En octobre 2024 sort un timbre édité par la Poste à l'occasion des 200 ans de la première femme titulaire du baccalauréat en France, Mme Julie-Victoire Daubié. Cet évènement n'est survenu qu'en 1861, après moultes péripéties pour l'impétrante, racontées plus bas.
au verso de l'enveloppe, le fac-similé du diplome décernée àJulie-Victoire, signé par l'Empereur Napoléon III |
Le mail-art à créer avec ce timbre ne pouvait s'adresser qu'à Sylvie, institutrice qui a passé sa vie à transmettre ses connaissances à tous les garçonnets et fillettes passés par sa classe, tout-à-fait convaincue que la connaissance et la culture sont de puissants moteurs pour l'émancipation des individus.
C'est ici pour moi l'occasion de créer une série qui se fera au fil de l'eau, sur les femmes inspirantes par leur courage, par leur intelligence, engagées pour des actions novatrices, pour leurs découvertes scientifiques ou technologiques, celles qui ont tant fait et/ou font encore pour que le statut des femmes évolue vers plus de reconnaissance et plus d'égalité - dont malheureusement beaucoup nous sont encore inconnues.
Je commence donc aujourd'hui officiellement avec Julie-Victoire Daubié dont un portrait complet vous est donné ci-dessous, mais je vais taguer rétroactivement pas mal de personnages féminins que j'ai eu le plaisir de mettre à l'honneur avec l'art postal depuis que j'ai attrapé le virus, dans cette série Femmes remarquables.
Je souhaite à Sylvie une bonne réception de ce MA un peu particulier car hélas, il y a fort peu d'images de cette dame si engagée dans sa volonté de sortir la femme de l'ignorance dans laquelle la société voulait la maintenir et obtenir l'égalité de traitement avec les hommes.
À cette époque, bien que la loi Falloux impose une école primaire de filles dans chaque commune de 800 âmes - 500 pour les garçons depuis la loi Guizot de 1833 -, les filles restent sous-scolarisées par rapport à leurs camarades masculins. Et au-delà de l'acquisition des connaissances, la véritable difficulté pour les femmes est de faire appliquer le droit, qui leur est, du moins théoriquement reconnu, de passer des examens. En 1853, Julie Victoire s'inscrit au Muséum national d'histoire naturelle et suit les cours de zoologie d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire.
Des résistances
En 1861, dotée d'une solide formation, elle se présente comme candidate au baccalauréat à Paris, puis à Aix. Elle y est refusée au seul motif qu'elle est une femme. Elle obtient toutefois gain de cause à Lyon, grâce au soutien de son ami et professeur de lettres à l'Académie impériale de Lyon, le saint-simonien Arlès-Dufour. Julie y bénéficie d'une certaine notoriété depuis sa participation au concours en 1859. Son sujet propose de réfléchir sur les moyens d'élever les salaires des femmes au niveau de ceux des hommes, tout en leur permettant l'accès à toutes les professions. Le mémoire de Julie remporte le prix. Peu après, elle est déclarée reçue au baccalauréat ès lettres le 17 août 1861, à 37 ans.
Mais la délivrance du diplôme soulève un nouveau problème ! Le ministre de l'Instruction publique, Gustave Rouland, s'écrie que l'on veut « ridiculiser [son] ministère » et refuse de le signer. Il faut l'intervention de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, un conseil des ministres extraordinaire et une campagne de presse menée par le journaliste Léon Richer, pour que le diplôme lui soit délivré en mars 1862.
Elle désigne l'État comme responsable
Dans les années qui suivent, les bachelières restent des exceptions. On en compte quelques dizaines entre 1866 et 1882. L'accès des femmes aux autres diplômes universitaires demeure problématique. Même diplômées, elles se heurtent à de fortes réticences pour exercer leur métier. Sous le Second Empire, la femme est dévolue à la maison ou à la courtisanerie. La question du bien-fondé de son éducation déchaîne les passions, le plus souvent hostiles.
Il faut attendre la IIIe République pour observer une évolution favorable aux femmes. En 1866, le mémoire de Julie est publié sous le titre La Femme pauvre au XIXe siècle. Le qualificatif pauvre ne désigne pas l'indigente mais la femme qui doit travailler pour vivre. Le premier tome présente les différentes causes de ce paupérisme. L'État y est clairement désigné comme responsable en matière d'inégalité hommes-femmes dans l'emploi et de disparité salariale. Ce large travail critique, reposant sur une enquête minutieuse, riche en propositions, auquel des hommes, bien sûr, reprochent sa véhémence et son ton passionné, pose la question de la condition des femmes, et surtout des femmes seules. Il montre la spécificité de la pauvreté féminine et ses liens avec les insuffisances de l'enseignement féminin. Julie défend aussi la nécessité de revaloriser le travail féminin, indispensable à l'émancipation de la femme, et de l'ouvrir à toutes les professions. Pour elle, établir l'égalité hommes-femmes favoriserait l'épanouissement individuel mais aussi celui de la famille et de la nation.
Propositions et débats
En 1869, La Femme pauvre s'enrichit d'une réflexion sur la condition morale de la femme. Julie dénonce la prostitution réglementée, la domesticité trop souvent dégradante, le concubinage, la débauche, et réclame la responsabilisation de l'homme en donnant aux femmes le droit à la recherche en paternité. Elle y présente le mariage comme une solution à ses problèmes économiques et à son émancipation. Enfin, elle milite, dans les années 1870-1872, pour le vote féminin, qualifié de base du progrès social. Mais Julie affaiblit son combat en l'assortissant de conditions morales et culturelles qui l'opposent à d'autres féministes plus radicales.
Ses examens lui permettraient d'être institutrice, mais, refusant de prêter serment à l'Empire, elle devient préceptrice. En 1871, elle obtient sa licence ès lettres. Cette femme pionnière en matière de lutte pour les droits des femmes, décède le 26 août 1874.
Article rédigé par Françoise Labalette sur Historia, publié le 16 juin 2022 et mis à jour le 20 août 2023
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J'ai été heureuse de savoir que cette personnalité féminine dont nous ignirions tout a été sortie de l'oubli en figurant sur la liste officielle des des personnes à célébrer dans l'année 2024. Sa commune Fontenoy-Le-Château a organisé plusieurs manifestations culturelles à la fin de l'an passé en son honneur.
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