17 septembre 2025

Handala, icône de la résistance palestinienne, de la part d'Eric

C'est avec beaucoup d'émotion que je publie aujourd'hui l'enveloppe que m'a adressé Eric : elle contient à la fois toute l'horreur que vivent les Palestiniens au quotidien, mais aussi tout leur esprit de résistance avec ce petit personnage dessiné, Handala, inventé par le dessinateur de presse Naji Al-Ali.

à noter la petite fleur que Handala tient dans ses mains 

Ce dessin de gamin m'intriguait, je l'avais déjà repéré mais dont je ne connaissais absolument pas son origine ni toute l'histoire de son créateur. J'avais juste remarqué qu'un des bateaux de la Flottille en route pour briser le siège de  Gaza portait son nom, 

Je remercie vivement Eric de cet envoi et je relaie avec son accord l'article publié hier sur son blog, dont la lecture donne à penser vraiment sur ce qui se passe là-bas et depuis bien longtemps. 

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« Il a tout d’abord été un enfant de Palestine pour ensuite devenir un enfant arabe et un enfant de l’Humanité » (Citation reprise dans l’avant-propos de « Le Livre de Handala », Naji Al-Ali, 2011, p. 5.)

Handala - Naji Al-Ali

C’est l’histoire des Palestiniens et du conflit israélo-arabe. C’est l’histoire de Handala, jeune garçon de 10 ans aux mains serrés et aux cheveux hérissés qui tourne le dos aux spectateurs parce qu’il se sent trahi. C’est l’histoire d’une indignation face à une situation vécue comme une injustice, mais plus que tout c’est l’histoire d’un combat, celui d’un enfant qui refuse de grandir pour ne pas se résigner, qui refuse de baisser les bras devant l’adversité. Handala incarne les souffrances et les espérances de son créateur, le dessinateur Naji Al-Ali et, à travers lui, celui du peuple palestinien. Handala n’acceptera de se retourner que lorsque son peuple aura un Etat [1]. Depuis sa naissance dans les années 60, son combat n’a pas pris une ride.

Naji Al-Ali : sa vie, son combat

« La Palestine est une de mes principales indignations. Les dessins de Naji Al-Ali la justifient et la renforcent. Sans doute parce qu’ils portent l’histoire des réfugiés palestiniens, ceux dont le sort est le plus incertain, bien qu’ils soient la racine de cette douloureuse et injuste histoire. Mais Naji Al-Ali, c’est aussi une création, et donc une résistance vivante. La puissance de sa non-violence l’a tué. Mais son espérance n’en est que plus à venir. » [2] (Stéphane Hessel, ancien ambassadeur de France, auteur de Indignez-vous !)

Qui est Naji Al-Ali ?

Vers 1937, année de sa naissance, Al-Shajara est encore un village palestinien situé dans le district de Tibériade, en Galilée, entre Nazareth et Tibériade. En mai 1948, après plusieurs jours de combat, l’armée israélienne s’empare et détruit le village, dont seules quelques décombres subsistent aujourd’hui, comme en témoigne l’historien Palestinien Walid Khalidi en 1992 : « les ruines des maisons et des barres d’acier brisées dépassent des lits de végétation sauvage. Un côté d’une porte voûtée tient toujours » [3]. Al-Shajara est l’un des près de 500 villages à avoir été détruits pendant la « Nakba » (catastrophe), et le jeune Naji, alors âgé d’une dizaine d’années, se trouve parmi ceux qui fuient les combats, parmi les plus de 750 000 réfugiés palestiniens [4] qui ont abandonné plus de la moitié de leur terre aux Israéliens. Lui et sa famille trouvent refuge au camp d’Aïn Al-Helwa, près de Saïda dans le sud Liban. Cette expérience marque sa vie et son œuvre jusqu’à sa mort : « De ces regards dans les yeux de nos mères et pères qui ne parlaient pas de faits, mais exprimaient une tristesse qui était la langue dans laquelle nous découvrions le monde, un langage de la colère qui trouve parfois son débouché dans le discours, parfois dans les actes. La plupart des garçons et des filles de la génération des années cinquante, à laquelle j’appartiens, a ressenti un profond sentiment d’abattement » [5].

Parallèlement à ses études en mécanique et en génie électrique dans un institut professionnel de Tripoli et à son activité d’ouvrier saisonnier agricole, il ne tarde pas à s’exprimer sur ce qu’il considère comme une injustice : dessiner sur les murs et les sols du camp de réfugiés, improviser avec ses camarades des pièces de théâtre prenant pour sujet la Palestine et la vie des réfugiés, manifester avec les membres du Mouvement des nationalistes arabes (actes pour lesquels il se fera plusieurs fois arrêter), tous les moyens sont bons.

Après une brève expérience à Djeddah, en Arabie saoudite, où il travaille comme tourneur de 1957 à 1959, il rentre au Liban où il décide de reprendre des études artistiques à l’Académie libanaise d’art en 1960. Cette expérience sera de courte durée. Sa participation dans le journal politique manuscrit Al-Sarkha (le cri), avec certains membres du Mouvement nationaliste arabe dont il a rejoint les rangs, lui vaut un bref séjour en prison. A sa sortie, il part pour l’école Jaafarite de Tyr où il enseigne le dessin pendant deux ans. C’est à cette période que sa vie bascule. L’écrivain Ghassan Kanafani (assassiné en 1972), en visite au camp d’Aïn Al-Helwa, remarque ses dessins et décide d’en publier quelques-uns dans le numéro 88 de la revue Al-Hurriya (La Liberté), le 25 septembre 1961.

En 1963, il part pour le Koweït où il exerce librement son art dans la revue d’opposition Al-Tali’a (l’Avant-Garde), puis au journal Al-Siyassa (La Politique) à partir de 1968 où il prêche l’espoir et la révolution. C’est là qu’il imagine le personnage de Handala, représentant sans détours et sans fioritures les problèmes auxquels les Palestiniens sont confrontés, nous plongeant par là même, avec une honnêteté parfois brutale, au cœur du conflit israélo-arabe. Quelques années plus tard, il retourne au Liban comme écrivain et caricaturiste pour le journal Al-Safir (L’Ambassadeur) à la demande de son éditeur en chef Talal Salman. Il est alors témoin et acteur de la guerre civile libanaise en 1982, année pendant laquelle il est détenu par les forces armées israéliennes avec d’autres réfugiés d’Aïn Al-Helwa. Il décide ensuite de repartir au Koweït où il travaille pour Al-Qabas (1983-1985), avant de s’en faire expulser sous la pression de Yasser Arafat. Eternel exilé, il doit quitter le monde arabe, craignant pour sa vie et conscient qu’il lui serait impossible d’y dessiner librement. Il part se réfugier à Londres où il intègre l’édition internationale du journal Al-Qabas. Son but : ne jamais oublier, toujours se battre pour la cause palestinienne : « J’ai toujours été troublé par mon incapacité à protéger les gens. Comment mes dessins allaient les défendre ? J’avais l’habitude de souhaiter pouvoir ne serait-ce sauver la vie d’un seul enfant » [6].

Mercredi 22 juillet 1987, vers 17h13, à Eves Street, au cœur de Londres. Sur son chemin vers les locaux du journal, Naji est victime d’un assassinat par balle. Le caricaturiste politique palestinien meurt de ses blessures cinq semaines plus tard, le 20 août 1987. Les commanditaires de son assassinat n’ont jamais pu être identifiés. Détracteur sans vergogne des régimes arabes et de l’occupation israélienne, Naji a été autant aimé qu’il a pu être détesté. Ses ennemis étaient nombreux et puissants, autorité palestinienne comprise - l’O.L.P l’aurait même menacé de représailles s’il ne corrigeait pas son attitude -, tant sa dénonciation était radicale et acerbe.

