25 mars 2021

Victor Lhuer, dessinateur, illustrateur et peintre

Ceux qui me suivent sur ce blog savent combien j'aime l'univers du textile, les broderies et les dentelles, ce qui m'amène forcément à apprécier particulièrement les tenues traditionnelles de tous les pays du monde, dont bien sûr aussi, évidemment, les costumes traditionnels des provinces de France.

Avec mauvaise conscience mais en citant toujours mes sources,  je me suis nourrie plusieurs fois d'articles ou de dessins trouvés sur le net, des costumes bretons, si riches et si variés. J'ai remarqué qu'un nom revenait souvent au bas des croquis, pas toujours facile à déchiffrer sur les images : celui de Victor Lhuer.

J'ai eu aussitôt envie d'en savoir davantage sur cet artiste, mais j'étais frustrée par ce que j'ai  pu picoré ici ou là. J'ai donc décidé de me procurer auprès des éditions Equinoxe la réédition du livre " Les costumes bretons".  Ainsi je vais pouvoir enfin rendre hommage à Victor Lhuer dont j'apprécie fortement les dessins et aquarelles et ainsi mieux vous le faire connaître.

A gauche, réédition par les Editions Equinoxe, édition d'avril 2002
à droite, édition originale de 1943 avec page de garde 

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Les Costumes Bretons de Victor Lhuer - Note de l'Editeur 

Victor Lhuer commença son travail sur les costumes bretons en 1937 pour l'achever en 1940. Plus de vingt voyages en Bretagne lui furent nécessaires pour réaliser ces 136 planches. 99 d'entre elles seront publiées en 1943, accompagnées d'une préface de Georges Toudouze et limitée à 1000 exemplaires de cette édition originale imprimée par Déchaux, sous la directive de Marcel Ollivier et réhaussée de pochoirs sous la direction de l'artiste par les Ateliers Renson & fils.

Le préfacier de cette édition admiratif de "l'excellent peintre Lhuer" précise " de ce formidable labeur, de cette quête patiente, tenace, de ces vérifications et de ces recoupements conduits avec une adresse d'exécution et une sûreté d'observation absolue, l'artiste a tiré une suite de planches comme, jusqu'à cette heure aucun technicien du costume régional n'était encore parvenu à construire l'ensemble. Nous avons des documents épars, des études intéressantes mais isolées, "des coins de tableaux": nous ne possédions pas encore le "panorama"; Ce panorama le voici."

Mme Suzanne Jean Lhuer a eu la gentillesse d'accepter de faire revivre la mémoire de son beau-père Victor Lhuer en nous proposant une biographie qui permet de situer ce travail dans l'oeuvre de l'artiste. Monsieur Bernard Lhuer et Mme Janie Ryckmans, ses petits enfants, ont rassemblé la documentation nécessaire à cette réédition. Qu'ils soient ici remerciés de leur déterminante contribution, sans oublier Monsieur Gérard Rossini.

C'est donc la découverte de cette "somme" admirable, élément incomparable du patrimoine breton que nous propose cette nouvelle édition 
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Voici la biographie de l'artiste signée de sa belle fille- Mme Suzanne Jean Lhuer, extraite du livre sur les costumes bretons.

Victor LHUER 
Bucarest 1876- Paris 1952

Victor Amable Lhuer est né de parents français le 9 septembre 1876 à Bucarest, en Roumanie. Côté maternel, il avait une ascendance parisienne composée d'artistes et d'éditeurs de musique, d'un décorateur de théâtre et d'un maître faïencier. Sa mère née en Moldavie était la fille d'un décorateur parisien et d'une Roumaine. Côté paternel, il avait une ascendance auvergnate, un arrière grand-père fabricant de toile de coton à Riom et un grand père coiffeur à Clermont-Ferrand.

A la naissance de Victor son père était opticien à Bucarest où il tenait un magasin. Victor a deux frères ainés qui revinrent en France pour suivre des études alors que lui resta à Bucarest avec ses parents, très proche de sa mère qui l'a toujours beaucoup gâté.

Au retour en France de sa famille en 1878, ils s'installent rue Saint Louis en L'isle à Paris.Victor suit studieusement les cours du Lycée Charlemagne mais trouvant les marges de ses livres trop vides il y crayoonne des fantaisies ornementales souvent étranges mais déjà très élégantes. Cette frénésie de dessiner l'amène en 1893 à entrer à l'École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. En 1897 il quitte l'Ecole pour la caserne de Fontainebleau dont il décore un réfectoire pour se distraire. Au bout d'un an il retourne à l'école pour monter en loge où il remporte le 1er prix d'honneur. Cette distinction le dispensant des deux autres années de service militaire, le voilà libre d'être artiste à part entière

A 23 ans, avec comme référence des livres scolaires qu'il a décorés, il se présente à une revue récemment créée Le mois litteraire et pittoresque . Au vu de ses dessins, il lui est confié immédiatement l'illustration de livres de poésie. Sa carrière d'illustrateur est lancée. Il travaille également pour La Bonne Presse où l'on retrouve sa signature sur de nombreuses couvertures de l'époque. Au salon officiel où il expose, on le trouve dans la catégorie Arts Décoratifs, sa véritable voie. Plus tard il enseigne à l'Ecole des Arts Appliqués. 

