36 ans.

Frantz Fanon, né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France (Martinique) et mort le 6 décembre 1961 à Bethesda dans un hôpital militaire de la banlieue de Washington aux États-Unis, est un psychiatre et essayiste de nationalité française se considérant comme citoyen algérien, fortement impliqué dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et dans un combat international dressant une solidarité entre « frères » opprimés.

Il est l'un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste, et une figure majeure de l'anticolonialisme. Il a inspiré les études postcoloniales. Il cherche à analyser les conséquences psychologiques de la colonisation à la fois sur le colon et sur le colonisé. Dans ses livres les plus connus comme Les Damnés de la Terre, il analyse le processus de décolonisation sous les angles sociologique, philosophique et psychiatrique.

A l'intérieur j'ai trouvé une carte très haute en couleurs dans le style "Fluxus" cher aux adhérents de l'IUOMA, pour évoquer la mémoire du crime raciste perpetré à l'encontre d'Aboubakar Cissé,  un jeune malien de 22 ans poignardé à mort dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard) le 25 avril dernier. 
Merci à Eric Bensidon d'avoir attiré mon attention sur ces deux personnes, chacune importante dans ce qu'elles ont représenté dans leur bref passage sur terre : c'en est assez de la haine, du racisme et de la xénophobie : soyons respectueux les uns avec les autres, toutes les cultures, toutes les couleurs de peau et toutes les croyances ont le droit de coexister, en toute égalité. L'humanité n'est qu'une!

10 octobre 2025

Souvenons-nous de Noémie et de ses compagnes résistantes, pour Les RéCréations d'Haida et Cie

Je réponds ici à l'appel à mail-art lancé par une association de Burbure dans le Pas de Calais, dans le but de rendre hommage à Noémie Suchet-Delobelle, une femme résistante qui a donné sa vie pour notre liberté - et à laquelle, on vient seulement d'attribuer le médaille de la Résistance Française, 80 ans après sa mort .

Aujourd'hui où tout est esbrouffe, où il n'y a que le buzz qui vaille pour "exister", il est sûrement difficile pour certains d'imaginer que des personnes, souvent modestes, se soient engagées, sans condition et à bas bruit, pour que notre pays redevienne autonome et se libère du joug des nazis pendant la seconde guerre mondiale! Et parmi ces résistants, de très nombreuses femmes furent des maillons indispensables dans les réseaux, actives dans le renseignement et même le sabotage, mais leurs actions et leurs sacrifices restent encore méconnues ou minimisées plus de 80 ans après la fin de la guerre.  

 

L'histoire de Noémie Delobelle épouse Suchet, décorée à titre posthume de la médaille de la Résistance française

La commission nationale de la médaille de la Résistance française (CNMRF) présidée par le délégué national de l’Ordre de la Libération est parfois confrontée à des injustices en terme de reconnaissance officielle et mémorielle.

Depuis quelques années, l’attention du délégué national a été attirée sur le cas d’une jeune résistante du Pas-de-Calais, Noémie Delobelle épouse Suchet. Agent des FTP à Burbure (Pas-de-Calais), arrêtée par la Gestapo le 5 août 1942, emprisonnée successivement à la prison de Béthune, à la citadelle d’Arras puis à la prison de Loos-les-Lille, Noémie Suchet arrive au camp de concentration de Ravensbrück le 26 novembre 1943. De là, elle est transférée le 14 avril 1944 à Holleischen, un kommando du camp de Flossenbürg où les déportées travaillent à la fabrication d’obus de défense anti-aérienne.

Avec deux autres détenues, Hélène Lignier et Simone Michel-Lévy, Noémie Suchet poursuit ses actions de résistance au sein-même du kommando. Par leurs sabotages récurrents, elles réussissent à faire sauter la machine qui pressait la poudre dans les douilles, privant ainsi l’armée allemande de quelques milliers d’obus. Un rapport sur ce sabotage fut transmis à Berlin qui ordonna que les trois femmes subissent chacune 25 coups de bâton. Puis, le 11 avril 1945, les trois déportées furent transférées sur ordre de Berlin à Flossenbürg où elles furent pendues le 13 avril 1945, dix jours avant la libération du camp.

