Blog d'art-postal, essentiellement textile , créé pour satisfaire toutes mes envies de couture, broderie, embellissement, collages et autres fantaisies... en les appliquant aux univers riches et variés induits par les timbres postaux. Il peut m'arriver d'y noter mes coups de coeur pour des expositions ou des artistes, sources d'inspiration ou d'émotions.
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Pablo Neruda : cinquantenaire de la disparition de ce très grand poète ce 23 septembre
En septembre 1973 le destin tragique du Chili s'est noirci un peu plus avec la disparition du grand Pablo Neruda. Il meurt douze jours seulement après le putsch mené par le Général Augusto Pinochet, selon la version officielle d'un cancer de la prostate, mais l'hypothèse d'un assassinat par empoisonnement perpétré dans le contexte de la répression politique est de plus en plus évoquée à partir de 2011 par le gouvernement chilien et des experts.
Ses obsèques se déroulent à Santiago en présence de l'armée : des chants jaillissent de la foule, témoignant, par-delà la mort, du pouvoir subversif de la poésie.
Pablo Neruda, nom de plume de Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto, né le 12 juillet 1904 à Parral (région du Maule) et mort le 23 septembre 1973 à Santiago, est un poète, écrivain, diplomate, homme politique et intellectuel chilien.
Il est considéré comme l'un des quatre grands de la poésie chilienne avec Gabriela Mistral, Pablo de Rokha et Vicente Huidobro et l'un des artistes les plus influents de son siècle. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1971. Engagé au Parti communiste du Chili, dont il a été membre du comité central, il a aussi été sénateur et ambassadeur du Chili en France.
Pablo Neruda est l'un des plus célèbres poètes d'Amérique latine et a eu une influence considérable sur la littérature de langue espagnole. Sa poésie, lyrique, sensuelle et engagée, chante la liberté et la fraternité d'une humanité en harmonie avec la nature. On peut toujours s'imprégner de ses textes en lisant sa poésie.
La poésie
Et ce fut à cet âge La poésie
vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d’où
elle surgit, de l’hiver ou du fleuve.
Je ne sais ni comment ni quand,
non, ce n’étaient pas des voix, ce n’étaient pas
des mots, ni le silence:
d’une rue elle me hélait,
des branches de la nuit,
soudain parmi les autres,
parmi des feux violents
ou dans le retour solitaire,
sans visage elle était là
et me touchait.
Je ne savais que dire, ma bouche
ne savait pas
nommer,
mes yeux étaient aveugles,
et quelque chose cognait dans mon âme,
fièvre ou ailes perdues,
je me formai seul peu à peu,
déchiffrant
cette brûlure,
et j’écrivis la première ligne confuse,
confuse, sans corps, pure
ânerie,
pur savoir
de celui-là qui ne sait rien,
et je vis tout à coup
le ciel
égrené
et ouvert,
des planètes,
des plantations vibrantes,
l’ombre perforée,
criblée
de flèches, de feu et de fleurs,
la nuit qui roule et qui écrase, l’univers.
Et moi, infime créature,
grisé par le grand vide
constellé,
à l’instar, à l’image
du mystère,
je me sentis pure partie
de l’abîme,
je roulai avec les étoiles,
mon coeur se dénoua dans le vent.
Pablo Neruda Recueil : Mémorial de l'île Noire
***
Pauvres gosses
Comme il te faut payer sur cette planète
pour nous aimer en toute tranquillité
tout le monde examine les draps,
tous se préoccupent de ton amour.
Et se racontent des choses terribles
au sujet d’un homme et d’une femme
qui après maintes tergiversations
et maintes considérations
font quelque chose d’unique,
ils se couchent dans un seul lit.
Je me demande si les grenouilles
se surveillent et s’éternuent au nez,
si elles se font des messes basses dans les mares
contre les grenouilles illégitimes,
contre le plaisir des batraciens
Je me demande si les oiseaux
ont des oiseaux ennemis
et si le taureau prête l’oreille aux boeufs
avant de rencontrer la vache.
Déjà les routes ont des yeux,
les parcs ont leur police,
leurs secrets les hôtels,
les fenêtres enregistrent les noms,
s’embarquent troupes et canons
déterminés contre l’amour,
travaillent inlassablement
les gorges et les oreilles,
et un garçon et sa petite amie
se mettent à fleurir
en volant sur une bicyclette.
Pablo Neruda / Traduit par Gilles de Seze
***
J'aime quand tu te tais, parce que tu es comme absente
J’aime quand tu te tais, parce que tu es comme absente,
et tu m’entends au loin, et ma voix ne t’atteint pas.
et on dirait qu’un baiser t’a clos la bouche
Comme toutes les choses sont remplies de mon âme,
Papillon de rêve, tu ressembles à mon âme
et tu ressembles au mot : mélancolie.
J’aime quand tu te tais et que tu es comme distante.
Et tu es comme plaintive, papillon que l’on berce.
Et tu m’entends au loin, et ma voix ne t’atteint pas:
laisse-moi me taire avec ton silence.
Laisse-moi aussi te parler avec ton silence,
clair comme une lampe, simple comme un anneau.
Tu es comme la nuit, silencieuse et constellée.
Ton silence est d’étoile, si lointain et si simple.
J’aime quand tu te tais, parce que tu es comme absente,
distante et dolente, comme si tu étais morte.
Un mot alors, un sourire suffisent,
et je suis heureux, heureux que ce ne soit pas vrai.
Pablo NerudaRecueil : Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée
***
A mon coeur suffit ta poitrine
À mon coeur suffit ta poitrine,
mes ailes pour ta liberté.
De ma bouche atteindra au ciel
tout ce qui dormait sur ton âme.
