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15 septembre 2025

Gisèle Halimi, une femme avocate, militante et féministe qui ne se résignait pas

"L'avenir boîtera s'il n'est construit que de mains d'hommes et d'attente de femmes."
Gisèle Halimi, avocate, femme politique Une farouche liberté, 2020

L'émission  récente d'un timbre édité par la Poste Française à l'occasion des cinq ans de la disparition de Gisèle Halimi (portrait dessiné par le street-artiste C215), j'ai eu envie de revenir sur son parcours exceptionnel et sur son combat permanent pour la reconnaissance du droit des femmes à l'égalité de traitement avec les hommes et contre toutes les formes d'injustice. 

Pour moi, c'est une femme remarquable dont les mots étaient tellement intelligents, percutants et justes pour nous défendre, comme femme, en toutes circonstances. Elle nous manque tant, elle qui prônait un féminisme dans un monde qui, toujours gouverné par le patriarcat, nous oblige à toujours exercer une très grande vigilance sur nos droits élémentaires. Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé très récemment aux Etats Unis où certains états sont revenus sur le droit à l'avortement.

Maintenant que je me suis procuré le timbre, je vais prochainement créer quelques mail-art pour mes correspondantes, sensibles à ses combats ...

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Gisèle Halimi :  portrait d’une avocate qui ne se résignait pas

Photo: Coll. du Musée du Barreau de Paris © L’Express - L’Expansion / photo Julien Quideau
Gisèle Halimi était une avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie et décédée le 28 juillet 2020 à Paris

Avocate et militante
Après l’obtention de son baccalauréat au lycée Armand-Fallières de Tunis, Gisèle Halimi refuse un mariage arrangé et part suivre ses études en France l’année suivante.

Elle obtient une licence en droit et deux certificats de licence de philosophie au sein de l’actuelle université Panthéon-Sorbonne, elle étudie en même temps à l’Institut d’études politiques de Paris.

Ses combats en faveur de la décolonisation
En 1949, Gisèle Halimi entre au barreau de Tunis pour plaider de petites affaires puis elle prendra la défense des syndicalistes et des indépendantistes tunisiens durant le mouvement national tunisien.

A partir de 1956, elle s’engage pour la défense des militant.es du mouvement national algérien. Elle fait effondrer le système des aveux en dénonçant les tortures pratiquées par l’armée française. Elle devient alors l’une des avocats principale du Front de Libération National (FLN). Elle défendra d’ailleurs Djamila Boupacha. Avec Simone De Beauvoir, elles mobiliseront l’opinion publique notamment sur les tortures endurées par Djamila Boupacha. C’est une affaire de 8 années qui deviendra l’une des plus célèbres affaires défendue par Gisèle Halimi.

Durant la Guerre américaine au Vietnam, Gisèle Halimi est observatrice au tribunal de Russel au côté de Simone De Beauvoir et d’un des fondateur, Jean-Paul Sartre.

Sa lutte pour les droits des femmes
En 1971, Gisèle Halimi, signe avec Simone De Beauvoir le manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté illégalement. Elle lutte pour la dépénalisation de l’avortement et la libre contraception. C’est la naissance de « Choisir la cause des femmes ». Les signataires de l’appel n’étant pas toutes des femmes célèbres, Halimi prend en charge leur défense. C’est le cas lors du procès de Bobigny en 1972, impliquant une jeune femme qui a décidé d’avorter suite à un viol. Gisèle Halimi fera de ce procès une tribune pour défendre la dépénalisation de l’avortement. La loi Veil sera promulguée en 1975.Toujours durant le procès de Bobigny, Gisèle Halimi use une fois de plus de la stratégie médiatique afin de mettre sur la table la criminalisation du viol. Elle convoque à la barre des témoins reconnus : des hommes et des femmes de lettres, des femmes politiques de tous bords. Rapidement, le procès gagne la rue. L’enjeu du procès devient celui de la culture du viol, à l’opposé des rapports homme-femme fondés sur l’amour, le respect et l’égalité. Ce débat dépasse le cadre du tribunal, et le 23 décembre 1980, suite au vote de l’Assemblée nationale, le viol est désormais considéré comme un crime.

Ses engagements politiques
Dans les années 1970, elle lance son mouvement, Choisir, dans l’élaboration d’un « programme commun des femmes » et fait présenter cent femmes aux élections législatives de 1978, sans succès. Elue députée de l’Isère (liée au PS) en 1981, Gisèle Halimi poursuit son combat à l’Assemblée, pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Avant de prendre ses distances avec le Parti socialiste après son élection à l’Assemblée, elle y votera, avec un amendement établissant des quotas de femmes aux élections (parité). Cette mesure est rejetée par le Conseil constitutionnel car considérée comme une entrave à la liberté des élections et à la libre expression de la souveraineté nationale.En 1985, elle est nommée ambassadrice de France auprès de l’UNESCO, servant d’avril 1985 à septembre 1986. Elle a présidé le Comité de l’UNESCO sur les conventions et recommandations jusqu’en 1987. En 1989, elle devient conseillère spéciale de la délégation française à l’Assemblée générale des Nations unies puis rapporteure sur l’égalité femmes-hommes dans la vie politique.

Gisèle Halimi, avocate, militante féministe, femme politique et autrice appelait les femmes à ne pas se résigner : "Et je dis aux Femmes trois choses, votre indépendance économique est la clé de votre libération, ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations qui attentent à votre dignité, ne vous résignez jamais". 