Simone Michel-Lévy fut décorée à titre posthume de la croix de la Libération (décret du 26 septembre 1945) et de la médaille de la Résistance française (décret du 31 mars 1947). Hélène Lignier, quant à elle, reçue aussi à titre posthume la médaille de la Résistance française par décret du 28 juillet 1955. Noémie Suchet ne reçut aucune de ces deux prestigieuses distinctions. Le 22 décembre 1947, la croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil lui est décernée à titre posthume. La mention « Mort pour la France » lui est attribuée le 19 mai 1950.

Sur une proposition de Vladimir Trouplin, directeur scientifique de l’Ordre de la Libération, le cas de Noémie Suchet est évoqué lors de la session du 22 septembre 2023 de la CNMRF. Il ressortait des éléments en notre possession que la non attribution par automaticité de la médaille de la Résistance était liée au fait que Noémie Suchet était titulaire du titre de déporté politique (obtenu le 16 juillet 1957) et non de déporté résistant comme l’exigent les textes législatifs en vigueur. Face à cette injustice, les membres de la commission ont accepté à l’unanimité que ce dossier soit soumis au président de la République. C’est ainsi que le secrétaire de la CNMRF, Fabrice Bourrée, a pris ce dossier en main et, grâce à l’aide de plusieurs chercheurs (Pierre-Emmanuel Dufayel, Jacques Pequeriau, Anne Savigneux) et diverses institutions (Arolsen Archives, SHD, fondation pour la mémoire de la Déportation, musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon…) a pu considérablement enrichir ce dossier.
Grâce à l’appui de l’ONaCVG, partenaire essentiel de l’Ordre de la Libération, le titre de combattant volontaire de la Résistance a été accordé à titre posthume à Noémie Suchet en date du 3 avril 2024. Avec l’obtention de ce titre, Noémie Suchet devenait éligible à une proposition d’attribution de la médaille de la Résistance française. Avec l’accord de son fils Pierre, et de sa petite-fille Nathalie Wylleman-Suchet, le dossier a été communiqué pour instruction au ministère des Armées puis soumis à la CNMRF dans sa séance du 26 juin 2024. Un avis favorable a été émis à l’unanimité des membres de la commission. Suivant l’avis de la commission, le président de la République a décerné à titre posthume à Noémie Suchet la médaille de la Résistance par décret en date du 30 septembre 2024 (Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses du 9 décembre 2024).

Par cette attribution, Noémie Suchet a enfin et justement rejoint ses deux camarades de déportation, Simone Michel-Lévy et Hélène Lignier, au sein de la glorieuse cohorte des médaillés de la Résistance française.

Source : https://fr.linkedin.com/pulse/lhistoire-de-no%C3%A9mie-delobelle-%C3%A9pouse-suchet-d

9 octobre 2025

Marchons-nous sur la tête? À situation grotesque, réponse clownesque, de Daniella

Comme cela me fait plaisir de recevoir de l'art postal de mon amie Daniella! J'adore, comment avec un simple bout de carton ondulé déchiré, elle va à l'essentiel.

J'interprète cet envoi comme celui d'un quidam qui, voyant le chaos dans lequel on s'enfonce, en est tout retourné (la tête à l'envers du timbre de Paoli) : ses cheveux hirsutes,  ses grands yeux écarquillés, comme figés sur une situation ubuesque, n'inspirent absolument pas l'envie de rire, et ce n'est pas parce qu'il est affublé d'un nez de clown qu'il est en mesure de nous dérider. 

Non, je trouve qu'il est tout-à-fait dans le ton de la sinistrose qui nous accable en ce moment, à voir s'agiter -pour prendre le pouvoir- tous ces pantins, ces marionnettes ou ces clowns qui nous "gouvernent" . 

Un grand merci à toi Daniella, et encore de belles journées d'automne à savourer dans ton joli coin de Bretagne. 

8 octobre 2025

Nuit et Brouillard : n'oublions jamais l'histoire de milliers de déportés et continuons d'exercer la plus grande vigilance !

PLUS JAMAIS CELA !

