25 mai 2022

Madeleine Riffaud, résistante et poétesse, pour Nadine

Nadine a pour thème de prédilection les femmes pionnières. Je lui envoie aujourd'hui un mail-art louant une femme française, pas très connue du grand public et qui ne fait pas beaucoup parler d'elle (à tel point qu'elle ne recevait plus sa pension militaire en ce début d'année, car radiée des fichiers de la Caisse qui l'avait probablement déjà enterrée et auprès de laquelle elle a été tenue de prouver qu'elle était encore vivante!!!)

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 Pourtant, inlassable combattante pour la liberté et la justice, Madeleine Riffaud est une femme admirable, de presque 98 ans,  qui entra en résistance à l'age de 18 ans..


Devenue ensuite journaliste, elle se battit toute sa vie pour être auprès de tous les opprimés, notamment en couvrant  les guerres d'Algérie et du Vietnam pour plusieurs journaux. 

Ecrivaine, elle a notamment pris la plume pour écrire "Les linges de la nuit" ce qui devint un best seller qui a marqué son époque en dénonçant les carences du système hospitalier français, ce qui reste scandaleusement d'actualité. Ni pamphlet ni roman, bien plus qu'un reportage, Les linges de la nuit est le témoignage d'une journaliste qui, pour parler au mieux de son sujet, passe de l'autre côté du miroir. En se faisant engager incognito comme agent hospitalier, Madeleine, devenue Marthe, découvre et révèle le pire : besognes répugnantes, salaires dérisoires, manque de moyens et de personnel, souffrances physiques et morales... Mais elle parle aussi des liens de tendresse qui se nouent entre soignants et soignés, du dévouement quotidien et des gestes de délicatesse qu'il suppose, de la patience, du courage de certains qui, face à la mort, se révèlent. Avec subtilité, humour et poésie, cette grande dame de la Résistance qui n'a jamais cessé de se battre pour les autres nous livre " un témoignage qui pourrait être un voyage au bout de la nuit et du sordide et qui, grâce aux qualités de cœur de l'auteur  est un beau livre d'hommage à l'espoir " (Les Echos).

C'est également une poétesse  : voici l'un de ses très beaux poèmes 

La liberté c'est ce cours d'eau...

La liberté c’est ce cours d’eau
Qui vient passer sur ta maison.
Tous les gens de la rue y puisent à pleins seaux
Les filles fatiguées y viennent se baigner
Le soir, quand la sirène ouvre les ateliers.
Et l’on y lave, aussi, les vestes de travail.
Je te regarde face à face
Et je vois l’eau du fleuve
Aux hublots de tes yeux.
Tu t’en vas sur le fleuve,
Avec le fleuve, vers la mer.
Je viens, nous venons tous, nous nageons près de toi,
Écume du sillage ou feuilles emportées,
Frôlés de poissons d’or, survolés d’éperviers.
C’est un fleuve sans rive et notre foule s’y perdra,
Se fondra, fraternelle, à celle de partout.
Demain, ceux qui vivront trouveront naturel
D’être au large, au soleil, sur la mer Liberté.

© Madeleine RIFFAUD
Poème écrit en 1946, dédié à Paul ELUARD

 

Juillet 2021 - Portrait de Madeleine Riffaud, héroïne de la Résistance, poète, journaliste et correspondante de guerre 
© Maxppp / PHOTOPQR/LE PARISIEN/Bastien Moignoux

Des bandes dessinées historiques, sous la houlette de Jean-David Morvan (Scénario) Dominique Bertail (Dessin) sont actuellement éditées, avec le concours de Madeleine pour y relater ses multiples vies.


Madeleine Riffaud, héroïne de la Résistance : "C'est l'humiliation qui fait de vous des résistants" 
vidéo Culture Prime publiée sur Youtube

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Madeleine Riffaud aux Buttes-Chaumont, symbole d’une jeunesse en résistance

Le 23 août 1944, durant la Libération de Paris, la résistante Madeleine Riffaud conduit une attaque victorieuse contre un train allemand aux environs du tunnel des Buttes-Chaumont. Ce jour est également celui de son vingtième anniversaire.