Elle est décédée le 28 juillet 2020 à Paris. Un hommage national a eu lieu le jour de la journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars 2023. Plusieurs voix, notamment des associations féministes, militent pour que l’ancienne avocate entre au Panthéon. 
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Source : https://ivg-contraception-sexualites.org/gisele-halimi-portrait-dune-avocate-qui-ne-se-resignait-pas/
Gisèle Halimi avec l'actrice Delphine Seyrig lors du procès de Marie-Claire Chevalier le 11 octobre 1972 à Bobigny. 
Crédit : Michel CLEMENT / AFP
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Autre portrait détaillé de Gisèle Halimi, où l'on comprend
 tout son combat contre l’injustice
Source:https://anomia.fr/4330/gisele-halimi-biographie-engagement-feminisme-avocate-droit-avortement/
A l’heure où la neutralité est jugée préférable dans les métiers du droit, où il faut faire attention aux prises de positions, Gisèle Halimi choisit de porter sa voix, de l’assumer et de se battre pour ce qu’elle est. En effet, pour être avocat, il faut prêter serment.

Longtemps inscrit dans le marbre un devoir d’obéissance, aux lois et de fidélité à l’Etat, jusqu’en 1982, l’avocat s’engage à vivre conformément aux « bonnes mœurs » et à obéir aux pouvoirs institués. Un respect inconditionnel qui dès lors efface toute prise de liberté, toute prise de position, tout engagement.

Pour Gisèle Halimi, qui a prêté serment contre son gré, il y a des lois injustes, qui transmettent idéologiquement le « patriarcat », « la mainmise des possédants », etc. Ce qui s’oppose à l’idée qu’un avocat est censé être neutre ? Puisqu’obéit à un système « inégalitaire ». Il devient dès lors un porte-parole, un défenseur étatique. Fort heureusement, une fois députée à l’Assemblée Nationale, Gisèle Halimi modifie le serment d’avocat en 1982.

Aujourd’hui, nous avons choisi de faire le portrait d’une grande dame, figure emblématique de l’histoire des droits des femmes et plus largement, de l’histoire de la France.

Gisèle Halimi a fait de son métier un moyen de militer. Avocate, féministe, femme politique, son parcours retrace une soif d’égalité et de justice. Ses discours, ses écrits encore d’actualité, inspirent les femmes de tous les horizons. Elle est un modèle.

Un engagement dès le plus jeune âge, une fauteuse de trouble
Gisèle Halimi voit le jour dans la banlieue juive qu’est la Goulette, dans une Tunisie sous protectorat français. Issue d’une famille pauvre et juive et dominée par le patriarcat, elle subit sa condition de fille dès sa naissance. Pendant deux semaines, son père dissimule sa naissance. Considéré comme une catastrophe d’avoir une fille, il refuse d’admettre qu’il en a une, c’est une malédiction.

A 10 ans, elle sait qu’elle sera avocate. D’ailleurs, elle fait une grève de la faim, trois ans plus tard, pour ne plus servir ses frères. Ses parents capitulent.

A cet âge, elle a déjà choisi de défendre, de faire tomber l’injustice. Dès lors, elle déclare « je commençais en tant que victime ». Elle voulut mourir lorsqu’elle comprit qu’être femme symbolisait vivre avec un fardeau, un handicap. Toute cette rage d’injustice, cette soif de connaissance ne renforçaient que sa ténacité.

Dès ses 13 ans, l’éventualité du mariage fait surface. Elle refuse en voulant continuer sa scolarité. Elle veut travailler. Elle veut choisir son destin et ne le laisser entre les mains de personne d’autre.

Passionnée de littérature depuis le plus jeune âge, elle lit en cachette chez elle. Elle prend du plaisir à toucher les livres, à entrer en eux et à s’en imprégner. « Je lisais en cachette, j’avais une boulimie de lecture »

Dans cette soif de savoir, se cache la volonté de comprendre pourquoi son destin est tracé avant même qu’elle n’ait le temps de faire quoi que ce soit, pourquoi sa condition de femme lui est toujours rappelée.

A ces interrogations, sa mère lui répond toujours : « parce que tu es une fille », « mais pourquoi pour eux c’est différent ? » « Parce que ce sont des garçons ».

De quoi laisser la frustration traîner et faire planer l’incompréhension. Il y aurait quelque chose d’inné, dans les genres qui expliquerait le pourquoi du comment. « C’est Dieu qui fait bien les choses ». Eh bien Gisèle ne croit pas en Dieu.

Elle convainc ses parents de continuer ses études. Boursière, ils n’ont pas à sortir un sou, sinon, ils auraient refusé. Ils ne voient pas d’un bon œil le fait qu’elle veuille se cultiver, contrairement à son frère en qui ils basent tous leurs espoirs. En effet, c’est lui qui fera l’honneur de la famille.

« Quand tu seras mariée tu feras ce que tu veux » répétait sans cesse sa mère… Gisèle ne pouvait contrôler ce sentiment d’une profonde injustice qui bouillait en elle. Alors, elle luttait de force contre le destin et devenait une fauteuse de trouble… La connaissance lui apparut comme un pouvoir premier.

Alors qu’elle était destinée à se marier, ne pas étudier et vivre pauvre, elle réussit son baccalauréat et part à Paris à 16 ans poursuivre des études de lettres. Considérée comme anormale, elle fuit sa destinée de femme jusqu’à devenir Avocate en 1949.

Une avocate engagée
La trajectoire de Gisèle Halimi est marquée par la constance et la radicalité. Elle souhaite être en phase avec son exercice d’avocate. En effet, à travers la défense de ses clients, elle souhaite se défendre elle-même. Elle se voit en eux. « Si je ne suis pas d’accord avec les idées que mon client défend, je ne le défendrai pas »

Les premières affaires dans lesquelles elle s’est engagée la touchaient intrinsèquement. Franco-tunisienne, elle a vécu, elle a vu ce qu’était la colonisation. Dès le début, elle se sentait indignée par les lois, les règles qui étaient instaurées.

Une opposition à un système
Elle se met donc à travailler sur des affaires qui la touchent sur le plan personnel. C’est le cas des « évènements » de Tunisie et d’Algérie, des émeutes qui n’étaient pas encore appelées « guerre ». Il y avait un flou permanent qui compliquait l’exercice et permettait une accélération des procès politiques, des condamnations à mort pour montrer que le gouvernement contrôlait toujours la situation.

