3 septembre 2025

Hubertine Auclert, la suffragette française pionnière de la désobéissance civile, pour Cécile

Dans le cadre du zoom que je m'applique depuis quelque temps à focaliser sur "les femmes remarquables", en voici une, Hubertine Auclert, dont je suis à peu près certaine que vous n'en avez jamais entendu parler. 

Cette femme, très engagée, est une journaliste, écrivaine et militante féministe française qui s'est battue en faveur de l’éligibilité des femmes et de leur droit de vote,  mais son nom, comme celui de beaucoup d'autres, n'a pas été retenu pour la postérité. 

Voici quelques unes  de ses citations marquantes : quand on les lit, plus d'une centaine d'années après cela fait froid dans le dos de se dire que nous en sommes encore bien éloignées, aujourd'hui!

- Il faudrait que nous soyons des créatures folles et insensibles pour ne pas nous occuper de politique.Hubertine Auclert, journaliste, militante, 1848-1914
- Quand on aura révisé le dictionnaire et féminisé la langue, chacun de ses mots sera, pour l'égoïsme mâle, un expressif rappel à l'ordre.Hubertine Auclert, journaliste, militante, 1848-1914
- Il ne doit pas plus y avoir de maîtres dans la maison que de maître dans l'État. Hubertine Auclert, journaliste, militante, 1848-1914 Les femmes au gouvernail, posthume, 1925
Je destine ce mail-art à Cécile qui sera sensible au combat de cette femme à qui nous devons tant et je lui en souhaite une bonne réception.
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Hubertine Auclert : La suffragette française 
Source : https://www.centre-hubertine-auclert.fr/qui-est-hubertine-auclert


Hubertine Auclert

Les premiers mots sont empruntés à son biographe, Steven C. Hause. Hubertine Auclert, The French Suffragette (Yale, 1987) est le titre du livre qu’il lui a consacré. Dans le contexte politique de la Troisième République, ce qualificatif souligne d’emblée la singularité de cette femme. Tandis que ses contemporaines optent pour une stratégie des petits pas qui consiste à revendiquer d’abord l’égalité des droits civils, Hubertine Auclert milite en faveur des droits politiques des femmes.

Pour remettre en cause la hiérarchie entre les sexes, il faut que les femmes participent à la décision politique, qu’elles prennent part à l’élaboration et au vote des lois. Pourquoi les hommes changeraient-ils de leur propre initiative une situation qui leur est favorable ?

Si aujourd’hui, cette revendication apparaît bien légitime, à l’époque, elle signe l’originalité de son parcours militant. Hubertine Auclert est la suffragette française.

Une pionnière
Tel est le terme le plus souvent associé à son nom. S’il dit l’avant-gardisme et l’obstination du personnage, il tait la rigueur et la cohérence de son engagement. Hubertine Auclert est venue au féminisme par la lecture de Victor Hugo. Fervente républicaine, elle condamne un régime qui n’a pas su aller au bout de sa propre logique, un régime dans lequel le suffrage universel demeure un idéal à atteindre. Tout au long de sa vie, elle en pointera les paradoxes législatifs.

Lorsque de maigres progrès égalitaires voient le jour, elle s'engage pour de nouveaux droits ! C'est la première à souhaiter que les femmes puissent concourir pour les emplois publics. C'est aussi la première à mener campagne pour le contrat de mariage avec séparation des biens et partage des salaires.

En 1882, elle se ré-approprie le terme de "Féminisme", jusqu'ici méprisé par les détracteurs de la cause, pour lui donner une valeur positive et désigner la lutte pour améliorer la condition féminine. Pendant longtemps, on attribuera par erreur la création de ce terme au socialiste français Charles Fourier (le terme « socialism » était lui né dans les années 1830 en Angleterre). Le terme sera ensuite popularisé par la presse hexagonale en 1892 à l’occasion du « Congrès général des sociétés féministes » organisé à Paris.

Tout au long de sa vie, elle revendique la nécessité de féminiser la langue afin de dénoncer l’exclusion des femmes de la sphère publique. « L’omission du féminin dans le dictionnaire contribue, plus qu’on ne croit, à l’omission du féminin dans le code. (…) L’émancipation par le langage ne doit pas être dédaignée. N’est-ce pas à force de prononcer certains mots qu’on finit par en accepter le sens qui, tout d’abord, heurtait ? La féminisation de la langue est urgente, puisque, pour exprimer la qualité que quelques droits conquis donnent à la femme, il n’y a pas de mots. »

Citoyenne, législatrice, prud’femme, avocate…
Hubertine Auclert est sensible aux mots. Elle dénonce un usage dans lequel l’expression «Tout français» exclue les femmes quand il s’agit de voter, mais pas quand il s’agit de payer des impôts. C’est en jouant sur cette incohérence qu’elle demandera son inscription sur les listes électorales et refusera de payer ses impôts. En contrepartie, elle devient une ardente partisane de la féminisation des noms de métier et de fonction. L’usage systématique des termes masculins et féminins constitue, pour elle, un moyen efficace de promouvoir et de garantir l’égalité femmes-hommes dans toutes les sphères de la société.