Un mois plus tôt, la jeune résistante avait été capturée par l’occupant après avoir abattu un officier nazi sur le pont de Solférino. Torturée par la Gestapo puis condamnée à mort, elle est finalement libérée in extremis le 18 août dans le cadre d’un échange de prisonniers.

Madeleine Riffaud retrouve sans tarder les rangs de la Résistance parisienne. Élevée au rang d’aspirant-lieutenant des Forces Françaises de l’Intérieur, elle reçoit le commandement d’un petit détachement pour participer à l’attaque d’un convoi ennemi. Ce dernier s’apprête à traverser les XXème et XIXème arrondissement alors que la Libération de la capitale s’intensifie.

Au cours de la journée du 23 août, les résistants français parviendront à immobiliser trois trains sur les voies de la Petite ceinture. L’un d’eux est bloqué peu après le tunnel des Buttes-Chaumont, qui relie la gare de Ménilmontant et la gare de Belleville-Villette. C’est depuis le pont qui surplombe cette dernière, au niveau de la rue Manin, qu’intervient le groupe mené par Madeleine Riffaud.

D’après son témoignage, l’escouade des FFI-FTPF prend l’ennemi par surprise avant de déverser un déluge de munitions et de grenades sur le convoi. La locomotive endommagée, les soldats nazis n’ont d’autre choix que de battre en retraite sous le tunnel des Buttes-Chaumont — alors désigné sous le nom de tunnel de Belleville.

De l’autre côté, un groupe de résistants du XXème arrondissement parviendra quant à lui à stopper deux autres trains, contribuant là encore à repousser les occupants vers la fausse sécurité du tunnel. Cinq insurgés perdront la vie dans ces combats : une plaque leur rend hommage rue de Ménilmontant, juste au-dessus des voies.

L’attaque des convois se conclut sur la reddition des soldats ennemis. Les témoignages s’accordent sur les conditions de la fin de ces affrontements : acculés dans le tunnel et enfumés par l’arsenal et les explosifs adverses (Madeleine Riffaud évoque même l’utilisation de feux d’artifice !), plusieurs dizaines d’occupants finissent par se rendre. Cette épisode restera comme l’un des faits d’armes les plus marquants de la Résistance dans la capitale.

Madeleine Riffaud participera aux derniers combats de la Libération de Paris. Elle n’aura malheureusement pas l’occasion de fêter sa délivrance le 25 août : le jour même, son ami résistant Michel Tagrine est lâchement tué sous ses yeux par un soldat nazi. Il portait secours à un blessé aux abords de la caserne de République, sur laquelle était pourtant hissé le drapeau blanc, alors que la trêve venait d’être annoncée. Une rue de la Butte Bergeyre (XIXème arrondissement) a pris le nom de ce jeune violoniste, qui fut l’une des dernières victimes de l’occupation à Paris.

Après la Libération, Madeleine Riffaud poursuivra ses combats en tant que journaliste pour Ce Soir, Vie ouvrière, puis à l’Humanité. Grande reporter pour ce dernier, elle couvrira dans ses colonnes les guerres d’indépendance au Vietnam et en Algérie. Anticolonialiste convaincue, elle est blessée en 1956 par un attentat de l’OAS qui n’entamera en rien son engagement.

Également poète, Madeleine Riffaud témoigne à partir de 1994 de ses expériences dans la Résistance, dans la lignée de Lucie et Raymond Aubrac. On la retrouve ainsi dans les salles de classe parisiennes, ou récemment dans des reportages télévisés sur la Libération. C’est aujourd’hui le 96ème anniversaire de cette femme libre restée parisienne : elle réside en effet dans le Marais.
En 2016, une fresque de l’artiste Artof Popof commémorant l’attaque du convoi du 23 août 1944 était inaugurée aux Buttes-Chaumont. Au dessus du violon de Michel Tagrine, on y devine encore le visage de la jeune résistante, peint au-dessus des rails où elle et ses compagnons s’illustrèrent ce jour-là.

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