Porte-parole de la cause palestinienne, décrit par The Guardian en 1984 comme « la plus proche chose qu’il y ait d’une opinion publique arabe » [7], Naji Al-Ali a reçu de nombreuses distinctions. De son vivant, il obtient le premier prix de l’Association des caricaturistes arabes en 1979, et le premier prix ex-aequo en 1980. Un an après sa disparition, l’Union Internationale des éditeurs de journaux (FIEJ) remet en son nom à sa femme Widad et son fils Khaled le prix du Crayon d’or de la liberté, faisant de lui le premier arabe et le premier caricaturiste à en être honoré. Ses milliers de dessins [8] témoignent des souffrances du peuple palestinien autant qu’ils dénoncent la trahison et la corruption des régimes arabes.

Naji Al-Ali n’est plus, mais son œuvre lui survit. Et Handala, jeune garçon de 10 ans dessiné par Naji Al-Ali, se charge de poursuivre son combat.
Handala, « le gavroche palestinien [9] »

Son effigie est partout, taguée sur le Mur séparant Israéliens et Palestiniens, sur les porte-clés, les tee-shirts et même les pendentifs, représenté tel que Naji l’a imaginé : « Handala est né à l’âge de 10 ans et depuis son exil les lois de la nature n’ont aucune emprise sur lui. Il ne recommencera à croître que lors de son retour sur sa terre natale. Il n’est pas un enfant bien portant, heureux, serein et couvé. Il va nu-pieds comme tous les enfants des camps de réfugiés. Ses cheveux sont ceux de l’hérisson qui utilise ses épines comme arme. Bien qu’il soit rude, il a l’odeur de l’ambre. Ses mains, toujours derrière son dos, sont le signe du rejet des solutions porteuses de l’idéologie américaine. »

Ce personnage-culte, « aussi célèbre au Moyen-Orient que le keffieh », selon une expression de la journaliste Constance Desloire [10], s’inspire directement de la vie du caricaturiste. C’est vers l’âge de 10 ans que Naji fuit la Palestine, lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948. C’est la date de naissance d’un combat et d’un espoir, celui des réfugiés palestiniens qui veulent croire à un retour possible sur leur terre natale pour les uns, sur la terre de leurs ancêtres pour les autres. Avec Handala, Naji dresse un rempart symbolique contre le renoncement, et revendique le droit des Palestiniens à toute la Palestine historique. Handala, qui signifie « l’amertume de la coloquinte » en arabe, représenté pour la première fois le 13 juillet 1969 dans le journal koweitien Al-Siyassa, incarne cette espérance. Le jeune garçon, né le 5 juin 1967, se présente alors en ces termes : « Le nom de mon père n’est pas important, celui de ma mère est Nakba [la « catastrophe », l’exil de 1948], et ils ont appelé ma petite sœur Naksa [extension de la zone d’occupation israélienne après la défaite arabe dans la guerre des Six-Jours de 1967]. […] J’ai rencontré l’artiste Naji par hasard […]. Il m’a expliqué comment, à chaque fois qu’il dessine une caricature sur un pays, son ambassade proteste et les autorités officielles avertissent et menacent.[…] Je lui ai dit que j’étais disposé à dessiner ses caricatures pour lui chaque jour, que je n’avais peur de personne à part Dieu, et que celui qui se met en colère et n’aime pas les caricatures pouvait aller paver la mer ».

Handala représente l’innocence et la détermination de la Palestine combattante, le flambeau de la résistance, une résistance non-violente, faisant écho aux souffrances des Palestiniens, faisant appel aux émotions de l’ensemble des spectateurs. Il ne dévoilera son visage que le jour où « la dignité arabe ne sera plus menacée, et qu’elle aura retrouvé sa liberté et son humanité ». Plutôt que de représenter des hommes politiques spécifiques, les dessins en noir et blanc de Naji, riches en références historiques, parfois accompagnés de quelques mots, illustrent des situations et des réalités où personne n’est épargné : il condamne l’aide américaine à Israël, critique les abus contre les droits de l’homme dans les pays arabes, la complaisance des Etats du Golfe à l’égard des Etats-Unis, les régimes arabes qui préfèrent blâmer Israël plutôt que de reconnaitre leurs échecs. Il évoque la destruction, la prison, l’exil, la résistance mais aussi la colère, l’espoir et le désespoir, la patiente et la ténacité. Handala représente un garde-fou pour les nouvelles générations, mais aussi pour les anciennes et pour lui-même, comme il le dit en 1984 : « ‘’Je suis Handala du camp d’Ain Al-Helwa. Je donne ma parole d’honneur que je resterai fidèle à la cause… ‘’. C’était la promesse que je m’étais faite à moi-même. Le personnage de Handala était une sorte d’icône qui protégeait mon âme de la chute à chaque fois que je me sentais léthargique ou que j’oubliais mon devoir. Cet enfant était comme un vent d’air frais sur mon visage, me préservant de l’erreur et de l’oubli. Il était la flèche de la boussole, pointant constamment vers la Palestine » [11]. Selon le dessinateur, la mission de Handala, en plus de dénoncer les complots ourdis contre le peuple arabe, d’insuffler l’énergie du combat pour la justice et l’auto-détermination, de reconnaitre le rôle des femmes dans la résistance et l’espoir dans le panarabisme issu de Nasser, est de garder vivante la mémoire palestinienne :

« Reste le témoin de cette période, Handala, enregistre tout.
Enregistre tout, Handala, n’oublie rien ;
Laisse l’Histoire témoigner de qui nous a vendus.
Qui nous a trahis, qui s’est enrichi sur notre dos.
Enregistre et n’oublie personne. » [12].
Les dessins sont simples et sans artifices, faciles à comprendre et souvent dénudés de paroles ; son langage est symbolique. Handala est souvent accompagné de trois autres personnages récurrents : Fatima (dessin de gauche), l’homme bon (Al-Zalama, au milieu) et l’homme mauvais (à droite). Fatima représente une forme de refuge, la mère et la terre de Palestine, l’épouse dévouée, la femme souffrante et la protectrice. Elle incarne également l’implication des femmes palestiniennes dans la résistance. Al-Zalama est un homme honnête et bon qui représente, comme Handala, l’homme arabe ordinaire : « je ne suis ni Palestinien, ni Jordanien, ni Koweitien, ni Libanais, ni Egyptien, aucun. En bref, je n’ai pas de carte d’identité et ne suis pas intéressé à prendre la nationalité d’un quelconque pays. Je suis juste une personne arabe » [13]. Sa maigreur symbolise l’oppression et la pauvreté des réfugiés. Son antagoniste, l’homme mauvais - laid, obèse, paresseux, sale, sans jambes car sans soutien populaire - personnifie la stupidité, la bassesse, l’oppression, les trahisons et les complots contre la résistance palestinienne.

Naji utilise aussi toute une symbolique de la résistance : Jésus et la Croix, emblèmes du combat et du sacrifice ; la clé de la maison, symbole de la Palestine originelle et du droit au retour des Palestiniens ; le drapeau palestinien ; les tentes et les camps de réfugiés, etc. Puis tout un vocabulaire visuel réparti en deux registres : les « bonnes valeurs » (fleurs et bougies représentant l’espoir, la paix et l’amour ; racines et arbres, la Terre de Palestine ; le stylo et la plume, la démocratie et la liberté d’expression ; le cœur, l’attachement à la Palestine et au Liban) ; les symboles de l’occupation et de l’oppression (soldats, armes, fils barbelés, etc.).

Longtemps méconnu à l’extérieur des pays du Proche-Orient, l’œuvre de Naji tend ces dernières années à franchir les frontières (ici principalement linguistiques) séparant le monde musulman du monde occidental. « A child in Palestine » (2009) et le « Livre de Handala » (2011) l’introduisent respectivement dans le monde anglophone pour le premier, dans la sphère francophone pour le second, participant d’autant plus à faire de Handala, « enfant arabe », un « enfant de l’humanité » comme le souhaitait son créateur.