Activiste
Pour faire comprendre ses idées et assurer leur diffusion auprès du plus grand nombre, Hubertine Auclert s'est efforcée de les traduire en formules, en images et en actes. De l'édition de timbres à la gloire des droits des femmes au boycott du recensement – « Si nous ne comptons pas, pourquoi nous compte-t-on? » - en passant par l'interruption intempestive de la lecture du Code lors d'un mariage civil, les récits de son combat sont toujours émaillés de ces actes symboliques qui ont marqué les esprits. À une époque où le débat public a principalement lieu dans la presse, elle a su faire parler d’elle. L’année de l’adoption de la loi sur la liberté de la presse (1881), elle se sert d’un prête-nom pour fonder un journal, La Citoyenne, qui paraîtra jusqu’en 1891.

(In)visible
Hubertine Auclert n’a jamais vu la concrétisation de sa principale revendication. Pourtant, grâce à ses nombreuses pétitions, les vendeuses et les ouvrières obtiennent le droit de s’asseoir dans les grands magasins et les ateliers ; puis, en 1907, les femmes deviennent électrices puis éligibles aux conseils des prud’hommes. Qui s’en souvient ?

En choisissant le nom d’Hubertine Auclert, le centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes contribue à cette vaste entreprise consistant à rendre visibles les femmes qui ont œuvré avec détermination et inventivité pour l’égalité des droits avant de tomber dans l’oubli.

*** Biographie de Hubertine Auclert ***


Née le 10 avril 1848 à Saint-Priest-en-Murat (Allier), 
morte le 8 avril 1914 à Paris (XIe arr.)
militante activiste et féministe.

Née dans une famille républicaine, orpheline de bonne heure, Hubertine Auclert (Marie, Anne, Hubérine Auclaire sur son acte de naissance) vint à Paris à vingt-deux ans et se lança dans l’action politique. En 1876, elle fonda la société Le Droit des Femmes. En 1878, au premier congrès international du Droit des Femmes, organisé par Léon Richer et Maria Deraismes, elle ne put prononcer, parce qu’on le jugea trop révolutionnaire, le discours qu’elle avait préparé.

En 1879, elle fut une des sept femmes déléguées au congrès ouvrier de Marseille. Elle habitait alors, 12, rue Cail, à Paris (Xe arr.). Elle représentait le Droit des Femmes et une association coopérative de vente et de production « Les Travailleurs de Belleville ». Elle rapporta au nom de la commission de la femme, le 22 octobre. « Esclave déléguée de neuf millions d’esclaves » et venue « faire entendre les réclamations de la moitié déshéritée du genre humain », elle déclara qu’« une République qui maintiendra les femmes dans une condition d’infériorité ne pourra pas faire les hommes égaux » (c. rendu, congrès de Marseille, p. 4). Le congrès se rangea à ses conclusions qui proclamaient sur tous les plans l’égalité des deux sexes. De telles proclamations rencontrèrent un large écho dans la presse et Hubertine Auclert eut son heure de célébrité. Si « Jean Prollo [la] félicite de tout son cœur » (Le Petit Parisien, 27 octobre 1879), à Marseille même, la conservatrice et catholique Gazette du Midi (25 octobre 1879) opposa à ces aspirations égalitaires « le rôle social et humain de la femme selon la loi et sous le regard de Dieu » et exhorta ses lectrices à être « de chères, d’aimantes et de fécondes mères pour l’humanité qui doit suivre ses voies, pour la patrie qui a besoin d’enfants et pour le ciel qui veut des élus. » Le Droit des Femmes fut encore représenté au « congrès ouvrier socialiste révolutionnaire de la région du Centre », c’est-à-dire de la région parisienne (18-25 juillet 1880) et au congrès national du Havre (14 novembre). C’était donc bien une organisation socialiste et elle devait son orientation comme sa vie même à sa créatrice.

