Gaza meurt de faim... Gaza meurt de soif.
Gaza est en train de mourir dans l'indifférence générale et nous, nous nous taisons.
Je ne peux plus me taire! Stop au génocide à Gaza!
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Flyer illustraté par une artiste palestinienne - nom à venir |
Comme bien des personnes de ma génération, je n'arrive pas à comprendre comment il est possible que que ceux-là mêmes qui ont été si tragiquement exterminés par les nazis du 3e Reich (à hauteur d'environ six millions de juifs) lors de la Shoa -ceux qui, avant cela, ont été pourchassés et martyrisés dans des pogroms pendant des siècles- puissent être désormais à l'origine d'un des plus grands et abominables massacres du 21e siècle, contre les Palestiniens de Gaza, tout en se déclarant une démocration moderne?
Je ne comprends pas davantage pourquoi les boucheries perpétrées en 2022 à Boutcha ou à Marioupol par les Russes en terre ukrainienne ont suscité à juste titre tant de réactions indignées et d'émotions chez les Français, alors qu'aujourd'hui et depuis plus d'un an règne un assourdissant silence sur le nettoyage ethnique actuel perpetré à Gaza par les militaires israéliens colonialistes de Benyamin Netanyahou?
Pourquoi deux poids, deux mesures pour considérer la vie humaine?
Pour toutes les personnes à qui cela tord le coeur et le ventre de voir disparaître dans l'oubli général ce peuple de palestiniens gazaouis, victimes d'un véritable génocide, reconnu comme crime contre l'humanité par la Cour Pénale Internationale, voici un poète qui a essayé de trouver des mots pour dire l'indicible.
Ma rage,
articulée,
claire,
mon âme, je te promets,elle sera éclatante
et confondra les pharisiens
et les sophistes,
elle fera surgir face à eux les générations entières
rayées de la carte, lesmutilés,
chaque martyr, un par un, les hantera
le sang sur leurs mains et le sang dans leurs yeux,
ils ne pourront pas détourner la tête seulement
baisser les yeux face
aux visages des martyrs, baisser les yeux
face à l'évidence du carnage.
Mon âme, murmuré-je au partage de la nuit, ma rage articulée
elle les mettra face au décompte exact de la
destruction,
inventoriée (ici, tant de mortes, ici, tant d'archives brûlées, là, tant d'enfants aux bras arrachés, là, toutes les universités ravagées, tous les poètes morts,
tous morts, les poètes et les boulangers et et et et et combien de mères combien de journalistes combien d'étudiants en première année de fac ou combien de gens qui sont juste, tout simplement, des gens, quel sera le chiffre, et quelle la catégorie d'humains, qui provoquera un sursaut, quelque chose,
et je tiens des listes, pour ne pas oublier, si on me demande, de dire, saviez-vous qu'ils ont aussi fait ci
et aussi fait ça;
ne pas oublier la famine, ne pas oublier, les épidémies, ne pas oublier, les enfants qui supplient, ne pas oublier les
soldats qui se filment,
car tout est permis car
mon pays mon pays
est retiré du monde désormais et
innommable désormais, et
irrécupérable désormais,
et je le dis à mes amis car j'ai peur
si j'arrête de leur dire
qu'ils oublient
et j'inventorie pour que l'on saisisse demain et dans dix ans,
l'étendue
de l'irrécupérable, la profondeur
de cette nuit.
Et je te promets, mon âme, que par ma rage articulée
on comprendra
la complicité de chaque soldat et chaque soldate
un par un, une par une
la complicité de chaque marchand qui prie
« finissez-les », de chaque grand-mère qui jure,
«finissez-les »,
de chaque gentil père de famille qui, en bordant
son enfant, dit, «gentiment, ne réveillez pas mon
fils, mais finissez-les »,
chaque étudiant qui, s'apprêtant à conclure sa
dissertation, soupire, «regrettable, dommage, mais
finissez-les »,
chaque écrivaine qui, des trémolos dans la voix,
courbée sur son article, plaide, « on a tout essayé,
je suis pleine
pleine
pleine
d'empathie, si pleine que j'en crèverais -
cependant, il faut finir, il faut, donc
finissez-les,
de grâce,
poliment »,
chaque médecin qui dit, « triste, mais finissons-en »,
ou celui à Paris, à New York, qui s'en lave les mains et dit,
«j'en pleure le soir,
qu'on commette cela
mais que faire?
qu'y puis-je ?»,
qui se lamente et me dit,
«mon chéri mon chéri je
n’y
peux
rien. »
Dans Préliminaires pour un verger futur, éditions Elyzad, édition 2024
Karim Kattan, écrivain palestinien né à Jérusalem en 1989, vit en France depuis une quinzaine d’années. Docteur en littérature comparée, il écrit en anglais et en français. Son œuvre explore un univers hybride mêlant réalisme, merveilleux et oralité. Finaliste du Prix Boccace avec Préliminaires pour un verger futur (2017), il remporte le Prix des Cinq continents de la francophonie pour son premier roman Le palais des deux collines (2021). Son deuxième roman, L’Éden à l’aube (2024), confirme la richesse de son style : une écriture poétique et politique, portée par un narrateur solaire qui raconte un amour empêché sur fond de guerre et d’occupation en Palestine. Il publie régulièrement dans la presse et les revues littéraires françaises.
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PS : Profondément pacifiste, athée et guidée uniquement par mon amour de l'Humanité au sens large, afin d'éviter toute ambiguïté, je précise que je n'ai absolument rien contre le peuple juif ni contre sa religion ; tout pareillement, je respecte les peuples arabes qu'ils soient ou non musulmans, tout comme je respecte tous les autres peuples et ethnies, toutes les croyances et coutumes, toutes les couleurs de peau, le genre, le sexe de chacun des habitants de cette Terre.
Pour moi nous sommes tous des êtres humains faits de la même chair et du même sang et à ce titre nous méritons le même respect, le respect de la vie.
1 commentaire:
Merci. Tu as raison, il n'est plus possible de se taire. Ce silence de l'état français en fait le complice du gouvernement d'extrême droite de Netanyahu. C'est une honte ! Et les manifestations appelant à un cessez-le-feu à Gaza continuent d'être interdites. On arrête les gens qui par solidarité avec le peuple palestinien brandissent leur drapeau ou arborent simplement un keffieh. C'est proprement scandaleux. C'est ignoble ! Nous assistons impuissants, parce que nos dirigeants ont décidé de le laisser faire, à un génocide. C'est criminel !
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