« Handala est un témoin de son époque et il ne mourra jamais, il pénètre la vie avec une force qui ne le quitte jamais, une légende dont l’existence est un défi à l’éternité. Ce personnage que j’ai créé ne disparaîtra pas après moi. Je ne crois pas exagérer en disant que je serai immortalisé à travers lui ». (Naji Al-Ali)

Pour approfondir :
– Naji Al-Ali, A child in Palestine : the cartoons of Naji al-Ali, Verso, 2009 (introduction de Joe Sacco).
– Naji Al-Ali, Le Livre de Handala. Les dessins de résistance de Naji Al-Ali ou l’autre histoire de Palestine, Scribest Publications, Hœnheim, 2011 (préface de Plantu, postface d’Alain Gresh).
– Olivier Gérard, Te retourne pas, Handala !, Kyklos Editions, 2010.
http://www.handala.org/ (site hélas désactivé sur internet)

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Handala, petit bonhomme dessiné devenu le symbole de la résilience palestinienne
Créé en 1969 par le dessinateur de presse palestinien Naji Al-Ali, le personnage de Handala aura éternellement 10 ans. Reconnaissable entre mille, sa frêle silhouette orne aujourd’hui de nombreuses fresques et banderoles, comme un symbole des horreurs de la guerre et du destin de la Palestine.
Source : Courrier International

16 septembre 2025

Ce 16 septembre, Robert Redford ne s'est pas réveillé : sa belle âme va beaucoup nous manquer

C'est le choc aujourd'hui d'apprendre sa disparition : on sait que personne n'est éternel mais Robert Redford faisait partie de mes préférés parmi les grands artistes américains, acteur-réalisateur-producteur, pour ne parler que de la facette cinématographique de son activité, puisqu'il était également peintre.
Robert Redford en 2019 - Photo Corbis via Getty Images

Pour moi, ce n'est pas le côté "beau gosse" qui m'enthousiasmait en lui, mais plutôt ses engagements pour l'indépendance de la création, pour l'environnement, pour les libertés civiles et  pour les peuples autochtones. 

Dès qu'il a pu le faire, il a toujours préféré suivre sa propre voie, en tant que citoyen responsable et progressiste, ce qui ne l'empêchait pas d'être romantique et plein d'humour. 

Amoureux du cinéma indépendant, il a voulu sortir du carcan formaté du "système hollywoodien". Lorsque s'est présenté l'opportunité, il a encouragé en Utah un festival de cinéma américain débutant en 1978 sous le nom d'"Utah US Film Festival", dont il a repris et poursuivi l'activité en 1980 en le renommant  "Sundance".  Son but était d'y permettre toutes les sortes de cinéma, de soutenir les nouveaux talents pour des réalisations personnelles montrant plus de liberté, plus d'audace, en dehors des grands studios. Les Quentin Tarentino, Damien Chazelle, Chloé Zao ou Ryan Coogler y ont connu leur premier succès. 

Grâce au festival "Sundance", aujourd'hui, le cinéma indépendant américain rivalise sans rougir avec les blockbusters holluwodiens. 

Robert Redford dans « L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux”,
qu’il réalise en plus d’y tenir le rôle principal. Wildwood-Touchstone

"L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux", "Out of Afrika", "Et au milieu coule une rivière" composent le trio de tête des films avec lui que j'ai le plus regardés, mais il y en a beaucoup d'autres à citer comme "l'Arnaque", "Les hommes du président", "Jérémiah Johnson", "Gatsby le Magnifique", "Butch Cassidy et le kid",  etc...

Merci Robert pour l'ensemble de ton oeuvre mais surtout pour la personne passionnante et passionnée  que tu étais. 
Merci  pour tout ce que tu as fait pour le cinéma indépendant de ton pays. 
Merci de nous avoir comblé au cinéma comme acteur, comme réalisateur, comme producteur
Au pays de l'oncle Sam, merci surtout d'avoir eu le courage d'affirmer ton indépendance dans tes prises de position sur les sujets politiques qui nous concernent tous, pour peu qu'on se donne la peine d'y réfléchir. 
Tu vas beaucoup nous manquer.

Couvige de dentellières en Haute-Loire, pour Sylvie

Même si cela ne se passe pas dans sa belle région du Jura, voilà un art postal que je destine à mon amie Sylvie : je suis à peu près sûre qu'elle aimera l'association de la dentelle bleue (hélas mécanique mais ancienne) utilisée pour le fond, avec la reproduction d'un tableau, scène d'un couvige près du Puy-en-Vlays où toutes les femmes de la famille et quelques voisines s'installent à l'extérieur des maisons, préparent leurs carreaux pour y réaliser de la dentelle avec leurs fuseaux.

Je t'en souhaite une très bonne réception, Sylvie, en espérant que le fuseau ancien en buis que j'y ai adjoint ne sera pas une difficulté pour l'acheminement postal.

Composition rebrodée, d'après un tableau du Musée Crozatier au Puy en Velay

Le savoir-faire dentelier du Puy-en-Velay  : La dentelle du Puy est un savoir-faire ancestral mais qui reste dans l’ère du temps. Ce maniement, ce son si particuliers quand les fils s’entremêlent sur le carreau ont fait du Puy-en-Velay un centre important de fabrication de dentelles à la main. Répertoriée au patrimoine culturel immatériel français, la dentelle du Puy-en-Velay est, avec la dentelle de Calais et la dentelle d’Alençon, une merveille du savoir-faire couturier.

Il est des savoir-faire qu’il faut chérir, préserver, vanter ! La dentelle du Puy-en-Velay en est un, comme un souvenir dont on ne veut se détacher. Ces après-midi passés à faire couvige dans les villages où les dentellières sortaient alors leur carreau et s’installaient à la belle saison dans la rue. Au son des cliquetis des fuseaux, des bavardages, des chants…

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HISTOIRE DE LA DENTELLE AUX FUSEAUX

L'origine de la dentelle aux fuseaux remonte à la nuit des temps... Des fouilles ont mis au jour des dentelles fabriquées il y a 2 000 ans à Menphis et Antinoë, en Égypte... En Belgique, c'est une femme de pêcheur qui créa, dit-on, la première dentelle en passant des fils dans les mailles d'un filet. A Venise, une jeune fille essaya d'imiter un corail des mers du Sud appelé "dentelle des fées". A Bruges, la Vierge en aurait révélé le secret à une jeune fille et Sainte Brigitte, influencée par la dentelle italienne en aurait rapporté l'idée en Suède.

Mais ce sont les grands pèlerinages de Saint Jacques de Compostelle, favorisant un échange artistique et économique sans précédent, qui permettront aux artisans arabes, héritiers des dentelliers égyptiens de transmettre leur savoir. Ainsi, l'histoire de la dentelle aux fuseaux, en France, ne peut se dissocier de celle de la cité du Puy-en-Velay (elle-même ville-étape de l'illustre pèlerinage) et depuis fort longtemps : une fresque du 11e siècle reproduisant un rideau de dentelle atteste de l'ancienneté de la dentelle vellave.

Au 18e siècle, 20 000 dentellières en Normandie, 40 000 dans le Nord et le Valenciennois, plus de 100 000 dans la Région du Puy manient les fuseaux et consacrent cet art. La noblesse et le clergé, qui inspirent la mode, sont alors couverts de dentelles, dont le prix considérable les place au rang d'oeuvres d'art!

Avec la fin du 19e siècle et malgré de nombreuses expositions qui de par le monde consacrent l'art dentellier français, le déclin de la dentelle est irréversible. Concurrence de la dentelle mécanique, mode moins ornementale, scolarisation plus tardive des enfants et surtout désintérêt des dentellières qui préfèrent le travail plus rémunérateur de l'usine, puis les rigueurs de la guerre de 1914-1918 auront raison de cette activité artisanale ancestrale.
En Savoie, comme dans d'autres provinces de France, après l'apogée de la dentelle qui suscita l'ornement des coiffes traditionnelles, des "dessous" et du linge de maison au 19e siècle, le travail dentellier, pourtant répandu car source d'appoint financier durant l'hiver, sera oublié de la mémoire collective. La dentelle pratiquée à Tignes, immortalisée par des cartes postales, restera plus longtemps dans les mémoires.
Source :   site https://www.ecomusee-lacannecy.com/fr/nos-reportages/dentelle-fuseaux.html

Vannetaise en costume régional, pour Daniella

Pour mon amie Daniella, j'ai trouvé un costume traditionnel breton de sa région, avec cette belle vannetaise, dessinée et aquarellée par le grand Victor Lhuer, dont je vous ai déjà beaucoup parlé sur ce blog : l'image de cette femme bretonne est tirée d'un de ses livres "Les costumes bretons" qui me ravit à chaque fois que je le consulte.  

