6 novembre 2024

100 ans de résistance! Adieu et merci à Madeleine Riffaud

Madeleine Riffaud, héroïne de la Résistance, est morte ce mercredi 6 novembre à l’âge de 100 ans.  Engagée dès l’âge de 18 ans dans un groupe de Francs-tireurs et partisans, ses actions de combat en ont fait une figure emblématique de la Résistance. Journaliste-reporter pendant les guerres du Vietnam et d’Algérie, elle était également poétesse.  
Madeleine Riffaud en 2011

Madeleine Riffaud dont je vous avais déjà parlé sur ce blog, c'était l'un des derniers grands noms associés à cette période de l'histoire ; son engagement pendant toute sa vie m'a toujours beaucoup impressionnée : elle était la résistance incarnée! 

Voici d'abord l'extrait d'un article hommage qui lui est rendu sur le journal l'Humanité de ce jour :

Une héroïne s’en est allée. Son legs : tout un siècle de combats. Madeleine Riffaud, poétesse, résistante, ancienne journaliste à l’Humanité, est décédée ce mercredi 6 novembre. 

Elle était un personnage de roman, à l’existence tramée par la lutte, l’écriture, trois guerres et un amour. Une vie d’une folle intensité, après l’enfance dans les décombres de la Grande guerre, depuis ses premiers pas dans la résistance jusqu’aux maquis du Sud-Vietnam .Dans son appartement parisien, la vieille dame, front plissé, traits durs, regard perçant malgré la cécité, dépliait d’elle-même un récit sûr, précis, ponctué du pépiement des oiseaux qui l’entouraient, dans leurs grandes volières. Vêtue de noir, ses longs cheveux toujours nattés de côté, elle fumait, en se remémorant l’intime et l’histoire, et jusqu’à la première blessure, longtemps enfouie dans l’oubli, un viol enduré alors qu’adolescente, elle devait passer la ligne de démarcation pour rejoindre le sanatorium. La tuberculose était tombée sur elle comme un malheur de plus, dans l’exode, alors que sa famille fuyait Paris occupé.

Embrasser le combat : de la maladie, elle se releva, pour embrasser le combat. « Je suis entrée dans la Résistance avec un nom d’homme, un nom d’Allemand, un nom de poète » : dans la clandestinité, elle était Rainer, pour Rainer Maria Rilke. Il avait fallu la force de conviction de Raymond Aubrac pour qu’elle accepte de témoigner de son action dans la Résistance – « Je suis un antihéros, quelqu’un de tout à fait ordinaire. Il n’y a rien d’extraordinaire dans ce que j’ai fait, rien du tout », insistait-elle dans le documentaire que lui consacra en 2020 Jorge Amat, Les sept vies de Madeleine Riffaud.

Comme je suis triste aujourd'hui de voir cette femme qui s'est battue toute sa vie pour la paix et la liberté, s'éteindre le jour même où les fascho-populistes étatsuniens ramènent au pouvoir un Donald Trump totalement incontrôlable pour un nouveau mandat présidentiel qui s'annonce pire que le premier.
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Qui était Madeleine Riffaud ? | Histoire de l'INA

 
les 80 ans de la Libération de Paris - Madeleine Riffaud la résistante a 100 ans!

L'éloge funèbre que les éditions Dupuis ont publié aujourd'hui à l'occasion de sa disparition est particulièrement riche et documenté car Madeleine semble avoir eu tant de vies! : je vous laisse en prendre connaissance, avec émotion.

C'est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons le décès de la résistante, poète, écrivain, journaliste et correspondante de guerre Madeleine Riffaud. Il est survenu ce jour à son domicile parisien. Madeleine avait 100 ans.

On peut être spectateur de sa vie, subir les événements, n'être que le témoin des bouleversements qui nous entourent. Très tôt, Madeleine Riffaud a, quant à elle, décidé d'être actrice de son existence. Née le 23 août 1924 à Arvillers (Somme), Madeleine développe une force de caractère qui la pousse à vouloir résister aux Allemands dès 1940, alors qu'elle n'a que 16 ans.