Ainsi, lorsqu’elle dû défendre les juridictions militaires d’Algérie de Tunisie, elle risquait sa vie. Elle plaidait des causes politiques dites « masculines ». Seuls les hommes avaient la parole pour défendre. D’ailleurs, pour représenter un homme, un peuple, il fallait être homme. On ne pouvait nécessairement pas être femme et parler de torture, de système colonial.

Souvent, Gisèle Halimi perdait un certain temps à être écoutée. Pris d’étonnement, les hommes, en la voyant parler du milieu de la guerre, de la révolution, de la torture, n’en croyaient pas leurs yeux. Plusieurs, fois, on lui dit qu’elle était « faite pour l’amour » et non pas le travail.

Elle continua de subir sa condition de femme : elle dû redoubler d’efforts et gagner en légitimité car personne ne la lui donnerait gratuitement.

Le procès de Djamila Boupacha est le dernier grand procès de la guerre d’Algérie et c’est Gisèle Halimi qui l’incarne.

Si elle avait déjà défendu des femmes et déjà été confrontée aux exactions de l’armée française lors de précédents procès coloniaux, elle n’avait jamais défendu une jeune Algérienne indépendantiste acceptant de parler publiquement du viol qu’elle avait subi par plusieurs parachutistes français. Ici, c’est donc bien cette configuration particulière où chaque engagement de l’une rencontre les combats et les expériences de l’autre (l’avocate et l’accusée, l’anticolonialiste et la combattante pour l’indépendance de son pays, et enfin « l’intellectuelle féministe » et la femme violée), qui donne lieu à la médiatisation de la seule affaire de viol de la guerre. Gisèle s’identifie en Djamila.

Elle consacre 8 ans à la cause de l’indépendance algérienne. A travers ces procès, c’était le procès de la France qui avait lieu. Comment une femme pouvait se retrouver dans une affaire dans laquelle il y avait autant d’impacts ?

Une défense contre la loi
Gisèle Halimi définit le féminisme comme «la lutte la plus globale, la plus totale, la plus révolutionnaire pour les femmes comme pour les hommes […]c’est une vue globale de toutes les oppressions, d’argent, de hiérarchie. La femme possède ce terrible privilège de toutes les oppressions : celle de sa classe et de son sexe »

Une lutte pour l’avortement.
« Je préfère être l’opprimée que l’oppresseur » . Elle a toujours été fière d’être une femme. Pour elle, les hommes avaient l’angoisse que les femmes soient les égales des hommes car le rapport de domination qu’ils instauraient serait dès lors démantelé.

La maternité n’est pas un destin ou une fatalité physiologique. La femme ne peut pas être enfermée dans ce carcan. Elle doit avoir le choix de se réaliser autrement, comme c’est le cas pour les hommes.

Gisèle Halimi a elle-même eu recours à des avortements clandestins.

Le procès de Bobigny
En octobre 1972, à Bobigny, Marie-Claire Chevalier est jugée pour avoir fait le choix d’avorter avec le soutien de sa mère à la suite d’un viol à 17 ans. Elle fait appel à Gisèle Halimi, déjà fervente féministe. Cette dernière accepte immédiatement.

S’en suivent les procès Bobigny : Après l’acharnement et la ténacité de Gisèle Halimi ; Marie-Claire est relaxée… Parce qu’on a considéré «qu’elle n’avait pas délibérément ni volontairement choisi d’accomplir l’acte qui lui était reproché ». Elle n’aurait pas résisté aux « contraintes morales, sociales et familiales ». Autrement dit, l’avortement n’était pas son choix puisque Mlle Chevalier était inconsciente et influençable. Il reste un crime…

La réelle lutte se jouera donc lors du procès de sa mère, accusée d’être complice du crime. L’affaire devient tout de suite politique et sociétale. L’avocate choisit de faire comparaître des grands témoins : professeurs de médecine, philosophes, hommes politiques : ils n’ont pas de lien direct avec l’affaire mais ils viennent dénoncer publiquement la loi qui réprime l’avortement.  [ lien sur le texte complet de sa plaidoierie lors de ce procès historique] 

Le 17 janvier 1975 c’est l’aboutissement d’un long combat : la loi Veil qui légalise l’IVG est promulguée. 

11 septembre 2023

L'autre 11 septembre, le coup d'état au Chili en 1973 - Hommage à Victor Jara

Le 11 septembre n'est pas uniquement le jour des attentats terroristes qui ont détruit les tours jumelles à New York en 2001. Cette date maudite est aussi celle du coup d'Etat militaire du général Pinochet qui a renversé la démocratie chilienne en 1973 et entraîné la mort du président Salvador Allende.
Photo de  Marcelo Montecino relayée sur Nantes Révoltée


Le 11 Septembre 1973, le palais présidentiel de La Moneda,dans lequel s'est retranché le président Salvador Allende, 
subit les assauts des troupes dirigées par Augusto Pinochet. ©AFP/Archives 
El Estadio nacional devint pour quelques semaines le principal centre de détention, de tortures et d’exécutions du pays

Scènes de rue : autodafé, arrestations multiples 
La dictature chilienne reste dans les mémoires car elle a été sanglante et longue. Le régime de Pinochet va torturer, tuer et faire disparaître des milliers d’opposants, et ira jusqu’à jeter certains prisonniers depuis des hélicoptères au dessus de l’océan. Beaucoup sont encore portés disparus. Pendant 17 ans, les exactions de ce régime fasciste ont durablement traumatisé le peuple chilien.

Si cela vous dit, je vous  conseille les films de Patricio Guzman, qui éclairent intelligemment ce qui s'est passé là-bas (Nostalgie de la Lumière 2010, Le bouton de nacre 2015). Je vois qu'il a filmé son pays dans un autre film que je ne connais pas encore (La cordillière des songes 2019).

Aujourd'hui, 50 ans après ces évènements tragiques, comment ne pas se rappeler les horreurs qui ont été perpétrées là-bas? il est tellement essentiel de permettre à chaque chilien de pouvoir retrouver dignité et humanité et à nous; de ne jamais oublier leur martyr.