Pour une passionnée comme moi des traditions populaires, des dentelles, des broderies et des tissus, comment pourrait-il en être autrement? Son travail est extraordinaire pour toutes les recherches entreprises dans toute la Bretagne pour en observer la diversité des costumes régionaux. Il est également d'une très grande précision dans ses aquarelles avec moult détails sur les qualités d'étoffe utilisées, les plis, les dentelles et bien sûr le cas échéant les broderie.

d'après une illustration de Victor Lhuer - Les costumes Bretons
Pour rester en harmonie sur la région, j'ai choisi un timbre sur la magnifique broderie de Pascal Jaouen. Je sais que cette belle Vannetaise appliquée sur un morceau de traversin chiné chez Emmaüs dont les bords en dentelle mettent la scène en valeur, saura plaire à Daniella. 

Je lui en souhaite une très bonne réception.

Pina Bausch, raconter l’humain par la danse, pour Diane

Contrairement à ce que j'avais toujours cru avant d'avoir l'occasion d'en voir,  ce ne sont pas les artistes du ballet classique revêtus de tutus et collants qui me font vibrer mais plutôt la danse moderne, ou contemporaine si vous préférez. C'est une danse tout autant exigeante mais les codes en sont moins rigides.

J'ai eu notamment la chance de voir le ballet "Blanche-Neige" d'Angelin Prejlokaj il y a 10 ans, dans un théatre près de chez moi, sur une musique de Gustav Mahler et des costumes créés par Jean-Paul Gaultier : séquence émotion! Quelques années encore en arrière,  j'avais été subjugué une première fois par le travail de ce chorégraphe : si j'ai totalement oublié le nom de l'oeuvre vue à Evry,  j'ai encore la sensation de ce que l'exécution de ce ballet a pu provoquer sur moi, l'impact de la musique fusionnée avec les corps en mouvement, les déplacements fulgurants des artistes... j'ai été scotchée par une telle maîtrise, j'en suis ressortie  totalement chamboulée.

Aussi, même si je n'ai hélas jamais eu la chance d'assister à l'un ou l'autre de ses ballets au Théâtre de la Ville à Paris où elle s'est souvent produite avec sa troupe, vous pouvez comprendre pourquoi j'estimai  beaucoup Pina Bausch et le travail qui fut le sien. Sa disparition brutale en 2009 intervint comme un coup de tonnerre à l'époque (elle était encore sur scène 15 jours avant son décès) et il est devenu maintenant difficile à sa troupe de savoir comment assurer la pérennité de son oeuvre. 

Les images du ballet «Café Müller» aperçues au tout début du film 'Parle avec Elle" de Pedro Aldomovar ont été pour moi une révélation : bien que Pina y soit uniquement vêtue d'une simple combinaison longue, évoluant ainsi dans un dépouillement extrême et dans un décor extrêmement simpliste, l'émotion qu'elle dégage est infinie... 

Alors j'ai voulu faire un mail-art pour célébrer et parler de cette femme remarquable à mes yeux par la manière dont elle a révolutionné la danse, que je destine à Diane. Je lui en souhaite une très bonne réception ainsi qu'une belle fin d'été.

de haut en bas, de gauche à droite
"Palermo, Palermo" la Gazette © Olivier Look
"Le sacre du Printemps" photo publiée par Resmusica
Photo tirée du film "Pina" de Wim Wenders
"Café Muller" au théatre de Bordeaux
"Vollmond "photo publiée sur Toute la Culture
"Kontakthof" à Charleroi La libre Belgique ©Charleroi Danse
"Como el mosquito en la piedra"
"Le laveur de vitre" en italie
Pina Bausch en Allemagne en 2003. Abaca
Pina Bausch à Hambourg, en 1983. © Getty - VIRGINIA/ullstein bild
portrait de Pina Bausch © Maxppp - Fédérico Gambarini publié sur le site de Radio France

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Philippina dite Pina BAUSCH (27 juillet 1940 - 30 juin 2009)

Pina Bausch, raconter l’humain par la danse
Source France Culture : article de Nathalie Moller du 24 juillet 2020

Il y a 80 ans naissait Pina Bausch, l’une des plus importantes danseuses et chorégraphes du XXe siècle.

« A vous de trouver » répondait-elle lorsqu’on l’interrogeait sur le sens de ses spectacles. Disparue le 30 juin 2009, Pina Bausch a été l’une des plus importantes figures artistiques du XXe siècle, ambassadrice de la danse-théâtre dont les chorégraphies ont exploré les diverses émotions humaines, les relations amoureuses et sociales.

Lorsqu’on évoque le nom de Pina Bausch, on pense aussitôt à ces femmes qui se meuvent en robes longues sur scène, à ces hommes en costumes noir qui répètent inlassablement les mêmes gestes, à ces scènes de rires, de cris et de larmes, miroir grossissant de notre vie quotidienne. Derrière ces spectacles intenses : une chorégraphe discrète et mystérieuse, Pina Bausch, qui n’a jamais rien laissé paraître de ses opinions ou de sa vie privée.

« Avec son air aristocratique, tendre et cruel à la fois, mystérieux et familier » (Federico Fellini)
Pina Bausch en 1971, à Berlin. © Getty - ullstein bild « Alors commence la danse »
Il faut imaginer Pina Bausch observant ses danseurs pendant leurs répétitions. Elle fume constamment, a les cheveux bruns coiffés en queue de cheval basse, et porte toujours un même uniforme neutre, androgyne.

Calme, avec autant de tendresse que de pudeur, Pina Bausch crée une nouvelle forme de ballet, forme dans laquelle les danseurs parlent, crient, interpellent le public, dans laquelle les morphologies ne respectent aucune norme, si ce n’est la diversité.

« Certaines choses peuvent être dites avec des mots, d’autres avec des mouvements, dira-t-elle en 1999, alors qu’elle vient d’être nommée Docteure honoris causa de l’Université de Bologne. Mais il y a aussi des moments où les mots nous manquent, [...] Alors commence la danse. »
Philippina

Philippina Bausch naît le 27 juillet 1940 à Solingen, une ville de l’Ouest de l’Allemagne. Ses parents tiennent un café-restaurant et l’une des activités favorites de Philippina est d’observer les clients, d’écouter leurs conversations, cachée sous une table.

Après des études de danse en Allemagne auprès de Kurt Joos (figure de la danse expressionniste), Philippina Bausch obtient une bourse pour aller étudier à la Juilliard School de New-York. Là, au sein de l’effervescente mégapole américaine, elle découvre une diversité culturelle qui la stimule, l’inspire, et qu’elle aura ensuite à coeur de reproduire au sein-même de sa compagnie en recrutant des danseurs venus des quatre coins du monde.

Bienvenue à Wuppertal
Au début des années 1970, Pina Bausch est déjà une danseuse accomplie : elle s’est produite sur la scène du Metropolitan Opera de New York, a collaboré avec des grands chorégraphes internationaux tels que Paul Taylor, enseigne la danse moderne…

Mais en 1973, un important virage s’opère dans sa carrière. Pina Bausch est sollicitée par Arno Wüstenhöfer, le directeur du centre artistique de Wuppertal, ville moyenne de l’Ouest de l’Allemagne, près de Cologne. Wüstenhöfer lui donne carte blanche : elle peut diriger sa troupe de danse, recruter elle-même ses interprètes, et créer ses propres oeuvres.
Premiers pas vers la création

Entre 1974 et 1978, Pina Bausch monte deux à trois spectacles par an : certains inspirés de son travail avec Kurt Joos, d'autres créés de toute pièce, ou d’autres encore construits sur des oeuvres préexistantes. Avec Iphigénie en Tauride (1974) et Orphée et Eurydice (1975) de Gluck, elle donne ainsi naissance à un nouveau genre : l’opéra-dansé, dans lequel chant et mouvement se complètent, se répondent.