Après un séjour de quelques mois en sanatorium en Isère, elle se rend à Paris en 1942 pour entrer dans la Résistance intérieure. Avec comme nom de guerre Rainer, en hommage à l'écrivain autrichien Rainer Maria Rilke, Madeleine enchaîne les missions, apprend toutes les ficelles des combattants clandestins, grimpe quatre à quatre les échelons dans l'organisation. En 1944, elle intègre les FTP (Francs-tireurs et partisans). En juillet de la même année, elle abat un officier allemand en plein jour sur le pont de Solférino. Par malheur, elle est immédiatement arrêtée par la milice, qui la livre à la Gestapo. Après plusieurs semaines de torture pendant lesquelles Madeleine ne parle pas, elle est condamnée à mort. Le 15 août, elle parvient à s'échapper du « convoi des 57 000 », dernier convoi de déportés politiques parti de Paris pour Buchenwald et Ravensbrück. Le 19 août, elle est de nouveau opérationnelle pour participer à l'insurrection parisienne, dans le 19e arrondissement. À la tête d'un détachement de trois hommes, elle stoppe un train de soldats allemands dans le tunnel des Buttes-Chaumont et fait 80 prisonniers. Puis elle participe à l'âpre bataille autour de la place de la République, prend fin la libération de Paris. Elle tente alors, comme ses compagnons d'armes, de s'engager dans l'armée régulière pour continuer le combat jusqu'en Allemagne. Mineure (elle n'a pas encore 21 ans) et tuberculeuse, elle est éconduite. La guerre est terminée pour elle, la laissant brisée par les semaines de torture et les troubles de stress post-traumatique.L'écrivain Claude Roy, qu'elle avait croisé au sanatorium, lui présente Paul Éluard, qui la prend sous son aile. L'auteur du poème Liberté est frappé à la fois par l'état d'épuisement extrême de la jeune femme et par les poèmes qu'elle a écrits pendant la guerre. Il lui présente Picasso, Vercors, et publie ses compositions dans L'Éternelle Revue. Grâce à Éluard, elle commence une carrière de journaliste, d'abord dans Ce Soir, dirigé par Louis Aragon, puis dans La Vie ouvrière, hebdomadaire de la CGT. Madeleine couvre les grèves nationales de 1947 et celles des mineurs de 1948. En 1954, elle part au Viêt-Nam pour surveiller la bonne application des accords de Genève. Elle se marie avec le poète Nguyên Đình Thi, qu'elle a rencontré au festival de la jeunesse de Berlin, 3 ans auparavant. Elle retrouve Hô Chi Minh qu'elle a rencontré à Paris en 1946. Les couples mixtes étant interdits par les Chinois qui ont pris le pouvoir en sous-main, elle rentre en France, en 1955. Elle reprend pied avec le journalisme. En 1957, Madeleine intègre le quotidien L'Humanité pour couvrir la guerre d'Algérie. Dans ses articles, elle dénonce les rafles qui ont lieu à Paris, la torture des opposants algériens rue des Saussaies, dans les mêmes locaux où elle a été torturée en 1944, le massacre du 17 octobre 1961. Elle se rend régulièrement en Algérie, souvent clandestinement pour échapper à l'OAS (Organisation de l'armée secrète) qui l'a condamnée à mort. En 1962, de passage à Oran, elle est victime d'un attentat : un camion militaire percute frontalement sa voiture. Brisée en 1000 morceaux, elle passe plusieurs mois sur un lit d'hôpital en Suisse. En 1964, elle retourne au Viêt-Nam, pendant plusieurs semaines dans les maquis Viêt-Cong. Elle y retournera jusqu'à la fin du conflit en 1973. De cette expérience sur le terrain, elle tire les livres Dans les maquis vietcong, et Au Nord-Viêt-Nam (écrit sous les bombes). En 1974, marquée par l'hospitalisation et le décès de sa mère, Madeleine décide de dénoncer les conditions de travail du personnel hospitalier en France. Forte de sa formation de sage-femme pendant la guerre, elle se fait embaucher comme aide-soignante sous un faux nom et travaille pendant un mois dans plusieurs hôpitaux. Cette enquête donne lieu à un livre, Les Linges de la nuit, publié en 1974, qui se vend à un million d'exemplaires.Dédiée toute sa vie à celles et ceux qui souffrent, Madeleine se consacre à partir de 1994 à la mémoire des Résistants morts pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Longtemps, elle refusa de revenir sur ces années sombres. Mais pour le cinquantenaire de la Libération, Raymond Aubrac la convainc de raconter aux jeunes générations son expérience de la Résistance, en souvenir de ses camarades disparus. Depuis, elle n'a cessé de transmettre sa mémoire. Poète, écrivain, journaliste, parolière, elle devient scénariste de bande dessinée à 97 ans en publiant son autobiographie « Madeleine, résistante » scénarisée par JD Morvan et dessinée par Dominique Bertail (Dupuis).