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CHILI. Cinquante ans après le coup d’État, il est vital pour l’avenir du pays de stimuler la mémoire historique

Des étudiants de l'Université du Chili lors d'une marche à l'occasion de la Journée des personnes disparues-Photo de Getty Images

Afin de panser les blessures infligées par le régime militaire dirigé par Augusto Pinochet, le Chili doit tirer les leçons de son histoire et reconstruire les fondements d’une société plus respectueuse de la dignité humaine, a déclaré Amnesty International à l’occasion de la commémoration des 50 ans du coup d’État qui a donné lieu à d’innombrables crimes de droit international et à de cruelles violations des droits humains dans ce pays.

Sous le régime Pinochet, les garanties constitutionnelles ont été suspendues, le Congrès a été dissous et l’état de siège a été déclaré dans tout le pays. La torture et les disparitions forcées, entre autres pratiques, sont devenues la politique de l’État. D’après les chiffres officiels, le régime a fait 40 175 victimes, parmi lesquelles des personnes torturées, exécutées, détenues ou disparues ; selon les dossiers de l’Observatoire de la justice de transition, dans plus de 70 % des cas de personnes exécutées ou soumises à une disparition forcée, il n’y a pas eu de justice, de vérité ni de réparations.
 

Entre 1973 et 1990, 3 216 personnes ont été tuées ou ont fait l’objet d’une disparition forcée. À ce jour, on estime que les corps de 1 469 personnes détenues ou exécutées n’ont pas été retrouvés. Il est impératif que le Plan national de recherche annoncé par le président Gabriel Boric permette d’élucider les circonstances de la disparition de ces personnes et le sort qui leur a été réservé. Ce programme doit être mené en partenariat avec les familles, être doté de moyens suffisants pour sa mise en œuvre effective et déboucher sur des enquêtes pénales sur l’ensemble des personnes soupçonnées d’avoir une responsabilité individuelle.


"La recherche des détenu·e·s disparus est une question de justice, mais aussi d’humanité. Non seulement retrouver leur trace, les identifier et restituer leurs dépouilles à leurs familles soulagera ces dernières, mais cela contribuera également à guérir la profonde blessure qui est manifeste au sein de la société chilienne. Il est donc essentiel que les personnes qui se sont obstinées à ne pas fournir d’informations complètes sur ce qui s’est réellement passé le fassent enfin. Cette mesure, ainsi que d’autres récemment annoncées par le gouvernement, sont essentielles pour que le Plan national de recherche puisse remplir sa mission", a déclaré Rodrigo Bustos.

Le Congrès doit se rendre disponible afin de progresser vers la justice et soutenir les projets de loi proposés par le gouvernement. L’élimination du caractère secret des lois adoptées sous le régime de Pinochet et la levée de la confidentialité des témoignages des victimes de torture devant la commission Valech sont des éléments qui permettront au Chili de devenir un pays qui s’acquitte de ses dettes en matière de droits humains.

La mémoire historique est un pilier fondamental des mesures visant à éviter que des événements aussi dévastateurs se reproduisent. Cinquante ans après le coup d’État, le Chili ne dispose toujours pas d’une loi visant à protéger les sites mémoriels, ni d’archives nationales de la mémoire. Il est crucial que les autorités concrétisent l’initiative visant à se doter d’archives, qu’elles fixent des objectifs précis pour leur fonctionnement et réfléchissent à la participation de la société civile. Il est par ailleurs urgent qu’elles répondent aux besoins du réseau des sites mémoriels et qu’elles adoptent des mesures de protection et de préservation des lieux où des violations des droits humains ont été commises. Dans ce contexte, l’annonce récente par le gouvernement d’une politique nationale de la mémoire et du patrimoine est bienvenue, et il est essentiel que le Congrès soutienne cette initiative.
"Les sites mémoriels doivent être respectés, entretenus et valorisés de sorte à remplir leur fonction éducative. La présence de ces lieux sera un rappel pour les nouvelles générations, afin qu’elles n’oublient jamais les atrocités qui y ont été commises et qu’elles grandissent avec la conviction que ces pratiques ne doivent jamais se répéter", a déclaré Rodrigo Bustos.

"Il est essentiel d’entretenir la mémoire, pour que les nouvelles générations n’aient pas à vivre les atrocités que nous avons connues dans le passé", rappelle Rodrigo Bustos.

Aujourd’hui, alors que les victimes, leurs familles et les groupes de défense des droits humains persévèrent encore, après des décennies de quête de justice, certaines personnalités et autorités publiques diffusent de manière irresponsable des discours de haine. Ces agissements sont réellement dangereux car ils minimisent les souffrances des victimes, nient le droit à la vérité, désinforment, affaiblissent les institutions et favorisent l’impunité et la répétition de l’histoire.

"Nous ne pouvons pas laisser l’oubli et les discours de haine entraver le fonctionnement de la société. Il est essentiel d’entretenir la mémoire, pour que les nouvelles générations n’aient pas à vivre les atrocités que nous avons connues dans le passé. Un rejet ferme des violations des droits humains et un engagement inébranlable en faveur de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition constitueraient un signal fort indiquant que notre pays mérite de vivre", a conclu Rodrigo Bustos.

Source ; https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/09/chile-50-years-since-the-coup-detat-exercising-historical-memory-is-vital-for-the-countrys-future/

*** Hommage à Victor Jara ***

Par Marcelo Urra from Santiago, Chile —  https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11915623

Il y a des personnes qui nous touchent
Au plus profond de nous
Et même sans les connaître on les connaît
Il y a dans notre cœur une porte
Qui s’est ouverte pour eux.
C’est un être de lumière
Un distributeur de tendresse
Un rayonneur
Un troubadour à la voix de velours
Il a donné à l’humanité sa nature profonde
Et tout l’éclat de son message
Par la chanson, porté aux 4 coins du monde.
Il y a des êtres lumineux
Eternellement éternels et
Ceux qui les ont fauchés
N’y sont pas étrangers
On les regarde on les écoute
Une beauté terrible et essentielle vient en notre âme
Planter une flèche à jamais
C’est répétable à merci
Est-ce de connaître leur terrible destinée
Qui nous les rend émouvants, attachants, si chers ?
Il est des êtres qui nous marquent à jamais
Et l’un d’entre eux
C’est Víctor Jara.