Mais le cap de la création n’a pas été franchi sans angoisse, sans crainte, et la stratégie de Pina Bausch sera de diriger sans direction : « J’ai simplement osé aller… là où je ne connaissais pas le résultat » explique-t-elle en 2006 face à la caméra de la journaliste Anne Linsel.
 
La méthode Pina
Au début d’une production, Pina Bausch pose des questions à ses danseurs, leur lance des défis : quelles sont les différentes manières de s’asseoir ? Comment danser l’amour ? La souffrance ? Puis elle les laisse improviser, les observe en silence, et choisit un ou plusieurs éléments pour sa chorégraphie.

Cristiana Morganti, danseuse, chorégraphe, et membre du TanzTheater Pina Bausch entre 1993 et 2014, raconte : « J’adorais cette phase, on était vraiment libres de faire tout ce que l’on voulait. Il y avait pleins de vêtements, d’objets à disposition… À certains moments, on était comme des enfants, on s’amusait, on rigolait comme des fous. »

« Mais il fallait en revanche développer une conscience totale de ce que l’on faisait, donner un sens à chacun de nos mouvements, poursuit Cristiana Morganti. Parfois on proposait quelque chose, et Pina nous demandait 5 mois plus tard de refaire exactement la même chose, avec les mêmes détails, la même robe, la même coiffure. »
Essuyer les critiques

Alors qu’une véritable famille est en train de se former côté coulisses, la réception des oeuvres de Pina Bausch, elle, s’avère plus contrastée. Dans les années 1970, à Wuppertal, peu de spectateurs apprécient d'assister à des scènes de silence, de violence, de douleur ou de transe collective. Beaucoup sont ainsi scandalisés par cette forme nouvelle qu’est la danse-théâtre (TanzTheater), laboratoire des émotions humaines.
Pina Bausch danse dans "Cafe Muller", au Festival d'Avignon de 1995. © Getty - David Lefranc
«Quand elle a commencé à faire du TanzTheater à Wuppertal, raconte Cristiana Morganti, le public était en colère. Elle devait parfois rester enfermée jusqu’à 3 heures du matin dans le théâtre, avec le directeur et le scénographe, parce que certains spectateurs furieux l’attendaient dehors ! Ils détestaient, ils avaient honte de ce qu’elle faisait. Et Pina en souffrait beaucoup. »

La reconnaissance
« Au début des années 1980, Pina a commencé à aller à l’étranger où elle a eu ce succès phénoménal, retrace Cristiana Morganti. Et là, à Wuppertal, ils ont commencé à se dire que peut-être ils avaient une artiste un peu spéciale ! Maintenant, elle est adorée à Wuppertal. »

C’est au-delà des frontières allemandes, et notamment à Paris, au Théâtre de la Ville, que Pina Bausch rencontre ses premiers succès critiques, reçoit ses premières éloges. Les spectacles se jouent à guichet fermé, les invitations se multiplient, et des oeuvres telles que Le Sacre du Printemps (1975), Café Müller (1978), Kontakthof (1978) ou Nelken (1982) font définitivement date dans l’histoire de la danse.

Entre deux extrêmes
« Quand on entrait dans la compagnie de Pina, se souvient Cristiana Morganti, on sentait assez vite que l’on faisait partie de quelque chose de spécial. Qu’on était en train de vivre quelque chose d’unique… Mais à un certain prix ! Pina travaillait avec des horaires impossibles, elle nous demandait d’aller au-delà de nos limites… Et elle était souvent imprévisible ! »

L’oeuvre de Pina Bausch repose sur la tension, l’oscillation permanente entre banalité et exceptionnel, entre tendresse et violence. Sur scène, la chorégraphe veut montrer des personnes ‘normales’, tout en révélant leur plus profonde intimité, leurs souffrances et combats intérieurs.

« Les choses les plus belles sont dans la plupart des cas entièrement cachées, disait Pina Bausch dans son discours donné à l’Université de Bologne, en 1999. C’est pourquoi j’aime travailler avec des danseurs qui ont une certaine timidité, de la pudeur, et qui ne s’exposent pas facilement. [...] La pudeur garantit que si quelqu’un montre quelque chose de très petit, cela est vraiment quelque chose de spécial et qu’on le perçoive comme tel. »

Perpétuelles interrogations
Pina Bausch répond aux questions par des questions, y compris au sujet de ses oeuvres. Ainsi lorsqu’on l’interroge sur le sens de Café Müller ou de Kontakthof, elle affirme ne pas à avoir de message à délivrer, encourage la subjectivité des spectateurs.

Au fur et à mesure des années, elle élargit cependant son spectre de questionnements, quitte la sphère des émotions intimes pour celle de la culture, de la société. Ses spectacles se font plus lumineux, et ses voyages l’encouragent à mettre en scène d’autres décors, d’autres traditions : la Sicile dans Palermo Palermo (1989), la Turquie dans Nefés (2003), le Japon dans Ten Shi (2004),la Chine dans Le Laveur de Vitres (2000) ...

«Elle a beaucoup changé, se souvient Cristiana Morganti. A la fin, elle nous disait que les gens souffraient déjà assez dans la vie, et qu’ils n’avaient pas besoin de souffrir, en plus en allant au théâtre!» Aussi lorsque Pina Bausch et sa compagnie s’installent au Théâtre de la Ville de Paris en 2007 pour y recréer Bandonéon, une pièce particulièrement étirée en longueur, la chorégraphe remet en cause le rythme du spectacle qu’elle avait créé 27 ans plus tôt.

« En 2007, elle sentait que le spectacle avait des faiblesses. Elle-même ne supportait plus certains timings extrêmement longs. Elle hésitait à changer certains éléments, elle avait ce conflit intérieur, mais Dominique Mercy [ndrl : danseur emblématique de la compagnie] l’a encouragé à garder le spectacle tel quel, fidèle à sa première version… »
 
Nouveaux horizons
Tout au long des années 1980 à 2000, Pina Bausch et sa quarantaine de danseurs multiplient les résidences artistiques à travers le monde : Budapest, Palerme, Hong-Kong, Istanbul, Tokyo, Madrid, Séoul, Calcutta… Et c’est une artiste soucieuse d’éviter les provocations qui se révèle à travers ces voyages : « Quand on a fait des coproductions en Asie, en Inde par exemple, elle était très attentive à la manière dont nous étions habillés pour ne pas manquer de respect à la culture, à la religion » fait remarquer Cristiana Morganti.

Car Pina Bausch n’a jamais été habitée par la volonté de déranger ou de mettre mal à l’aise. Elle cherche avant tout à mettre en scène le monde qui l’entoure : « Il ne s’agit pas d’un art, ni même d’un simple savoir-faire. Il s’agit de la vie, et donc de trouver un langage pour la vie », explique-t-elle, en 1999, à l’Université de Bologne.
Pina Bausch en 2007, à Berlin. © AFP - Barbara Sax
Dix ans après sa mort, sa compagnie TanzTheater Wuppertal lui subsiste, et continue à jouer ses oeuvres. « Par moment, je sais que ce n’est plus la même chose sans elle, sans sa direction, reconnaît Cristiana Morganti, qui ne danse plus avec la compagnie depuis 2014. Mais c’est vrai que la plupart des spectacles ont une telle force, leur construction est tellement géniale, que je me dis qu’il faut quand même continuer à faire ces spectacles. »
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Si vous avez envie d'en découvrir davantage sur cette femme et sur son art,  je vous propose l'écoute d'une série de quatre podcasts accessibles sur le site de Radio France / France Musique, "Au coeur du ballet" diffusés en mai 2025.