En 1906, il épouse une Bourbonnaise de Varennes-sur-Allier. Le couple s'installe dans l'Ile Saint Louis, quai de Béthune. C'est là que vers 1910 il créée des modèles pour le couturier Paul Poiret ainsi que pour les fourrures A la Reine d'Angleterre. et c'est à ces occasions  qu'il commença à se documenter sur les costumes. C'est la période mondaine de sa carrière qui se voit interrompue par la guerre entre 1914 et 1918. Au front, pour sa femme et ses enfants, il dessine des cartes postales humoristiques dont certaines sont férocement caricaturales.

Après la guerre il apprend le tissage à la main et créée ses premières pièces qui furent mises à la mode par Raymond Duncan. En 1922 son atelier compte trois métiers à tissus dans une boutique boulevard Raspail ; il y travaille de belles matières, lin et soie naturelle avec une grande recherche dans les dessins géométriques et une harmonie très raffinée des couleurs. Il tisse à la demande des robes élégantes, des écharpes, des chasubles et même des rideaux.  Plus tard, la crise de 1929 chasse les belles étrangères de Paris et la boutique,  désertée, est fermée.

Victor Lhuer reprend alors ses recherches documentaires sur les costumes régionaux, qu'il poursuit en Seine et Marne pendant la période d'occupation. Les dessins aquarellés, exécutés avec un grand souci d'authenticité, reproduisent non seulement les costumes mais aussi les meubles, outils et les accessoires dans les moindres détails. Les personnages paraissent véritablement vivants. Son épouse pose pour lui pendant de longues heures. Pour la recherche documentaire comme pour l'exécution, il travaille avec une persévérance et une ténacité auvergnates.

A ses enfants, il a enseigné le dessin avec un perfectionnisme très autoritaire qui aurait pu les rebuter. Il n'en fut rien, fort heureusement. Son fils Jean, décédé en 1991, a laissé de nombreux dessins encore peu connus. Sa fille Claude, décédée en 1999, fut professeur de dessin. 

Victor Lhuer a peu publié de son vivant. Il n'avait sans doute pas hérité du sens des affaires de son père, à moins que sa carrière n'ait été compromise par deux guerres et la dépression économique. Voilà aujourd'hui l'occasion de faire profiter de nombreux lecteurs de son talent avec ce livre des costumes bretons réédité d'après l'édition d'époque et enrichis de nombreuses planches originales inédites.
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LE VRAI CHIC - ENSEMBLE DE 4 POCHOIRS PAR VICTOR LHUER (1914)

Ensemble de quatre pochoirs de grand format sur des dessins de Victor Lhuer. Les vêtements représentés rappellent ceux créés à la même époque par Paul Poiret avec lequel Victor Lhuer travailla. Les planches sont sous-titrés le "vrai chic", peut-être en réponse à l'album "le Vrai et le Faux Chic" dans lequel l'illustrateur Sem se moquait des tendances de mode initiées par Poiret. Visible sur le site de la librairie  Diktats 
COSTUMES PARISIENS, PLANCHE 79-  Eau forte coloriée au pochoir.
Robe de crêpe de Chine. Sac et ceinture brodés de perles.

COSTUMES PARISIENS, PLANCHE 128 - Eau forte coloriée au pochoir.
Robe de charmeuse garnie de zibeline et d'hermine. Gilet d'hermine. Souliers clergyman.

COSTUMES PARISIENS, PLANCHE 153 - Eau forte coloriée au pochoir.
Tailleur de petit drap canari garni de boutons d'ambre clair.
Trois extraits du "Le journal des Dames et des Modes".-Publié entre 1912 et 1914
Visible sur le site de Collin Estampes

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Dans un même élan j'ai acheté deux autres livres toujours auprès des Editions Equinoxe, dédié au costume auvergnat et bourbonnais, pour l'un et à quelques costumes des Alpes, dans l'autre 


Quel bonheur pour moi de pouvoir plonger dans une telle documentation, avec autant de détails sur les costumes traditionnels : je suis ravie de pouvoir remettre ici à l'honneur ce merveilleux dessinateur et peintre qu'était Victor Lhuer!

1 commentaire:

Nadine N. a dit…

Bonjour,

c'est un livre très intéressant. Pour plus d'informations concernant les
costumes de Finlande : www.craftmuseum.fi/en

Amicalement

Nadine N.