Carole Radureau (30/11/2020)
Source : http://caro-hobo.over-blog.com/2020/11/lumineux.html

Víctor Lidio Jara Martínez (né à San Ignacio, province de Ñuble, le 28 septembre 1932 et mort à Santiago, vers le 15 septembre 1973) est surtout connu comme chanteur populaire chilien, et cantautor (auteur-compositeur-interprêtre). Mais il fut aussi un homme de théâtre, metteur en scène et professeur de théâtre universitaire reconnu. Il est enfin resté dans la mémoire du Chili et du monde pour sa fin tragique lors du coup d'État fasciste du 11 septembre 1973 à Santiago.

Au titre de sa carrière musicale, il est un des représentants les plus célèbres d'un courant qu'on a appelé la Nueva canción (« Chanson nouvelle »), avec Violeta Parra (Chili), Carlos Puebla (Cuba) et Mercedes Sosa (Argentine), et d'abord la nueva canción chilena (« nouvelle chanson chilienne ») avec des groupes comme Quilapayún, Inti Illimani et Illapu. Il a d'ailleurs parfois chanté sur scène et enregistré avec ces trois groupes, de même que sa route a croisé celle d'Isabel et Ángel Parra, ne serait-ce qu'à la Peña de los Parra, le lieu culturel créé et animé par les enfants de Violeta ; il a parfois mis des chansons de cette dernière à son répertoire, et il l'évoque avec tendresse et respect dans certaines de ses propres chansons (Manifiesto, par exemple).

La Nueva canción est un mouvement musical qui se trouve à la confluence de racines autochtones, folkloriques et populaires revendiquées (avec notamment des genres qu'on a appelés Alto folclore), ou la musique andine, ainsi qu'avec la déclinaison latino-américaine de la Canción de protesta (« chanson engagée ») et de la canción social (« chanson sociale »), tout comme le protest song nord-américain (de Joan Baez ou de Bob Dylan première période, par exemple).

Il fut l'un des principaux soutiens de l'Unité populaire et du président Salvador Allende. Ses chansons critiquent la bourgeoisie chilienne, contestent la guerre du Viêt Nam, chantent la grève contre la répression, la réforme agraire , la révolution...Ses chants, écrits par lui ou par d'autres, rendent hommage aux grandes figures révolutionnaires latino-américaines.

Arrêté par les militaires lors du coup d'État du 11 septembre 1973, il est emprisonné et torturé à l'Estadio Chile (aujourd'hui nommé stade Víctor Jara en mémoire de son martyre) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago.
Source : Wikipédia

Voici d'abord en vidéo le bel hommage que lui a rendu Julos Beaucarne, si émouvant.

Vidéo de la chanson "Lettre à Kissinger" chantée par Julos Beaucarne, 
publiée sur la chaine Youtube de Marijoe Be 
Et quelques vidéos sur les chants magnifiques de Victor Jara
Concierto Víctor Jara au Pérou - 17 juillet 1973 (Récital complet)- 
vidéo publiée sur la chaine Youtube de Felipe Rebolledo Saez

Canto libre de Victor Jara, vidéo publiée sur le youtube d'Enriquevicsaa

CANTO LIBRE de Victor Jara

Recherche de l’endroit où nicher / Que busca donde anidar
Éclate et déploie ses ailes / Estalla y abre sus alas
Voler et voler / Para volar y volar
Ma chanson est une chanson libre / Mi canto es un canto libre
Que voulez-vous offrir / Que se quiere regalar
Qui lui serre la main / A quien le estreche su mano
Quiconque veut tirer / A quien quiera disparar
Ma chanson est une chaîne / Mi canto es una cadena
Pas de début ni de fin / Sin comienzo ni final
Et dans chaque lien il y a / Y en cada eslabón se encuentra
Le chant des autres / El canto de los demás
Continuons à chanter ensemble / Sigamos cantando juntos
À toute l'humanité / A toda la humanidad
Que la chanson est une colombe / Que el canto es una paloma
Qui vole pour trouver / Que vuela para encontrar
Éclate et déploie ses ailes / Estalla y abre sus alas
Voler et voler / Para volar y volar
Ma chanson est une chanson libre / Mi canto es un canto libre

et sur l'hommage que ses compatriotes lui rendent dans cette magnifique chanson.
"Victor Libre" musique de Carlos Noguera, paroles de Carlos Noguera et Maneco Galeano
Vidéo publiée sur la chaine Youtube de Carlos Alberto

Victor Libre

Où est resté ton regard pur, / Dónde quedó tu mirada limpia,
sourire ouvert dans la nuit, / sonrisa abierta en la noche,
ailes de mouette et de poignard. / alas de gaviota y puñal.

Le Chili pleure ton chant immolé, / Chile llora tu canto inmolado,
de Víctor Libre est la lumière, / de Víctor Libre es la luz,
de Patrie et de Jara la voix. / de Patria y Jara la voz.

Pierre, passion, une prière, / Piedra, pasión, plegaria,
un murmure araucan, / arrullo araucano,
libre est né le soleil / libre ha nacido el sol
après sa mort. / después de morir.

Une rivière de lune baigne ton visage / Un río de luna baña tu rostro
de poésie et de honte / de poesía y vergüenza
qui est défi au traître. / que es desafío al traidor.

Les quatre vents soufflent / Soplan los cuatro vientos,
de braves cavaliers de la victoire / valientes jinetes de la victoria
éclairante et finale. / esclarecedora y final.