Pina Bausch, danser l'indicible 4/1 : La première vie 
Pina Bausch, danser l'indicible 4/2 : Directrice de la compagnie Tanztheater Wuppertal
Pina Bausch, danser l'indicible 4/3 : Le style Pina Bausch
Pina Bausch, danser l'indicible 4/4 ; l'héritage
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Je destine ce mail-art à Emmanuelle, bien que j'ignore si elle apprécie ou non cette artiste disparue bien trop tôt. Elle fait partie pour moi des femmes remarquables que je voulais mettre en valeur même si c'est loin d'être une inconnue. A sa manière si particulière, elle a révolutionné à la fois le théâtre et la danse moderne, au point que je crois qu'il est devenue très difficile à sa troupe de poursuivre son oeuvre maintenant que les danseurs faisant partie de la troupe initiale terminent leur carrière les uns après les autres. L'époque toute particulière à laquelle elle vécut, a sûrement fait d'elle un être particulier, d'une extrême sensibilité rendant sa danse si profondément percutante.

Chère Diane, j'espère que ce mail-art te parviendra sans dommages, et qu'il te trouvera en pleine forme pour passer de beaux mois d'été.

15 septembre 2025

L'inlassable combat de Gisèle Halimi pour la cause des femmes, pour Florence

Florence est une belle personne, facilitatrice des possibles, passionnée par la place que doivent légitimement occuper les femmes dans nos sociétés "modernes", pour leur complet épanouissement personnel et professionnel. 

Je n'ai donc aucun doute qu'elle sera ravie de voir l'hommage que je rends aujourd'hui encore à l'avocate Gisèle Halimi, cinq années après sa disparition, car jamais nous ne devons oublier toutes ses actions nombreuses pour l'émancipation des femmes, contre la peine de mort, contre le racisme et toutes les formes d'injustice. 


En haut : portrait de Gisèle au Procès de Bobigny en 1972
Photo: Coll. du Musée du Barreau de Paris © L’Express - L’Expansion / photo Julien Quideau
"merci Gisèle Halimi" photo de Mylenos Creative Commons
en bas,  portrait  de Gisèle © Maxppp - Thomas PADILLA
au dos de l'enveloppe : 3 livres essentiels de Gisèle Halimit
Gisèle Halimi fait partie des femmes remarquables de mon Panthéon personnel, à défaut d'être un jour panthéonisée pour de bon. A mes yeux elle le mérite tout autant que Simone Veil mais notre cher président fait traîner les choses. 

J'entends encore sa parole douce mais ferme dans les quelques débats télévisés où je l'ai entendue. J'ai glissé dans l'enveloppe pour Florence, les mots qu'elle a employé dans sa plaidoirie lors du procès de Bobigny en octobre 1972 : ses phrases sont tellement pétries d'un humanisme profond, on sent que ses arguments lui viennent du plus profond de son corps de femme.   
Documentaire de France TV - Gisèle Halimi, la cause des femmes – Documentaire complet
Jamais nous ne devons oublier quelle combattante elle fut toute sa vie au service des opprimés, et en premier lieu des femmes, car de sa détermination et de ses convictions nous avons tous eu le bénéfice, même si nous ne devons jamais baisser la garde, sur les libertés chèrement acquises... Il reste encore tellement à faire pour qu'un jour les femmes soient considérées à l'égal des hommes dans toutes les activités de la vie. 

J'espère que mon enveloppe mail-artée arrivera sans souci chez Florence, je lui en souhaite bonne réception. 

Gisèle Halimi, une femme avocate, militante et féministe qui ne se résignait pas

"L'avenir boîtera s'il n'est construit que de mains d'hommes et d'attente de femmes."
Gisèle Halimi, avocate, femme politique Une farouche liberté, 2020

L'émission  récente d'un timbre édité par la Poste Française à l'occasion des cinq ans de la disparition de Gisèle Halimi (portrait dessiné par le street-artiste C215), j'ai eu envie de revenir sur son parcours exceptionnel et sur son combat permanent pour la reconnaissance du droit des femmes à l'égalité de traitement avec les hommes et contre toutes les formes d'injustice. 

Pour moi, c'est une femme remarquable dont les mots étaient tellement intelligents, percutants et justes pour nous défendre, comme femme, en toutes circonstances. Elle nous manque tant, elle qui prônait un féminisme dans un monde qui, toujours gouverné par le patriarcat, nous oblige à toujours exercer une très grande vigilance sur nos droits élémentaires. Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé très récemment aux Etats Unis où certains états sont revenus sur le droit à l'avortement.

Maintenant que je me suis procuré le timbre, je vais prochainement créer quelques mail-art pour mes correspondantes, sensibles à ses combats ...

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Gisèle Halimi :  portrait d’une avocate qui ne se résignait pas

Photo: Coll. du Musée du Barreau de Paris © L’Express - L’Expansion / photo Julien Quideau
Gisèle Halimi était une avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie et décédée le 28 juillet 2020 à Paris

Avocate et militante
Après l’obtention de son baccalauréat au lycée Armand-Fallières de Tunis, Gisèle Halimi refuse un mariage arrangé et part suivre ses études en France l’année suivante.

Elle obtient une licence en droit et deux certificats de licence de philosophie au sein de l’actuelle université Panthéon-Sorbonne, elle étudie en même temps à l’Institut d’études politiques de Paris.

Ses combats en faveur de la décolonisation
En 1949, Gisèle Halimi entre au barreau de Tunis pour plaider de petites affaires puis elle prendra la défense des syndicalistes et des indépendantistes tunisiens durant le mouvement national tunisien.

A partir de 1956, elle s’engage pour la défense des militant.es du mouvement national algérien. Elle fait effondrer le système des aveux en dénonçant les tortures pratiquées par l’armée française. Elle devient alors l’une des avocats principale du Front de Libération National (FLN). Elle défendra d’ailleurs Djamila Boupacha. Avec Simone De Beauvoir, elles mobiliseront l’opinion publique notamment sur les tortures endurées par Djamila Boupacha. C’est une affaire de 8 années qui deviendra l’une des plus célèbres affaires défendue par Gisèle Halimi.

Durant la Guerre américaine au Vietnam, Gisèle Halimi est observatrice au tribunal de Russel au côté de Simone De Beauvoir et d’un des fondateur, Jean-Paul Sartre.

Sa lutte pour les droits des femmes
En 1971, Gisèle Halimi, signe avec Simone De Beauvoir le manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté illégalement. Elle lutte pour la dépénalisation de l’avortement et la libre contraception. C’est la naissance de « Choisir la cause des femmes ». Les signataires de l’appel n’étant pas toutes des femmes célèbres, Halimi prend en charge leur défense. C’est le cas lors du procès de Bobigny en 1972, impliquant une jeune femme qui a décidé d’avorter suite à un viol. Gisèle Halimi fera de ce procès une tribune pour défendre la dépénalisation de l’avortement. La loi Veil sera promulguée en 1975.Toujours durant le procès de Bobigny, Gisèle Halimi use une fois de plus de la stratégie médiatique afin de mettre sur la table la criminalisation du viol. Elle convoque à la barre des témoins reconnus : des hommes et des femmes de lettres, des femmes politiques de tous bords. Rapidement, le procès gagne la rue. L’enjeu du procès devient celui de la culture du viol, à l’opposé des rapports homme-femme fondés sur l’amour, le respect et l’égalité. Ce débat dépasse le cadre du tribunal, et le 23 décembre 1980, suite au vote de l’Assemblée nationale, le viol est désormais considéré comme un crime.

Ses engagements politiques
Dans les années 1970, elle lance son mouvement, Choisir, dans l’élaboration d’un « programme commun des femmes » et fait présenter cent femmes aux élections législatives de 1978, sans succès. Elue députée de l’Isère (liée au PS) en 1981, Gisèle Halimi poursuit son combat à l’Assemblée, pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Avant de prendre ses distances avec le Parti socialiste après son élection à l’Assemblée, elle y votera, avec un amendement établissant des quotas de femmes aux élections (parité). Cette mesure est rejetée par le Conseil constitutionnel car considérée comme une entrave à la liberté des élections et à la libre expression de la souveraineté nationale.En 1985, elle est nommée ambassadrice de France auprès de l’UNESCO, servant d’avril 1985 à septembre 1986. Elle a présidé le Comité de l’UNESCO sur les conventions et recommandations jusqu’en 1987. En 1989, elle devient conseillère spéciale de la délégation française à l’Assemblée générale des Nations unies puis rapporteure sur l’égalité femmes-hommes dans la vie politique.