Une partie des 2 500 portraits de jeunes Juifs déportés de France pendant la seconde guerre mondiale, 
exposés depuis 2005 au mémorial de la Shoah à Paris.© Charles Platiau/Reuters.

Adolescente, lors d'un voyage linguistique en Allemagne,  je suis allée en 1970 visiter le camp de Dachau, tout près de Munich,  en compagnie de jeunes allemands : j'avais 15 ans, jamais je n'oublierai ce que j'y ai vu. Quelques temps après,  j'ai écouté le récit et l'émotion de mes parents qui sont allés à Ouradour sur Glane et j'ai lu la documentation qu'ils en avaient ramené avec le témoignage des rares rescapés. Adulte, j'ai beaucoup lu sur les personnes opposées à la France de Vichy, celle de Pétain et de ses collaborateurs avec l'ennemi nazi... 

Aussi, vous comprendrez aisément que je ne peux pas me laisser griser par les chants de sirène de l'extrême-droite relayée avec tant de complaisance par les media mainstream, dont l'unique préoccupation est de nous monter les uns contre les autres, en désignant toujours les mêmes boucs émissaires, avec un racisme a peine voilé dès lors qu'ils parlent des arabes, des maghrébins, des musulmans, des racisés, quand bien même ils sont français... .

Devant ce regain de haine et ce racisme larvé, et aussi pour utiliser à bon escient le timbre postal commémorant le 80e anniversaire de la libération des camps de concentration, j'ai voulu marquer le coup en m'adressant un mail-art, ce qui me permet de rédiger un post sur le sujet, comme une piqure de rappel. C'est aussi pour me projeter vers l'avenir car le devoir de mémoire et les célébrations relatives aux faits du passé, si elles sont utiles, ne doivent en aucun cas occulter les tristes réalités d'aujourd'hui.

*** LA DEPORTATION ET LES CAMPS de CONCENTRATION ***

Les meurtres de masse commis par l’Allemagne nazie ont été d’une ampleur sans précédent. Les nazis, leurs alliés et collaborateurs ont exterminé six millions de Juifs, un génocide systématique et cautionné par l’État que l’on nomme Shoah ou Holocauste. Ils ont également commis d’autres atrocités de masse, persécutant et assassinant des millions de personnes non juives tout au long de la Seconde Guerre mondiale.

Le 27 janvier dernier, nous commémorions la libération des camps de concentration, les horreurs perpétrées en ces lieux n'ont été connues qu'au moment de leur libération. 


Fond blanc en tissu avec photos du Mémorial de la Shoah de Paris en filigrane
(g-d)Transport des victimes de l'Holocauste vers un camp de concentration en Pologne, 1943 
©AFP - Archives autrichiennes / IMAGNO / APA-PictureDesk
Le camp d'Auschwitz-Birkenau, situé dans le sud-est de la Pologne alors occupée par les nazis, a fonctionné entre juin 1940 et janvier 1945. Quelque 1,1 million de personnes, dont une immense majorité de juifs, y ont péri, exterminées dans des chambres à gaz ou mortes de famine et d'épuisement. KEYSTONE/AP/Markus Schreiber
Chaussures confisquées à des prisonniers dans un camp de concentration à Auschwitz, en Pologne.Unsplash/William Warby
Prisonniers d'Auschwitz libérés par les soldats de l'Armée rouge en 1945, auteur inconnu
 (Source : Musée national d'Auschwitz-Birkenau, www.auschwitz.org)

En 2025, 80 ans après, que reste-il de cette extermination systématique, de cette tuerie de masse dans la mémoire collective ? Combien de jeunes collégiens ou lycéens connaissent exactement l'histoire de la déportation dans les camps de la mort des nazis? J'aimerai beaucoup le savoir, alors que les derniers rescapés ont mis toutes leurs dernières forces à vouloir transmettre leur histoire 

Les derniers témoins des camps de la mort, jusqu'au bout contre l'oubli (liste non exhaustive
(g-d) Montage photos du 10 janvier 2025 montrant les survivants des camps de concentration et d'extermination: Lea Zajac de Novera, Pedro Buchwald, Sheyna Shneyder, Gheorghe Legmann, Gabriel Benichou, Lola Mandelkier Sztrum, Octavian Fulop, Francine Christophe, Julia Wallach, Eva Shainblum, Idessa Hangas et Gyorgyi Nemes
 STF / AFP/publication du journal La Croix
***
PLUS JAMAIS CELA ???

