Pour élaborer cette première composition de réponse à mon tout nouveau correspondant Eric Bensidon, j'ai choisi de parler d'une femme remarquable à mon sens, bien que plutôt malconnue ; il s'agit de Rose Valland (1898-1980) cette héroïne de la Résistance de la Seconde Guerre mondiale, une héroïne improbable qui a infiltré les dirigeants nazis à Paris pour sauver les œuvres d'art les plus précieuses au monde.
Eric, j'espère que le sujet de ce premier mail-art consacré à cette femme résistante saura te plaire : je t'en souhaite une bonne réception.
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| Rose Valland dans la vingtaine. Collection familiale Camille Garapont |
Son nom est souvent mentionné lorsqu’un historien revient sur les spoliations d’œuvres d’art durant l’Occupation. En 1940, Rose Valland est bénévole au musée du Jeu de Paume, à Paris, qui va devenir la gare de triage des dizaines de milliers d’œuvres d’art volées en France par les nazis. Rose Valland s'efforça d'apparaître aussi discrète et essentielle que possible, conservant son poste au musée pendant des années tout en conservant un enregistrement méticuleux et secret de la provenance et de la destination de chaque œuvre.
Après la Libération, elle passera près de dix années en Allemagne pour récupérer 60.000 pièces qui seront restituées à leurs propriétaires légitimes. Durant plus de quatre ans, elle avait tout noté, le nom des œuvres, les institutions ou les familles juives auxquelles elles avaient été confisquées. Même le numéro des trains. Les renseignements recueillis permirent la récupération de centaines de milliers d'œuvres d'art pillées, cachées dans les mines de sel d'Autriche et dans des châteaux allemands durant les derniers jours de la guerre et après. Elle œuvrera ainsi aux côtés des «Monument Men» puis en solo. A partir de 1948, les recherches gouvernementales vont en effet mollir, puis s’arrêter. La «guerre froide» avec une URSS devenue elle-même spoliatrice, la partition de l’Allemagne en deux et la remontée économique de la partie restée à l’Ouest monopoliseront dès lors les attentions.
Rose ne va jamais abdiquer, mais elle deviendra vite dérangeante comme une mauvaise conscience. Les trois quarts de 60 000 œuvres récupérées (sur un total estimé à 100 000) avaient retrouvé leurs propriétaires. Le reste était confié à des musées quand il n’avait pas été… vendu. La France va en effet disperser des tableaux qui l’encombraient, ce qui rend aujourd’hui les restitutions si difficiles. Régnera désormais l’idée que la guerre formait un chapitre clos, et qu’il fallait impérativement passer à autre chose.
Le poste de Rose alland en Allemagne est supprimé en 1951. Son travail n’est pas achevé mais les dirigeants politiques, plus soucieux d’œuvrer à la reconstruction qu’à la restitution, la remercient. Rose Valland rentre en France où elle reprend sa vie maritale avec Joyce Heer, une traductrice de l’ambassade des États-Unis. Le 4 juin 1952, elle est nommée conservatrice des Musées nationaux. Bien qu’on lui demande officiellement de ne plus se mêler de restitutions, elle n’abandonne pas ses recherches.
C’est à partir des années 1990 seulement que les spoliations nazies reprendront de l’acuité, tant à cause des héritiers lésés que d’avocats américains zélés. Elles sont aujourd’hui devenues presque obsessionnelles.
En 1977 après le décès de sa compagne, Rose Valland, alors à la retraite, décide de déposer ses archives en lieu sûr, à la direction des Musées. Elle n’interrompt pas ses recherches pour autant. Victime d’un malaise le 18 septembre 1980, elle décède. Enterrée dans son village, elle n’a pour seule escorte que le maire et quelques villageois. Ainsi, dans la discrétion qui la caractérise, l’espionne la plus décorée de France, tire en silence sa révérence.
Chevalière de l'Ordre des Trois Etoiles (1939)
Médaille de la Résistance française (1946)
En 1948, le Président des États-Unis lui décerne la prestigieuse médaille de la Liberté.
Médaille de l'Ordre du Mérite de la République Fédérale d'Allemagne (1952)
Médaille de commandeure de l'Ordre des Arts et des Lettres (1960)
Médaille d'officière de la Légion d'honneur (1969)
Au-delà de cette mission qu'elle mena toute sa vie et pour laquelle on la connaît mieux désormais, son parcours de vie a été fascinant. Fille d’un simple maréchal-ferrant de l’Isère, elle est un exemple de la promotion sociale par l’excellence dans la IIIe République. Elle accumule les diplômes, est l’une des premières à se pencher sur les origines byzantines de la Renaissance, explore les ruines d’Aquilée en Vénétie. Extrêmement discrète, elle meurt à Paris en 1980, à l’âge de 82 ans.
https://www.bilan.ch/story/quand-rose-valland-surveillait-les-uvres-spoliees-281710484643
Plusieurs biographies lui ont maintenant été consacrées ainsi qu'une BD parue chez Dupuis en 2009 dont voici quelques pages.
Une exposition lui a été consacrée par le Département de l'Isère dans le cadre du 75e anniversaire de la Libération "Rose Valland - En quête de l'art spolié".
C'est bien que son nom sorte de l'ombre car il est essentiel pour la jeunesse d'aujourd'hui qu'elle comprenne la valeur d'un tel engagement et salue le courage de cette jeune femme qui n'a pas pourtant toujours eu la reconnaissance qu'elle méritait.
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Vidéo publiée sur la chaine Youtube de France Culture
Quand l'Allemagne nazie occupe Paris à partir de 1940, Rose Valland, conservatrice au musée du Jeu de Paume, n'hésite pas une seconde : elle sera résistance. Durant quatre ans, au péril de sa vie, elle espionne les hauts dignitaires venus piller les œuvres d'art des familles juives et des opposants au régime. Un travail acharné qu'elle poursuit après-guerre, participant à la restitution de dizaines de milliers d'œuvres à leurs propriétaires légitimes.
Pour en savoir davantage, je vous recommande l'écoute du podcast de France -Culture " Rose Valland, héroine de l'ombre".






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