Quelle merveille dans mon courrier du jour! Gisèle m'adresse aujourd'hui un mail-art instructif
et très documenté sur une réalisation textile ancestrale du Kirghizistan dont j'ignorai tout :
il s'agit de la fabrication traditionnelle d'un tapis de feutre, le shirdak ou chydrak,
servant pour garnir le sol ou pour tapisser la yourte familiale.
A gauche, une enveloppe est superbement composée avec les motifs de feutres de couleurs qui sont brodés sur les tapis. Sur la photo de droite, la carte montre une jeune femme occupée à broder, avec cette maxime soulignant toute l'attention et le soin apporté à son ouvrage : "on dit que l'âme des créatrices est dans chaque shirdak".
La coupure de presse jointe m'explique toute la symbolique de cet ouvrage pour la femme Kirghize : "Les histoires étaient contés avec le feutre, dans des motifs conçus pour apaiser les dieux, favoriser la chance ou assurer la protection lors de périlleux déplacements dans une nature inhospitalière. Fertilité, sécurité, liberté, paix, protection, amour : tout à son propre symbole découpé dans du feutre et assemblé sur un tapis brodé. Chaque motif comporte une double épaisseur de feutre : une couleur sombre et une couleur claire, ou, en d'autres termes, une positive et une négative. Pour les grands tapis les Kirghizes utilisent les deux cotés, et pour les créations plus petites ou les coussins, elles réalisent des images en miroir, signifiant que tout à deux faces, que rien n'est seul et que tout fait partie d'un grand ensemble.
La confection des shirdaks est régie par des règles implicites. Par exemple, vous ne pouvez travailler sur un tapis qu'en étant de bonne humeur. La colère, la déprime ou une attitude négative ne donneront pas de bons résultats. Seuls, les shirdaks conçus avec amour renferment un vrai pouvoir : l'âme de leur créatrice. Chaque fille se voit remettre un tapis par sa mère lorsqu'elle quitte le domicile familial. C'est un magnifique cadeau de mariage par lequel la mère transmet tout son amour et ses bons voeux. Cette coutume est encore très vivace dans les zones rurales du Kirghizistan."
Un grand merci à toi Gisèle, qui me fait le cadeau supplémentaire de deux beaux timbres 'tissu".
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Le Kirghizistan est un pays d'Asie centrale montagneux le long de la route de la soie, ancienne route commerciale entre la Chine et la Méditerranée. Les populations rurales y sont nomades ou semi-nomades et la yourte constitue leur habitat traditionnel. Les animaux que les Kirghizes élèvent sont essentiellement des moutons (pour la laine) et des chevaux, qu'ils utilisent pour leur déplacements.
Secret de fabrication du feutre kirghiz : le feutre est un élément de la tradition essentiel pour les familles kirghizes : il compose les habits, les sols et l’ensemble de la yourte. Isolant et résistant, il a permis aux peuples nomades de se protéger des dures saisons de la montagne pendant des années. Aujourd’hui, il reste important dans l’héritage kirghiz et inspire la mode contemporaine.
L’artisanat se perd peu à peu mais dans le village de Kochkor, dans le centre du Kirghizistan, le feutre fait vivre des centaines de femmes.qui ont repris l'association fondée par leurs grand-mères à l’époque soviétique. Aujourd’hui, l’association réunit plus de 300 femmes de la région autour du feutre et de tout ce qu’on peut en faire – yourtes, tapis, chapeaux, chaussons, gilets et souvenirs. Beaucoup de femmes âgées n’ont que peu de ressources, alors pendant la saison touristique elles essayent de mettre de l’argent de côté des ventes d’objets en feutre et de démonstrations pour pouvoir les aider pendant l’hiver.
Avant, toutes les femmes kirghizes savaient fabriquer un chydrak. Cela faisait partie de la dot léguée par les parents de la fiancée, une jeune fille ne pouvait pas se marier si elle n’apportait pas de chydrak. Le chydrak devait garantir le bonheur des jeunes mariés. Chaque couleur a une signification : le bleu représente le ciel, le rouge la longue vie et le vert l’herbe et la nature. Les motifs sont ceux hérités des tribus kirghizes : la yourte, la famille, le Marco Polo ou encore le Commencement.
Très physique, le travail avec le feutre est très long et exigeant : il fallait presque un an à une femme seule (et non-professionnelle) pour finir le chydrak de la dot. Souvent, les femmes kirghizes fabriquent les tapis en groupe, notamment ceux de la yourte qui sont simplement trop grands et lourds pour une seule personne.
Dans le détail, le feutre est fabriqué à partir de laine de mouton. Il faut d’abord l’alléger et la nettoyer en la découpant et la battant. On l’étale ensuite sur un tapis de paille, lui aussi difficile à fabriquer au Kirghizstan puisqu’il faut partir loin en montagne pour arracher ces longues tiges. Chaque couche de laine doit être déposée à l’inverse l’une sur l’autre. Il en faut deux minimum pour obtenir un tapis, et six pour une yourte.
Une fois la base prête, on la décore avec de la laine fine et colorée. Les Kirghiz n’utilisent que des colorants naturels, par exemple l’oignon donne une couleur orangée. On roule ensuite l’ensemble dans le tapis de paille, on verse dessus de l’eau bouillante et on l’aplatit en dansant dessus pendant plusieurs heures.
Avant de dérouler le tapis et de voir le résultat, il faut, par tradition, offrir une chanson en échange. On finit par laver le tapis au savon et l’essorer, puis le faire sécher plusieurs jours au soleil.
Le chydrak demande encore plus de temps à sa fabrication, puisqu’il faut coudre plusieurs couches de feutre ensemble.
1 commentaire:
Tout un chacun devrait s'inspirer de ces principes: "La confection des shirdaks est régie par des règles implicites. Par exemple, vous ne pouvez travailler sur un tapis qu'en étant de bonne humeur. La colère, la déprime ou une attitude négative ne donneront pas de bons résultats. "
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