Aujourd'hui, devant la tournure que prend le monde qui "marche sur la tête", devant le chaos politique où se trouve notre France, je reste interloquée :

avec la mémoire vivante de cette tragique période qui s'efface inexorablement car les rares survivants de ces atrocités sont centenaires ou presque, et tant de courants négationnistes qui voudraient nier l'existence des chambres à gaz ("ces détails de l'histoire") où s'est tragiquement terminé la vie de nombreux déportés 

- avec le génocide programmé des Gazaouis qui se passe sous nos yeux depuis des mois avec la complicité honteuse des gouvernements européens, la France en tête puisqu'elle continue de livrer des armes à Israël sous le manteau, et qu'elle envoie  ses forces de polices contre les manifestants demandant la levée du blocus de Gaza ou pour la liberté de la Palestine, 

avec les descendants juifs des victimes de la Shoah qui sont en train de laisser se perpétrer le plus terrible crime contre l'humanité à Gaza, grâce au sinistre gouvernement de Netanyaou, oubliant ce que leur peuple a subi il y a 80 ans (comment imaginer un génocide organisé par des descendants de génocidés) , 

avec la montée de l'extrême-droite partout en Europe et bien sûr aussi en France où des milices pro-fascistes peuvent défiler impunément en plein Paris, approuvées par nos forces de polices qui restent passives, alors qu'elle n'ont jamais été aussi violentes contre le peuple français dans toutes ses manifestations pacifistes ou revendicatrices sur le plan social de ces dernières années, 

- avec la multiplication des actes racistes et de barbarie contre les personnes LGBTQ+ et les personnes racisées, avec les actions policières disproportionnées contre les gamins de banlieue pour délit de faciès, le masculinisme qui monte comme un poison nauséabond partout sur les réseaux sociaux, sous couvert d'anonymat, 

- avec l'avenir très incertain du destin de la France et des Français dans les jours et les mois qui viennent, le parti du Rassemblement National (parti d'extrême-droite créé avec les nazis sous le nom de Front National) n'attendant qu'une faiblesse de notre part, un aveuglement plus grand encore pour nous faire basculer dans un néant économique et social encore plus funeste que celui que nous vivons avec Macron...

et j'ai envie de crier,  de hurler même :"Réveillons-nous!" et "Résistons"!

N'oublions pas les combats de nos grands-parents et de nos parents pour obtenir des avancées sociales comme la sécurité sociale, les congés payés, le droit à la retraite, les services publics (tout ce qui nous est subrepticement retiré petit-à-petit) et pour notre liberté de penser (de plus en plus surveillée grâce aux algorythmes de nos smartphone, et de tous les supports numériques). Tout ce que nous considérons comme acquis ne l'est jamais vraiment, car il faut continuer à se battre pour le conserver (droit à l'avortement, droit d'asile, droit de manifester, droit de grève...) 

Ne nous laissons pas phagociter par les multiples écrans qui nous éloignent les uns des autres et favorisent l'individualisme : le prêt à penser (et même le prêt à rire) nous est dispensé à longueur d'antenne, comme une drogue, des  fadaises nous sont débitées sur les multiples chaines et plate-formes, dans des formats et des contenus à l'américaine, où il est tellement facile de se laisser emporter par les histoires, et par les récits, même si c'est assez éloigné de la vérité

Nous sommes des êtres pensants, à nous de faire l'effort de lire, d'être critique en variant nos sources d'information. A nous de nous forger une opinion en allant voir des films d'auteur ou du spectacle vivant  qui interpelle, qui fait réfléchir : c'est à ce prix que nous conserverons notre liberté de penser et notre humanité.  

J'en termine ici en vous faisant écouter un artiste qui a su trouver les mots et chanter l'horreur de la déportation. On le comprend tant sa jeunesse a été fortement impactée par la disparition de ce père qui n'est jamais revenu. 