Pierre, passion, une prière, / Piedra, pasión, plegaria,
un murmure araucan, / arrullo araucano,
libre est né le soleil / libre ha nacido el sol
après sa mort. / después de morir.

http://cocomagnanville.over-blog.com/2016/11/victor-libre.html

10 septembre 2023

Le miracle du "Kindertransport" : un voyage vers la vie

La cérémonie du Souvenir à la mémoire des Déportés et des Victimes de la Shoa a lieu aujourd'hui dimanche 10 septembre à la Grande Mosquée de Paris, avec comme thème pour 2023 "les enfants cachés".

Le devoir de mémoire est une chose essentielle pour moi. Il me semble capital de transmettre aux générations suivantes les faits historiques qui ont façonné le destin des hommes pendant le 20e siècle, si tragique, maintenant qu'il n'y a quasiment plus de témoins de ces évènements encore en vie. 

Pour que plus jamais de telles horreurs ne se reproduisent!

Le Kindertransport 1938-1940

Rappeler l'histoire du transport de nombreux enfants juifs exfiltrés d'Europe où ils étaient pourchassés par les nazis du 3e Reich m'a paru important, sauf qu'une fois que j'ai eu réalisé cet art postal, je n'ai pas su à qui l'envoyer, de peur de risquer de froisser l'un ou l'autre de mes correspondants.

Ci-dessus la statue du groupe d'enfants dit "L'arrivée" devant la station de métro de Liverpool Street à Londres.
sculpture de Frank Meisler (1925–2018) 
Frank Meisler réalisa plusieurs statues sur le même sujet, en différents lieux de départ des enfants, comme à Berlin, Hambourg (Allemagne), Hoek (Hollande) ou encore Gdansk (Pologne)

Mémorial de Berlin
Mémorial de Gdansk (Pologne)

Mémorial de Hambourg
Mémorial de Hoek (Hollande)

Source : https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/kindertransport-1938-40

Le Kindertransport (transport d'enfants) est le nom informel d'une série d'opérations de sauvetage qui permit, entre 1938 et 1940, de transférer d'Allemagne nazie vers la Grande-Bretagne des milliers d'enfants juifs réfugiés.

Après les violences antisémites organisées par les autorités nazies pendant la "Nuit de cristal" en novembre 1938, le gouvernement britannique rendit moins contraignantes les restrictions en matière d'immigration pour certaines catégories de réfugiés juifs. Sous la pression de l'opinion publique britannique et des comités d'aide aux réfugiés, et plus particulièrement du British Committee for the Jews of Germany et du Movement for the Care of Children from Germany, les autorités britanniques acceptèrent d'autoriser un nombre indéterminé d'enfants de moins de 17 ans en provenance d'Allemagne et des territoires occupés par l'Allemagne (c'est-à-dire d'Autriche et des territoires tchèques) à entrer en Grande-Bretagne.

Des citoyens privés ou des organisations devaient s'engager à subvenir aux besoins et à l'éducation de chaque enfant, ainsi qu'à prendre en charge le moment venu son émigration hors de Grande-Bretagne. En contrepartie de cet engagement, le gouvernement britannique acceptait de permettre à des enfants réfugiés non accompagnés d'entrer dans le pays munis de simples visas de tourisme. Il était entendu à l'époque que lorsque la "crise serait passée", les enfants retourneraient dans leur famille. Les parents ou les tuteurs n'étaient pas autorisés à accompagner les enfants. Les quelques enfants en bas âge inclus dans le programme furent ainsi placés, pendant la durée du transport, sous la responsabilité d'autres enfants.

Le premier convoi d'enfants arriva à Harwich, en Grande-Bretagne, le 2 décembre 1938. Il s'agissait d'environ 200 enfants provenant d'un orphelinat juif de Berlin qui avait été détruit pendant la Nuit de Cristal. A l'instar de ce convoi, la plupart des transports se firent par train au départ de Berlin, de Vienne, de Prague ainsi que d'autres grandes villes d'Europe centrale. Les enfants des petites villes et des villages devaient se rendre dans des points de rencontre pour rejoindre les transports. Des organisations juives établies au sein du Reich grand-allemand — notamment le Conseil central des Juifs d'Allemagne, dont le siège était à Berlin (puis après 1939, l'Association des Juifs d'Allemagne qui lui succéda) et l'organisation de la communauté juive de Vienne (Kultusgemeinde)  — organisaient les transports.

Ces associations favorisaient en général les enfants dont l'émigration était urgente parce que leurs parents étaient en camp de concentration ou n'étaient plus en mesure de s'occuper d'eux. La priorité était également donnée aux enfants sans domicile et aux orphelins. Les enfants choisis voyageaient en train jusqu'en Belgique et aux Pays-Bas, d'où ils prenaient le bateau jusqu'à Harwich. (Au moins l'un des premiers convois quitta le port de Hambourg en Allemagne, et certains enfants de Tchécoslovaquie prirent directement l'avion pour la Grande-Bretagne). Le dernier transport en provenance d'Allemagne partit en septembre 1939, juste avant le début de la guerre, et le dernier en provenance des Pays-Bas partit le 14 mai 1940, le jour de la reddition des forces armées du pays. En tout, les opérations de sauvetage permirent de faire immigrer en Grande-Bretagne de 9 000 à 10 000 enfants, dont 7 500 enfants juifs, d'Allemagne, d'Autriche, de Tchécoslovaquie et de Pologne.

Après leur arrivée à Harwich, les enfants qui étaient parrainés étaient envoyés à Londres pour faire la connaissance de leur famille d'accueil. Les autres étaient hébergés dans une colonie de vacances de Dovercourt Bay ou dans d'autres centres jusqu'à ce que des familles acceptent de les prendre en charge ou que des structures d'accueil en mesure de recevoir des groupes d'enfants soient mises en place. Nombreux furent les individus et les organisations qui participèrent à ce sauvetage. En Grande-Bretagne, c'est le Movement for the Care of Children from Germany qui en assura la coordination. Des Juifs, des quakers et des chrétiens de nombreuses confessions travaillèrent de concert pour accueillir les enfants réfugiés. Environ la moitié des enfants furent placés dans des familles d'accueil, l'autre moitié séjournant dans des auberges de jeunesse et des fermes sur l'ensemble du territoire britannique.