Elle s'est éteinte ce matin, paisiblement dans son lit entourée de ses proches.

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Adieu Madeleine, ton courage et ta résistance omniprésente t'honorent en ce monde où tout va de travers : nous ne t'oublierons pas!
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Je complète mon post avec une série de 10 enregistrements trouvés sur France Culture relatant la vie si remplie de cette femme extraordinaire qu'était Madeleine Riffaud :
épisode 10/01 : l'enfance en résistance
épisode 10/05 : Algérie, l'odeur du jasmin
épisode 10/06 : dans les maquis vietcong
épisode 10/10 : Paris 1973-1993

MO01 - Ouvriers raboteurs de parquets et fendeurs de bois au 19e siècle, par Isabelle

Voici le premier mail-art que je reçois en rapport avec le nouveau thème sur le monde ouvrier que je viens de lancer. Au moment de composer son enveloppe, Isabelle s'est posée la question de savoir si les ouvriers du bois qu'ils soient raboteurs de parquet comme au temps de Caillebotte, ou fendeur de bois comme le personnage de droite sont bien des ouvriers* ou des artisans* car tous sont des travailleurs manuels.

Il n'y a aucun doute sur le fait qu'à l'époque où ces métiers étaient pratiqués comme sur l'image, les hommes ne travaillaient pas pour leur propre compte : c'étaient donc bien des ouvriers du bois. 

Caillebotte en 1875 a choisi de peindre ces raboteurs de parquets car c'étaient des travailleurs  totalement invisibilisés, déjà.  
Gustave Caillebotte (1848 - 1894) : Raboteurs de parquet 1875
Ce tableau constitue une des premières représentations du prolétariat urbain. Si les paysans (Des glaneuses de Millet) ou les ouvriers des campagnes (Casseurs de pierres de Courbet) ont souvent été montrés, les ouvriers de la ville ont très rarement fait l'objet de tableaux. Contrairement à Courbet ou Millet, Caillebotte, bourgeois aisé, n'introduit aucun discours social, moralisateur ou politique dans son oeuvre. L'étude documentaire (gestes, outils, accessoires) le place parmi les réalistes les plus chevronnés.

Merci Isabelle d'être la première à ouvrir cette nouvelle filière  avec cet hommage aux ouvriers du bois. Cela me fait très plaisir, merci vraiment.

* Rappelons la définition d'un ouvrier : c'est un travailleur ou une travailleuse qui exécute pour le compte d'autrui, moyennant salaire, un travail manuel (dans un atelier, une mine, une manufacture, une usine, une exploitation agricole,...). Il est bon de préciser que tous les travailleurs manuels ne sont pas des ouvriers. L'artisan est une personne qui fait un travail manuel, qui exerce une technique traditionnelle ou artistique à son propre compte, aidée souvent de sa famille et d'apprentis (ex. serrurier, plombier).