A la fin de l'avant-dernier couplet de sa chanson il nous demande de transmettre cette histoire afin que jamais une telle horreur puisse être oubliée "Je twisterais les mots s'il fallait les twister,  pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez". 

Et c'est ce que je fais bien volontiers.

Jean Ferrat - Nuit et Brouillard (1963) - vidéo publiée sur la chaine Youtube de Nostalgies 60-70-80

NUIT et BROUILLARD

1 - Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

2 - La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

3 - Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers

4 - On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez

5 - Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.

Un peu d'histoire : Nuit et brouillard concernait le programme nazi visant la disparition pure et simple des Résistants condamnés à mort mais dont les familles devaient être sans assurance sur le sort. Auschwitz marque la fin du voyage ; c'est Pitchi Poï en Yddish (ce mot désigne un petit village imaginaire et inconnu, au bout du monde). Ce sinistre camp se situe au centre le l'Europe nazie ; il a été le lieu de déportation massif des juifs, victimes privilégiées du régime fasciste (on parlait alors -de manière codée- de Solution finale). Les Déportés étaient triés sur la judenramp ; 80 % d'entre-eux étaient directement dirigés vers les chambre à gaz.

6 octobre 2025

Pour la Paix et la fin de l'état de siège à Gaza, une calligraphie d'Hassan Massoudy pour Ouiza

Pour ma correspondante Ouiza qui apprécie elle aussi les calligraphies arabes absolument superbes d'Hassan Massoudy, j'ai réalisé ce mail-art textile en repiquant l'une d'elles (La Paix) sur du tissu que j'ai agrémenté de quelques sequins : je sais que nous appelons toutes les deux de nos voeux la paix en Palestine (sans oublier tous les autres pays où des populations civiles sont sous le joug d'envahisseurs, de grands groupes industriels qui convoitent leurs ressources minières, de tyrans religieux qui les musellent ou les déplacent...).

La Paix : calligraphie d'Hassan Massoudy - Verso

Verso - Façade peinte à  Strabane en Irlande pour réclamer la fin du siège de Gaza 

A l'intérieur de l'enveloppe j'ai ajouté le texte d'une poésie inédite de Mahmoud Darvich dont vous trouverez ci-dessous l'intégralité.

Je te souhaite une bonne réception de cet envoi, chère Ouiza, et je te souhaite un bel automne.

***
« Etat de siège » par Mahmoud Darwich 

Ramallah, janvier 2002 : un poème inédit de Mahmoud Darwich
publié dans le Monde Diplomatique d'avril 2002

Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps
Près des jardins aux ombres brisées,
Nous faisons ce que font les prisonniers,
Ce que font les chômeurs :
Nous cultivons l’espoir.

Un pays qui s’apprête à l’aube. Nous devenons moins intelligents
Car nous épions l’heure de la victoire :
Pas de nuit dans notre nuit illuminée par le pilonnage.
Nos ennemis veillent et nos ennemis allument pour nous la lumière
Dans l’obscurité des caves.

Ici, nul « moi ».
Ici, Adam se souvient de la poussière de son argile.

Au bord de la mort, il dit :
Il ne me reste plus de trace à perdre :
Libre je suis tout près de ma liberté. Mon futur est dans ma main.
Bientôt je pénètrerai ma vie,
Je naîtrai libre, sans parents,
Et je choisirai pour mon nom des lettres d’azur…

Ici, aux montées de la fumée, sur les marches de la maison,
Pas de temps pour le temps.
Nous faisons comme ceux qui s’élèvent vers Dieu :
Nous oublions la douleur.

Rien ici n’a d’écho homérique.
Les mythes frappent à nos portes, au besoin.
Rien n’a d’écho homérique. Ici, un général
Fouille à la recherche d’un Etat endormi
Sous les ruines d’une Troie à venir.

Vous qui vous dressez sur les seuils, entrez,
Buvez avec nous le café arabe
Vous ressentiriez que vous êtes hommes comme nous
Vous qui vous dressez sur les seuils des maisons
Sortez de nos matins,
Nous serons rassurés d’être
Des hommes comme vous !