En 1940, les autorités britanniques firent interner, en tant qu'étrangers ennemis environ 1 000 enfants du Kindertransport sur l'Ile de Man et dans d'autres camps d'internement au Canada et en Australie. Malgré cette qualification d'étrangers ennemis, certains des jeunes garçons s'enrôlèrent plus tard dans l'armée britannique et combattirent contre l'Allemagne.

Après la guerre, de nombreux enfants du programme de transport d'enfants devinrent citoyens britanniques ou émigrèrent en Israël, aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie. La plupart de ces enfants ne revirent jamais leurs parents, exterminés pendant la Shoah.


Frank Meisler (1925–2018)*

Sculpteur, né à Danzig, aujourd'hui Gdansk, Pologne, qui a déménagé en Angleterre en tant que réfugié des nazis en 1939, s'installant plus tard en Israël, basé à Jaffa. Il a montré en Angleterre et a eu pendant un certain temps un studio à Londres; a été inclus dans l'exposition Heart of Israel à Alexandra Palace, 1988; et sa sculpture en métal La lampe israélienne a été dévoilée près du Royal Shakespeare Theatre, Stratford-upon-Avon, en 1990. L'œuvre la plus remarquable de Meisler est probablement son Mémorial de l'Holocauste à Mannheim, en Allemagne. Il y avait un autre mémorial de l'Holocauste par lui à Miami, en Floride. Meisler avait une réputation considérable en Israël, ses œuvres y compris une fontaine à l'hôtel King David, à Jérusalem.

Source du texte : "Artistes en Grande-Bretagne depuis 1945" par David Buckman (Art Dictionaries Ltd)

29 juin 2022

50 ans que Boby Lapointe nous quitta sans que sa Katie ne nous ait quittés

Petite, j'entendais ses chansons les plus connues à la radio et je le trouvai drôle, mais comme nous n'avions pas de télévision , je ne le connaissais pas du tout. Aujourd'hui, je voudrai lui rendre un hommage appuyé, comme je l'ai fait pour son copain Brassens et aussi pour Molière, l'autre Piscénois célèbre fêté en cette année 2022. 
photo de Boby Lapointe et Georges Brassens publiée sur le BobyLapointe Officiel 
Pézenas, petite cité de 8 000 habitants à l’ouest de l’Hérault, célèbre cette année ses deux grands hommes : Molière, né il y a 500 ans. Et le chanteur Boby Lapointe, né le 16 avril 1922, qui aurait eu 100 ans cette année. 50 ans après sa mort (29 juin 1972), ses chansons cartonnent aujourd'hui dans les kermesses de fin d’année des écoles maternelles et primaires.
pochettes de son intégrale et de la chanson "Comprend qui peut".
Ses chansons, archiconnues, font désormais partie du patrimoine culturel national et sont entrées au répertoire de l’Éducation nationale et de nombreuses chorales. à travers le pays. Mort d’un cancer du Pancréas, à 50 ans, le 29 juin 1972, Boby Lapointe n’a pourtant pas vraiment connu le succès de son vivant, malgré le soutien de ses copains, Georges Brassens ou Pierre Perret, ou encore Joe Dassin, qui fut son producteur sur la fin. Ses jeux de mots, calembours et contrepèteries en cascades, ses rythmes rapides et saccadés, son air un peu emprunté et son côté décalé, en faisaient un chanteur atypique dans l’univers musical de son temps.

Dans sa jeunesse, avant de monter à Paris, l’enfant du pays, y a fait les 400 coups. Un petit musée dédié au souvenir de l’auteur d’ “Aragon et Castille”, de « Ta Katie t’a quitté » et de « La maman des poissons », a élu domicile dans les murs de l’échoppe qui fut, dit-on, celle du barbier de Molière.
la devanture du musée Boby Lapointe
Plutôt timide, Boby n’aimait pas la scène. Il aurait bien aimé vivre de ses chansons, mais chantées par les autres et de préférence par des artistes féminines. Sauf que personne n’en a voulu. Il les a proposées à des chanteurs comme les Frères Jacques. Et puis Bourvil a choisi de chanter sa chanson, « Aragon et Castille «, l’un de ses plus grands succès, dans un film, « Poisson d’avril », sorti en 1954. Le film n’a pas marché mais il a enfin introduit Lapointe dans le milieu parisien. Engagé dans un cabaret parisien, Les Trois Baudets, il y enregistre deux disques, en 1960 et 1961, avec notamment les chansons « Marcelle », « Le Poisson fa », « Bobo Léon » et « Aragon et Castille », qui rencontrent enfin le succès. Boby Lapointe devient un invité récurrent de l’émission « Les Raisins verts » de Jean-Christophe Averty, pour laquelle il ira jusqu’à interpréter une chanson qui n’est pas à son répertoire habituel, « Si j’avais un marteau », en maniant une faucille d’un air entendu

Artiste touche-à-tout, le plus loufoque des Piscénois (c’est le nom des habitants de Pézenas), a été à la fois poète et chanteur. On le sait moins, il était aussi un inventeur et très doué en maths. Il a fait des études scientifiques et préparé Sup Aéro à Toulouse. Mais ses études ont été interrompues par la guerre et il n’est jamais devenu ingénieur aéronautique. Enrôlé au service de travail obligatoire, le STO, en Autriche, il s’est échappé dans le Sud de la France, où il est devenu…. scaphandrier. A Paris, avant de vivre de la chanson, ce touche-à-tout a fait plein de petits boulots : poseur d’antenne télé, vendeur de layette… En 1968, il invente le système bibi-binaire, système de numération qui préfigure une voie que suivra l’évolution de l’informatique. Quand même.