En toi l’illusion quotidienne.
Tu viens, rosée sur les corolles.
Absente et creusant l’horizon
Tu t’enfuis, éternelle vague.
je l’ai dit: tu chantais au vent
comme les pins et les mâts des navires.
Tu es haute comme eux et comme eux taciturne.
Tu t’attristes soudain, comme fait un voyage.
Accueillante, pareille à un ancien chemin.
Des échos et des voix nostalgiques te peuplent.
À mon réveil parfois émigrent et s’en vont
des oiseaux qui s’étaient endormis dans ton âme.
tu émerges des choses pleine de mon âme.
On dirait que tes yeux se sont envolés,
Pablo Neruda / Recueil : Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée (source des poèmes : Ouest France)
ou bien en écoutant ses textes mis en musique :
Míkis Theodorákis met en musique le poème Canto General, notamment dans l'enregistrement de 1974 à la salle de la Mutualité.
Paco Ibáñez met en musique et chante quelques-uns de ses plus beaux poèmes en 1977.
Jean Ferrat chante en 1995 la Complainte de Pablo Neruda sur un poème écrit par Louis Aragon.
Le groupe chilien Quilapayún chante aussi en français cette Complainte de Pablo Neruda dans une autre version, sur une musique et avec une atmosphère totalement différentes (polyphonie, ambiance mystérieuse et dramatique et instruments des Andes), dans leur album Quilapayún Canta a Pablo Neruda, Vicente Huidobro, García Lorca y Grandes Poetas (compilation publiée en 2000 par Warner Music Chile S.A.).
Canta U Populu Corsu, groupe corse, reprend la chanson de Jean Ferrat en y adaptant les paroles en langue corse sous le titre Cantu à Pablo Neruda.
Víctor Jara a mis en musique et chanté dans son album (posthume) intitulé Manifiesto (au Mexique en 1975) ou ¡Presente! (en France, 1975), le poème d'amour Poema quince (extrait de Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée). Víctor Jara a chanté d'autres textes de Neruda comme par exemple les chansons consacrées à Joaquin Murieta extraites de la cantate Fulgor y Muerte de Joaquín Murieta de Neruda et Ortega, dont - Cueca de Joaquín Murieta (1970), et - Ya parte el galgo terrible dans l'album Pongo en tus manos abiertas (1969), ainsi que - Así como hoy matan negros de la même cantate, dans l'album Víctor Jara 2 (1967). Ou encore - Aquí me quedo.
Mercedes Sosa et bien d'autres l'ont aussi chanté.
Le groupe de rock No one is innocent mentionne Pablo Neruda dans le titre Chile sur l'album Utopia en 1997.
Vidéo de la chanson "La plainte de Pablo Néruda" chantée par Jean Ferrat, sur un texte écrit par Louis Aragon
publiée sur le site Youtube de Bruno Carlier
Ce poème est l'œuvre de Louis Aragon, il date de 1948 mais parle à tous les peuples épris de liberté : "nous parlons même langage, et le même chant nous lie, une cage est une cage, en France comme au Chili.. ." Le texte a été écrit lorsque Néruda fut obligé de quitter son pays. En effet, l'arrivée au pouvoir de Videla, voulue par Pablo Néruda qui fut un de ses plus fervents soutiens, se transforme vite en dictature. Le poète chilien prend alors la plume et dénonce ce coup de force. Il est poursuivi et contraint à la clandestinité puis à l'exil. Sans nouvelles de son ami, Aragon compose plusieurs œuvres pour dire son inquiétude. Elles seront par la suite regroupées dans un ouvrage appelé "Le Romancero de Pablo Neruda"...
LA CANCIÓN DESESPERADA (Pablo Neruda) chantée par Paco Ibanez vidéo publiée sur le youtube de Ciré
Paco Ibanez chante de nouveaux textes de Pablo Neruda, vidéo publiée sur le Youtube de Miguel Angel Alcedo Letran
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Pablo Neruda est l’homme d’un siècle, où « la poésie est une arme chargée de futur » , une poésie tournée vers le monde et qui a donné des noms comme Louis Aragon, Vladimir Maïakovski, Antonio Machado, Nazim Hikmet, Mahmoud Darwich, Kateb Yacine, Aimé Césaire, Yánnis Rítsos… poètes au cœur de l’événement et du monde, poètes dans le cœur du peuple et porteurs d’espoir.
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Pablo Neruda à voix nue, sur France Culture en 1970
En 1970, le célèbre poète chilien Pablo Neruda donnait une série d'entretiens sur France Culture. Rediffusés en 1995, ils ont donné lieu à une semaine d' "À voix nue" nous permettant d'entendre en français celui qui fut auréolé du prix Nobel de littérature en 1971.
En septembre 1970, le poète et diplomate Pablo Neruda était de retour à Paris et s'entretenait avec le producteur de France Culture Gilbert Maurice Duprez. Nommé ambassadeur du Chili en France par le tout nouveau gouvernement de l'Unité Populaire emmenée par Salvador Allende, Pablo Neruda pouvait savourer la récente victoire de son camp.
À cette époque, l'ensemble de son œuvre est traduite en français depuis ses premiers poèmes publiés dans les années 1920 jusqu'au Mémorial de l'Île Noire. C'est donc plus de quarante ans de poésie que l'on parcourt et autant d'années de lutte politique contre toute forme de fascisme et pour les droits des peuples opprimés.
"À voix nue" avec Pablo Neruda une sériediffusée du 18 au 22 décembre 1995 élaborée à partir d'entretiens enregistrés avec Gilbert Maurice Duprez et diffusés la première fois en septembre 1970 dans l'émission "Entretiens avec".
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