Quand disparaissent les avions, s’envolent les colombes
Blanches blanches, elles lavent la joue du ciel
Avec des ailes libres, elles reprennent l’éclat et la possession
De l’éther et du jeu. Plus haut, plus haut s’envolent
Les colombes, blanches blanches. Ah si le ciel
Etait réel [m’a dit un homme passant entre deux bombes]

Les cyprès, derrière les soldats, des minarets protégeant
Le ciel de l’affaissement. Derrière la haie de fer
Des soldats pissent — sous la garde d’un char -
Et le jour automnal achève sa promenade d’or dans
Une rue vaste telle une église après la messe dominicale…

[A un tueur] Si tu avais contemplé le visage de la victime
Et réfléchi, tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre
A gaz, tu te serais libéré de la raison du fusil
Et tu aurais changé d’avis : ce n’est pas ainsi qu’on retrouve une identité.

Le brouillard est ténèbres, ténèbres denses blanches
Epluchées par l’orange et la femme pleine de promesses.

Le siège est attente
Attente sur une échelle inclinée au milieu de la tempête.

Seuls, nous sommes seuls jusqu’à la lie
S’il n’y avait les visites des arcs en ciel.

Nous avons des frères derrière cette étendue.
Des frères bons. Ils nous aiment. Ils nous regardent et pleurent.
Puis ils se disent en secret :
« Ah ! si ce siège était déclaré… » Ils ne terminent pas leur phrase :
« Ne nous laissez pas seuls, ne nous laissez pas. »

Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour.
Et dix blessés.
Et vingt maisons.
Et cinquante oliviers…
S’y ajoute la faille structurelle qui
Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée.

Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé
Car mes vêtements sont trempés de son sang.

Si tu n’es pluie, mon amour
Sois arbre
Rassasié de fertilité, sois arbre
Si tu n’es arbre mon amour
Sois pierre
Saturée d’humidité, sois pierre
Si tu n’es pierre mon amour
Sois lune
Dans le songe de l’aimée, sois lune
[Ainsi parla une femme
à son fils lors de son enterrement]

Ô veilleurs ! N’êtes-vous pas lassés
De guetter la lumière dans notre sel
Et de l’incandescence de la rose dans notre blessure
N’êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ?

Un peu de cet infini absolu bleu
Suffirait
A alléger le fardeau de ce temps-ci
Et à nettoyer la fange de ce lieu

A l’âme de descendre de sa monture
Et de marcher sur ses pieds de soie
A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis
De longue date, qui se partagent le pain ancien
Et le verre de vin antique

Que nous traversions ensemble cette route
Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes :
Moi, au-delà de la nature, quant à elle,
Elle choisira de s’accroupir sur un rocher élevé.

Nous nous sommes assis loin de nos destinées comme des oiseaux
Qui meublent leurs nids dans les creux des statues,
Ou dans les cheminées, ou dans les tentes qui
Furent dressées sur le chemin du prince vers la chasse.

Sur mes décombres pousse verte l’ombre,
Et le loup somnole sur la peau de ma chèvre
Il rêve comme moi, comme l’ange
Que la vie est ici… non là-bas.

Dans l’état de siège, le temps devient espace
Pétrifié dans son éternité
Dans l’état de siège, l’espace devient temps
Qui a manqué son hier et son lendemain.

Ce martyr m’encercle chaque fois que je vis un nouveau jour
Et m’interroge : Où étais-tu ? Ramène aux dictionnaires
Toutes les paroles que tu m’as offertes
Et soulage les dormeurs du bourdonnement de l’écho.

Le martyr m’éclaire : je n’ai pas cherché au-delà de l’étendue
Les vierges de l’immortalité car j’aime la vie
Sur terre, parmi les pins et les figuiers,
Mais je ne peux y accéder, aussi y ai-je visé
Avec l’ultime chose qui m’appartienne : le sang dans le corps de l’azur.

Le martyr m’avertit : Ne crois pas leurs youyous
Crois-moi père quand il observe ma photo en pleurant
Comment as-tu échangé nos rôles, mon fils et m’as-tu précédé.
Moi d’abord, moi le premier !