Boby Lapointe a toujours aimé faire des blagues et en a fait beaucoup avec ses copains d’enfance à Pézenas. Une nuit, il avait peint le coq du village en fluo pour que le matin, on crie au miracle. 

En 2000, le fils de Boby, Jacky, a lancé à Pézenas un festival de chansons, le Printival. Après sa mort, en 2008, sa fille, Dany, a abandonné son métier d’infirmière pour reprendre le flambeau, tout en étant également manageuse pour des artistes. La petite-fille du chanteur a préparé cette année une édition XXL du festival, qui s’est déroulé du 26 au 30 avril sous un chapiteau à Pézenas, avec une soirée spéciale dédiée à Boby Lapointe. Elle a aussi monté la lecture d’une pièce de théâtre inédite de l’artiste, « Le Barbu du square ». Créée en 1952 par Boby Lapointe, elle n’a jamais été jouée. Elle le sera en septembre prochain. 
Source : Article de Sud Ouest de Cathy Lafon publié en juin 2022 
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Pour vous remettre sa voix, son humour et sa très grande fantaisie en mémoire et dans l'oreille, voici quelques vidéos de ses chansons les plus connues.

Chanson la maman des Poissons de Boby Lapointe publiée sur le Youtube de Pierre M. Lavallée
Boby Lapointe chante "Aragon et Castille" sur la chaine Youtube de Triphon Ebélé
Chanson J'ai Fantaisie de Boby Lapointe publiée sur le Youtube du Bazar Musical
Top à la Une | ORTF | 25/12/1970 Anne Sylvestre et Boby Lapointe, déguisés en prisonnier derrière des barreaux, 
chantent "Depuis l'temps que j'l'attends mon prince charmant" en duo.
 Images d'archives INA Institut National de l'Audiovisuel - http://www.ina.fr

10 mai 2020

A Solitude et à tous ses frères et soeurs de lutte contre l'esclavage !

Lorsque l'on parle d'abolition de l'esclavage, nous avons aussitôt en tête le nom de Victor Schoelcher, l'homme politique français qui a beaucoup lutté pour dénoncer l'esclavage et qui en obtint l'abolition définitive en France en 1848 (décret du 27 avril 1848).

En ce 10 mai 2020, journée nationale commémorative de l'abolition de l'esclavage, moi j'ai eu envie de vous parler de l'une des héroïnes méconnues de cette lutte!

Solitude, résistante guadeloupéenne

Solitude, surnommée la Mulâtresse Solitude en raison de ses origines (vers 1772–1802?), est une figure importante de la résistance des esclaves noirs en Guadeloupe. 

Une vie d’esclave 
On connait aujourd’hui peu de choses sur l’existence de Solitude. Elle naît en Guadeloupe aux environs de 1772, fruit du viol de sa mère, Bayangumay, par un marin blanc, sur le bateau qui la déporte aux Antilles. Fille d’une mère esclave et malgré son métissage, l’enfant, prénommée Rosalie, devient esclave elle-même. Pendant plus de vingt ans, Solitude connait les affres de l’esclavage, des lourdes punitions, de la privation de liberté et de l’oppression, en Guadeloupe.

Parallèlement à la Révolution françaises, des troubles et des émeutes commencent à agiter la Guadeloupe au début des années 1790. Après l’exécution de Louis XVI, la Terreur se répercute jusqu’aux Antilles et des familles de planteurs, ainsi que des membres du clergé, sont exécutés ou fuient. Des esclaves désertent, formant des communautés de marrons (esclaves en fuite). Le 4 février 1794, la Convention abolit l’esclavage et fait de tous les hommes peuplant les colonies des citoyens français jouissant des mêmes droits. Mais lorsque la nouvelle parvient jusqu’en Guadeloupe, l’île est tombée sous occupation anglaise.

Rétablissement de l’esclavage :
Tandis que de nombreux anciens esclaves, ayant à peine accédé à la liberté, s’enrôlent pour lutter contre les Anglais, Solitude rejoint une communauté de marrons avec lesquels elle vit quelques temps. L’euphorie de l’abolition est cependant de courte durée : en 1802, Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage, et charge le général Richepance de mater toute rébellion et de remettre les anciens esclaves aux fers. Le 4 mai 1802, une armée de quatre mille homme débarque à Pointe-à-Pitre. Le colonel d’infanterie Louis Delgrès, un intellectuel d’origine martiniquaise, appelle alors à la résistance, et de nombreux femmes et hommes prennent les armes.

Enceinte de son compagnon qui combat avec elle, Solitude s’arme d’un pistolet et participe à tous les combats, de même que la compagne de Louis Delgrès, Marthe-Rose. Rapidement, les forces françaises acculent les résistants dans une forteresse et mènent un siège violent. En désespoir de cause, Louis Delgrès fait truffer le bâtiment de barils de poudre. Lorsque l’armée y pénètre, le 28 mai 1802, une grande explosion retentit. Parmi les trois cents résistants retranchés, quelques-uns survivent à l’explosion, parmi lesquels Solitude. Arrêtée, elle n’est pas exécutée immédiatement, en raison de sa grossesse. Sur l’île, la répression de la révolte est sanglante et fait des milliers de victimes.

Solitude accouche le 28 novembre 1802, d’un petit garçon qui nait esclave. Les sources indiquent qu’elle est « suppliciée » le lendemain, ce qui semble indiquer qu’elle a été exécutée. Il est cependant possible qu’elle ait survécu. Source : blog"l'histoire par les femmes"

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Que ce soit en Guyane, à la Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Haiti ou ailleurs, saluons à jamais le courage de ces femmes et de ces hommes  pour se libérer du joug!

Et surtout n'oublions pas que toutes les formes d'esclavage n'ont pas été abolies : l'esclavage fait encore des ravages dans le monde avec le travail des enfants dans les mines ou dans les plantations de cacao, par exemple.

C'est également vrai plus près de nous, où les donneurs d'ordre ont  imaginé de nouvelles pratiques bien plus sournoises pour nous asservir, par l'ubérisation, notamment.