Mais Hubertine Auclert ne se maintint pas longtemps sur ce terrain. Dès le congrès de Marseille, cette orientation future se profilait quand elle déclarait ne pas vouloir se laisser leurrer par des promesses d’égalité dans la société future. Elle finit par s’attacher à l’action purement féministe pour la conquête du droit de vote. À cet effet, elle lança, le 13 février 1881, le journal La Citoyenne qui fut l’organe du Droit des Femmes. Il n’y était pas question de socialisme. En 1880, déjà, elle avait appelé les femmes au refus de l’impôt puisqu’elles ne participaient pas à son établissement. En 1881, elle les invita à se soustraire au recensement puisqu’elles étaient bannies de la cité. La même année, elle organisa, en faveur des droits politiques de la femme, une pétition qui fut déposée, l’année suivante, sur le bureau de la Chambre des députés par Clovis Hugues (La Citoyenne, 2 juillet-6 août 1882). Pendant plusieurs années, Hubertine Auclert poussa les suffragettes à se faire inscrire sur les listes électorales.

Le droit de vote lui paraissait si essentiel pour la cause féministe qu’elle aurait accepté, si on l’avait proposé, un suffrage restreint (La Citoyenne, article « Malheur aux absents », no du 14 mai 1881). En 1883, le Droit des Femmes se mua en Suffrage des Femmes, marquant le terme et non le début d’une évolution. Il siégeait, 151, rue de la Roquette, XIe arr. au domicile d’Hubertine Auclert qui en fut la secrétaire générale. Ce groupement put compter des socialistes dans son sein, mais il avait cessé d’être une organisation socialiste et n’était plus représenté dans les congrès. Quand, aux élections législatives de 1885, la liste fédérative socialiste qui allait de Jules Guesde à Jules Joffrin, d’Édouard Vaillant à Leguerre, de Jean Allemane à Félix Pyat, s’adjoignit symboliquement cinq femmes, Hubertine Auclert n’y figurait pas, ce qui surprendrait si elle-même, son groupement, son journal avaient encore appartenu à une organisation socialiste. Par contre, on y trouvait Maria Deraismes, organisatrice du congrès de 1878, qui refusa sa tribune à Hubertine Auclert alors « révolutionnaire ».

En 1888, Hubertine Auclert épousa son secrétaire Antoine Levrier, et le suivit en Algérie, à Frendah où il venait d’être nommé juge de paix. Quand il y mourut, en 1892, elle regagna Paris et reprit ses campagnes féministes. Elle refusa toutefois de faire acte de candidature à la Chambre des députés en 1893. En 1898 puis en 1901, elle appela à féminiser la langue française. Le 29 octobre 1904, protestant contre le code Napoléon à l’occasion de son centenaire, elle participa à une manifestation féministe et tenta de mettre le feu à un exemplaire du code, mais en fut empêchée par la police. 
Le 3 mai 1908, à l’occasion d’élections municipales, Hubertine Auclert se rendit à la mairie du IVe arr. de Paris et renversa une urne ; jugée en correctionnelle un mois plus tard, elle fut condamnée à une amende de 16 francs avec sursis.
Réunion chez Hubertine Auclert (4e en partant de la gauche), candidate aux élections législatives de 1910 - Albert Harlingue/Roger Viollet
En avril 1910, elle fit partie des femmes qui se présentèrent aux élections législatives : elle fut candidate dans le XIe arr. de Paris. Parmi les autres candidates figuraient Renée Mortier, Gabrielle Chapuis, Marguerite Durand, Madeleine Pelletier, Caroline Kauffmann et Élisabeth Renaud.

***  Vignettes féministes ***

En 1901, la société « Le Suffrage des Femmes » présidée par Mme Hubertine Auclert, voulut donner la réplique au timbre-poste du type « Droit de l'Homme » de Mouchon, qui était alors en cours. Elle fit imprimer à cet effet des vignettes dentelées, représentant un homme habillé à l'antique, appuyé sur une sorte de plaque portant la mention « Droits de la Femme ». Cette vignette était tirée en bleu clair, bleu foncé et rouge.
La vignette “Droits de la femme”
Cinq ans plus tard, la même société mit en circulation des vignettes également dentelées représentant un homme et une femme déposant ensemble leur bulletin de vote dans une urne, avec au fond, un soleil portant la légende « Suffrage Universel », préfiguration symbolique de la réforme qui devait seulement se réaliser trente-neuf ans plus tard. Cette vignette existe en bleu, brun, rouge-brun et violet.

La vignette “Suffrage universel”, ici oblitérée sur fragment.

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