Le martyr m’encercle : je n’ai changé que ma place et mes meubles frustes.
J’ai posé une gazelle sur mon lit,
Et un croissant lunaire sur mon doigt,
Pour apaiser ma peine.

Le siège durera afin de nous convaincre de choisir un asservissement qui ne nuit
pas, en toute liberté !!

Résister signifie : s’assurer de la santé
Du cœur et des testicules, et de ton mal tenace :
Le mal de l’espoir.

Et dans ce qui reste de l’aube, je marche vers mon extérieur
Et dans ce qui reste de la nuit, j’entends le bruit des pas en mon intention.

Salut à qui partage avec moi l’attention à
L’ivresse de la lumière, la lumière du papillon, dans
La noirceur de ce tunnel.

Salut à qui partage avec moi mon verre
Dans l’épaisseur d’une nuit débordant les deux places :
Salut à mon spectre.

Pour moi mes amis apprêtent toujours une fête
D’adieu, une sépulture apaisante à l’ombre de chênes
Une épitaphe en marbre du temps
Et toujours je les devance lors des funérailles :
Qui est mort…qui ?

L’écriture, un chiot qui mord le néant
L’écriture blesse sans trace de sang.

Nos tasses de café. Les oiseaux les arbres verts
A l’ombre bleue, le soleil gambade d’un mur
A l’autre telle une gazelle
L’eau dans les nuages à la forme illimitée dans ce qu’il nous reste

Du ciel. Et d’autres choses aux souvenirs suspendus
Révèlent que ce matin est puissant splendide,
Et que nous sommes les invités de l’éternité.

Mahmoud Darwich

Le mariage de l'ami Fritz, pour Marc

A la recherche de costumes alsaciens originaux pour concevoir un mail-art pour Marc, je suis encore une fois tombée par hasard sur ce couple en habits traditionnels et l'histoire de l'Ami Fritz.

image trouvée sur Pinterest sans nom d'auteur

En creusant un peu le sujet, j'ai appris que l'Ami Fritz était d'abord un roman populaire co-rédigé par Emile Erckmann et Alexandre Chatrian publié en 1864. Plus tard cela devint un film long métrage de Jacques de Baroncelli en 1933
Image du livre relevée sur Wikisource / image de l'affiche sur le site Unifrance.org

Résumé du roman : Rien ne réjouit Fritz Kobus comme de déguster un dîner fin en bonne compagnie, si ce n’est peut-être de taquiner son vieil ami le rabbin David Sichel sur sa manie de vouloir marier les gens et lui Fritz en premier. Garçon, il est et sûr de le rester au point de parier sa plus belle parcelle de vigne.

 Au mariage prôné par David, il préfère la liberté d’aller selon sa fantaisie jouer aux boules ou passer quinze jours dans sa ferme de Meisenthal pour bâtir un réservoir à truites en dégustant la cuisine délectable de la petite Sûzel, la fille de son fermier Christel. 

C’est d’ailleurs à cause de ce réservoir à truites que l’ami Fritz se retrouve en danger de perdre sa vigne et son pari. Au-delà des préjugés sociaux et culturels, c’est donc la victoire de l’amour et le rôle de la famille comme fondement de la civilisation que célèbre « L’Ami Fritz ».

Et maintenant c'est devenu une fête, un rendez-vous de l'été. 

D'où vient la Fête de l'Ami Fritz?

La fête de l’ami Fritz a été créée à Obernai dans les années 1950. Puis elle a été reprise à Marlenheim.

En 1962 sur l’initiative du maire de l’époque, Xavier Muller. Ayant eu beaucoup de succès, elle s’est déroulée à de nombreuses reprises à Marlenheim, ville dont on dit qu’elle est le début de la route des vins d’Alsace. En vérité, c’est lorsque l’on franchit la porte de la tour de Nordheim que l’on franchit l’entrée de la route des vins d’Alsace.