Gisèle Halimi, avocate, militante féministe, femme politique et autrice appelait les femmes à ne pas se résigner : "Et je dis aux Femmes trois choses, votre indépendance économique est la clé de votre libération, ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations qui attentent à votre dignité, ne vous résignez jamais". 

Elle est décédée le 28 juillet 2020 à Paris. Un hommage national a eu lieu le jour de la journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars 2023. Plusieurs voix, notamment des associations féministes, militent pour que l’ancienne avocate entre au Panthéon. 
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Source : https://ivg-contraception-sexualites.org/gisele-halimi-portrait-dune-avocate-qui-ne-se-resignait-pas/
Gisèle Halimi avec l'actrice Delphine Seyrig lors du procès de Marie-Claire Chevalier le 11 octobre 1972 à Bobigny. 
Crédit : Michel CLEMENT / AFP
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Autre portrait détaillé de Gisèle Halimi, où l'on comprend
 tout son combat contre l’injustice
Source:https://anomia.fr/4330/gisele-halimi-biographie-engagement-feminisme-avocate-droit-avortement/
A l’heure où la neutralité est jugée préférable dans les métiers du droit, où il faut faire attention aux prises de positions, Gisèle Halimi choisit de porter sa voix, de l’assumer et de se battre pour ce qu’elle est. En effet, pour être avocat, il faut prêter serment.

Longtemps inscrit dans le marbre un devoir d’obéissance, aux lois et de fidélité à l’Etat, jusqu’en 1982, l’avocat s’engage à vivre conformément aux « bonnes mœurs » et à obéir aux pouvoirs institués. Un respect inconditionnel qui dès lors efface toute prise de liberté, toute prise de position, tout engagement.

Pour Gisèle Halimi, qui a prêté serment contre son gré, il y a des lois injustes, qui transmettent idéologiquement le « patriarcat », « la mainmise des possédants », etc. Ce qui s’oppose à l’idée qu’un avocat est censé être neutre ? Puisqu’obéit à un système « inégalitaire ». Il devient dès lors un porte-parole, un défenseur étatique. Fort heureusement, une fois députée à l’Assemblée Nationale, Gisèle Halimi modifie le serment d’avocat en 1982.

Aujourd’hui, nous avons choisi de faire le portrait d’une grande dame, figure emblématique de l’histoire des droits des femmes et plus largement, de l’histoire de la France.

Gisèle Halimi a fait de son métier un moyen de militer. Avocate, féministe, femme politique, son parcours retrace une soif d’égalité et de justice. Ses discours, ses écrits encore d’actualité, inspirent les femmes de tous les horizons. Elle est un modèle.

Un engagement dès le plus jeune âge, une fauteuse de trouble
Gisèle Halimi voit le jour dans la banlieue juive qu’est la Goulette, dans une Tunisie sous protectorat français. Issue d’une famille pauvre et juive et dominée par le patriarcat, elle subit sa condition de fille dès sa naissance. Pendant deux semaines, son père dissimule sa naissance. Considéré comme une catastrophe d’avoir une fille, il refuse d’admettre qu’il en a une, c’est une malédiction.

A 10 ans, elle sait qu’elle sera avocate. D’ailleurs, elle fait une grève de la faim, trois ans plus tard, pour ne plus servir ses frères. Ses parents capitulent.

A cet âge, elle a déjà choisi de défendre, de faire tomber l’injustice. Dès lors, elle déclare « je commençais en tant que victime ». Elle voulut mourir lorsqu’elle comprit qu’être femme symbolisait vivre avec un fardeau, un handicap. Toute cette rage d’injustice, cette soif de connaissance ne renforçaient que sa ténacité.

Dès ses 13 ans, l’éventualité du mariage fait surface. Elle refuse en voulant continuer sa scolarité. Elle veut travailler. Elle veut choisir son destin et ne le laisser entre les mains de personne d’autre.

Passionnée de littérature depuis le plus jeune âge, elle lit en cachette chez elle. Elle prend du plaisir à toucher les livres, à entrer en eux et à s’en imprégner. « Je lisais en cachette, j’avais une boulimie de lecture »

Dans cette soif de savoir, se cache la volonté de comprendre pourquoi son destin est tracé avant même qu’elle n’ait le temps de faire quoi que ce soit, pourquoi sa condition de femme lui est toujours rappelée.

A ces interrogations, sa mère lui répond toujours : « parce que tu es une fille », « mais pourquoi pour eux c’est différent ? » « Parce que ce sont des garçons ».

De quoi laisser la frustration traîner et faire planer l’incompréhension. Il y aurait quelque chose d’inné, dans les genres qui expliquerait le pourquoi du comment. « C’est Dieu qui fait bien les choses ». Eh bien Gisèle ne croit pas en Dieu.

Elle convainc ses parents de continuer ses études. Boursière, ils n’ont pas à sortir un sou, sinon, ils auraient refusé. Ils ne voient pas d’un bon œil le fait qu’elle veuille se cultiver, contrairement à son frère en qui ils basent tous leurs espoirs. En effet, c’est lui qui fera l’honneur de la famille.

« Quand tu seras mariée tu feras ce que tu veux » répétait sans cesse sa mère… Gisèle ne pouvait contrôler ce sentiment d’une profonde injustice qui bouillait en elle. Alors, elle luttait de force contre le destin et devenait une fauteuse de trouble… La connaissance lui apparut comme un pouvoir premier.

Alors qu’elle était destinée à se marier, ne pas étudier et vivre pauvre, elle réussit son baccalauréat et part à Paris à 16 ans poursuivre des études de lettres. Considérée comme anormale, elle fuit sa destinée de femme jusqu’à devenir Avocate en 1949.

Une avocate engagée
La trajectoire de Gisèle Halimi est marquée par la constance et la radicalité. Elle souhaite être en phase avec son exercice d’avocate. En effet, à travers la défense de ses clients, elle souhaite se défendre elle-même. Elle se voit en eux. « Si je ne suis pas d’accord avec les idées que mon client défend, je ne le défendrai pas »

Les premières affaires dans lesquelles elle s’est engagée la touchaient intrinsèquement. Franco-tunisienne, elle a vécu, elle a vu ce qu’était la colonisation. Dès le début, elle se sentait indignée par les lois, les règles qui étaient instaurées.

Une opposition à un système
Elle se met donc à travailler sur des affaires qui la touchent sur le plan personnel. C’est le cas des « évènements » de Tunisie et d’Algérie, des émeutes qui n’étaient pas encore appelées « guerre ». Il y avait un flou permanent qui compliquait l’exercice et permettait une accélération des procès politiques, des condamnations à mort pour montrer que le gouvernement contrôlait toujours la situation.

Ainsi, lorsqu’elle dû défendre les juridictions militaires d’Algérie de Tunisie, elle risquait sa vie. Elle plaidait des causes politiques dites « masculines ». Seuls les hommes avaient la parole pour défendre. D’ailleurs, pour représenter un homme, un peuple, il fallait être homme. On ne pouvait nécessairement pas être femme et parler de torture, de système colonial.

Souvent, Gisèle Halimi perdait un certain temps à être écoutée. Pris d’étonnement, les hommes, en la voyant parler du milieu de la guerre, de la révolution, de la torture, n’en croyaient pas leurs yeux. Plusieurs, fois, on lui dit qu’elle était « faite pour l’amour » et non pas le travail.

Elle continua de subir sa condition de femme : elle dû redoubler d’efforts et gagner en légitimité car personne ne la lui donnerait gratuitement.

Le procès de Djamila Boupacha est le dernier grand procès de la guerre d’Algérie et c’est Gisèle Halimi qui l’incarne.