Le mariage fictif de l’ami Fritz avec son épouse Zusel a toujours lieu le 15 août, lors de la fête de l’Assomption. La fête donne lieu à te très belles festivités. De nombreux groupes folkloriques se produisent sur la place de l’Eglise, en provenance notamment de Strasbourg et de Haguenau. Les enfants sont aussi de la partie puisqu’il dansent alors en rond, pour la plus grande joie des nombreux touristes, notamment allemands, qui sont présents. Les musiciens, avec leurs très beaux instruments de musique, notamment les timbales et les tambours, animent fort joyeusement cette magnifique fête.

La météo estivale est aussi souvent au beau fixe, ce qui contribue à en faire une très belle fête, à moins que l’orage gronde et donne alors de la pluie. Mais ne dit-on pas dans le langage populaire qui est le plus beau, qu’un mariage pluvieux est un mariage heureux. C’est ce que le curé de Marlenheim souhaite chaque année à la belle Zusel dans sa robe alsacienne, toute de rouge et de blanc, est au resplendissant Fritz avec sa moustache dorées par le soleil et le verre de vin blanc d’Alsace à la main.

Pour conclure sur cette très belle fête, il serait très intéressant pour la renommée touristique de l’Alsace que la belle Zusel et le magnifique Fritz prolongent aussi leur idylle à l’écomusée d’Alsace.

Pierre ECKLY Sourcehttps://www.ami-hebdo.com/dou-vient-la-fete-de-lami-fritz/

Je souhaite une très bonne réception de ce mail art à Paco (ou Marc pour les puristes) ainsi qu'un bel automne. 

Mr et Mme Washington, en pur style Fraktur, pour Corinne

Comme je m'en suis déjà longuement expliqué sur ce blog, notamment sur le premier post ici ou encore ,  il y a quelques mois je suis tombé en admiration sur cet art populaire qu'est l'Art Fraktur.

Cette aquarelle et encre représentant George et Martha Washington est un exemple de Fraktur, une forme d'art populaire créée par les Hollandais de Pennsylvanie, datant d'environ 1780. Les personnages, figé, sont identifiés par l'écriture comme «Ledy Waschingdon» et «Exselenc Georg General Waschingdon».

   d'après une photo tirée du livre American Folk Painting, 1966 By Mary Black & Jean Lipman, 1st Addition book.

J'adresse cet art postal textile à Corinne, dans le Jura et j'espère qu'il saura lui plaire. Je lui en souhaite une bonne réception.

Réunion de quartier pour fêter dignement Halloween, pour Mallow

Au Canada, la Fête d'Halloween est particulièrement prisée et je ne doute pas que Mallow, le nouvel écolier de la famille va fêter dignement l'évènement avec ses camarades d'écoles et ses petits copains. 

d'après une carte postale ancienne d'Halloween
"Trick or treat"? ("des bonbons ou un sort"), c'est la formule consacrée que tous les petits gamins adressent aux voisins lorsqu'ils iront toquer à leur porte, et ainsi récolter une belle moisson de bonbons.  J'espère que tu auras beaucoup de plaisir avec tes amis, ce prochain 31 octobre. Belle fête d'Halloween à toi, Mallow!

Jolie sorcière d'Halloween, pour Sasha

Pour Halloween, chaque année Sasha prépare avec ses parents une citrouille qu'ils allument sur leur perron. Et je sais qu'elle adore se déguiser en sorcière. 

Maintenant qu'elle est plus grande, je sais qu'elle va apprécier cette jolie demoiselle en tenue de sorcière qui n'a pas hésité à se doter d'une citrouille énorme transformée en une lampe grimaçante pour éclairer son chemin dans les bois environnants. Bonne réception de ce mail-art et joyeux Halloween, Sasha!

Les citrouilles sont prêtes pour Halloween, pour Léo

Que les petits enfants de Massy, les chats noirs et même les souris ne s'y trompent pas : elle est bien plus grotesque que méchante cette sorcière qui n'a sorti son déguisement que pour fêter Halloween le 31 octobre prochain!

d'après une carte postale ancienne d'Halloween 
C'est la journée où les petits enfants jouent à se faire peur mais aussi à récolter des bonbons en faisant du porte à porte : Léo est encore bien jeune pour comprendre tout cela mais je suis certaine qu'il aura été heureux de voir sa grande soeur et ses parents creuser une citrouille et l'allumer dans le jardin.