Si elle avait déjà défendu des femmes et déjà été confrontée aux exactions de l’armée française lors de précédents procès coloniaux, elle n’avait jamais défendu une jeune Algérienne indépendantiste acceptant de parler publiquement du viol qu’elle avait subi par plusieurs parachutistes français. Ici, c’est donc bien cette configuration particulière où chaque engagement de l’une rencontre les combats et les expériences de l’autre (l’avocate et l’accusée, l’anticolonialiste et la combattante pour l’indépendance de son pays, et enfin « l’intellectuelle féministe » et la femme violée), qui donne lieu à la médiatisation de la seule affaire de viol de la guerre. Gisèle s’identifie en Djamila.

Elle consacre 8 ans à la cause de l’indépendance algérienne. A travers ces procès, c’était le procès de la France qui avait lieu. Comment une femme pouvait se retrouver dans une affaire dans laquelle il y avait autant d’impacts ?

Une défense contre la loi
Gisèle Halimi définit le féminisme comme «la lutte la plus globale, la plus totale, la plus révolutionnaire pour les femmes comme pour les hommes […]c’est une vue globale de toutes les oppressions, d’argent, de hiérarchie. La femme possède ce terrible privilège de toutes les oppressions : celle de sa classe et de son sexe »

Une lutte pour l’avortement.
« Je préfère être l’opprimée que l’oppresseur » . Elle a toujours été fière d’être une femme. Pour elle, les hommes avaient l’angoisse que les femmes soient les égales des hommes car le rapport de domination qu’ils instauraient serait dès lors démantelé.

La maternité n’est pas un destin ou une fatalité physiologique. La femme ne peut pas être enfermée dans ce carcan. Elle doit avoir le choix de se réaliser autrement, comme c’est le cas pour les hommes.

Gisèle Halimi a elle-même eu recours à des avortements clandestins.

Le procès de Bobigny
En octobre 1972, à Bobigny, Marie-Claire Chevalier est jugée pour avoir fait le choix d’avorter avec le soutien de sa mère à la suite d’un viol à 17 ans. Elle fait appel à Gisèle Halimi, déjà fervente féministe. Cette dernière accepte immédiatement.

S’en suivent les procès Bobigny : Après l’acharnement et la ténacité de Gisèle Halimi ; Marie-Claire est relaxée… Parce qu’on a considéré «qu’elle n’avait pas délibérément ni volontairement choisi d’accomplir l’acte qui lui était reproché ». Elle n’aurait pas résisté aux « contraintes morales, sociales et familiales ». Autrement dit, l’avortement n’était pas son choix puisque Mlle Chevalier était inconsciente et influençable. Il reste un crime…

La réelle lutte se jouera donc lors du procès de sa mère, accusée d’être complice du crime. L’affaire devient tout de suite politique et sociétale. L’avocate choisit de faire comparaître des grands témoins : professeurs de médecine, philosophes, hommes politiques : ils n’ont pas de lien direct avec l’affaire mais ils viennent dénoncer publiquement la loi qui réprime l’avortement.  [ lien sur le texte complet de sa plaidoierie lors de ce procès historique] 

Le 17 janvier 1975 c’est l’aboutissement d’un long combat : la loi Veil qui légalise l’IVG est promulguée. 

Reconversion, abandon ou démolition : quel avenir pour les anciens silos à grain ?, pour le Silo de Monts-sur-Guesnes

Enfin voici ma toute dernière contribution  pour ce sujet des silos à grains, fort intéressant à traiter au moment des Journées du Patrimoine, comme le propose l'Art en Boite au sein du Silo de Monts-sur-Guesnes.

Si nous venons de constater dans un post précédent que le silo à grains de cette petite commune rurale a eu la chance d'être réhabilité et de changer de destination pour rendre service aux habitants de la commune de Monts sur Guesnes mais c'est loin d'être le cas pour beaucoup d'entre eux, inutilisés car devenus obsolètes. 

La plupart de ces silos, construits à partir des années 1930 dans une France essentiellement agricole, sont désormais laissés à l'abandon et posent pas mal de problèmes aux petites communes qui ont de moins en moins de budget pour subsister : dans ces conditions, envisager une quelconque reconversion n'est pas possible et les conseils municipaux n'ont pas vraiment d'autres solutions que la démolition, pour éviter des désagréments de type squat ou urbex, sauf à courir le risque de mise en danger de la vie d'autrui, lorsque leur état est vraiment très dégradé. S'agissant souvent de hauts bâtiments, pas très beaux et laissés à l'abandon, les silos deviennent vite inopportuns dans le paysage aux yeux des citoyens et leur sort est ainsi scellé pour laisser la place à d'autres projets.

Mon mail-art retrace l'histoire des Silos à grains du Moulin du Batardeau à Auxerre dans l'Yonne. J'y ai ajouté tige et épi de blé pour évoquer la vocation première de ces batisses : le stockage des céréales. 

Mail-art en boite de présentation de fromage à la coupe, habillé des différentes étapes de la vie
du Silo du Moulin du Batardeau d'Auxerre, détaillé ensuite + feuille et épi de blé 

* Construction à partir de 1930 du premier silo 

Les travaux débutent au début des années 30 sur le site du Batardeau.
© Archives collection famille BELISSENT-JANNOT

*Exploitation (de 1931 à environ 2002) : ensuite, les normes de sécurité ont changé pour les batisses agro-industriels placés en ville et les difficultés se sont accumulées.

À proximité immédiate du centre-ville (Crédit : Ville d’Auxerre) https://www.caue-observatoire.fr
 Architecture du XXe dans l’Yonne
A proximité immédiate du centre-ville, face à l’Yonne, ce silo monumental est édifié sur le quai qui tire son nom d’un ancien moulin en activité jusqu’en 1912. Il constitue le premier équipement de stockage de l’établissement actuellement visible. Le site appelé Moulin du Batardeau comprend le moulin proprement dit, édifié en 1930 et occupé par l’administration, une ancienne maison à l’abandon et quatre silos. Construits successivement en 1931, 1960, 1967 et 1970, ces derniers ont fait passer la capacité de stockage de 4 840 m3 à 17 000 m3. La production céréalière des plateaux du sud-est de l’Auxerrois alimente cet établissement qui traite environ 30 000 tonnes de grains par an, principalement du blé. Face à l’intensité de cette activité, la destruction motivée par des considérations esthétiques ou par les risques d’explosion appelle une réflexion. Le possible transfert de l’entreprise, l’éventuelle démolition de ces tours de stockage questionnent sur le devenir du site. Des 4 silos, le plus ancien est le plus monumental. Il n’est pas le plus imposant (le dernier, construit dans les années 1970, s’élève à 39 mètres) mais son parti architectural, proche de celui de l’administration à laquelle il est relié, lui procure une force inégalée par les autres édifices : 4 rangées de 6 cylindres supportent le dernier étage qui, conçu comme un observatoire sur l’Yonne, se termine par un porte-à-faux semi-circulaire. Ouverte sur tout son périmètre, cette avancée ménage un panorama sur la rivière.

Extrait du Guide d’architecture en Bourgogne 1893-2007- Éditions Picard – 2008

* Réhabilitation temporaire
Les silos du Batardeau auront connu une embellie tout à fait temporaire avec une magnifique frise qui l'a orné pendant quasiment sept années - en attendant que soit tranché le sort définitif du site qui, en Centre-ville va devenir un quartier éco-responsable.
 
Avril 2018 - Fresque de l'artiste Florent Maussion inaugurée sur les silos du Batardeau à Auxerre, en bord de l'Yonne
 photo de L'Yonne Républicaine
L'Yonne Républicaine © Jérémie FULLERINGER
Les auxerrois ont pu profiter de cette jolie fresque d'avril 2018 à janvier 2025

* Démolition (en janviers 2025) 
à gauche, fin de journée du 13 janvier en fin de journée, une partie de la fresque a disparu. Photo drone Marc Charasson
à droite  : Les treize cellules sont déjà bien entamées © Image amateur publiée sur France 3 Régions

Je renouvelle mes voeux pour une chouette exposition d'art postal au sein du Silo et pour une fréquentation enjouée des habitants, car pratiquer l'art postal dans un lieu comme celui-là doit être un enchantement pour l'Equipe de l'Art en Boite.