Blog d'art-postal, essentiellement textile , créé pour satisfaire toutes mes envies de couture, broderie, embellissement, collages et autres fantaisies... en les appliquant aux univers riches et variés induits par les timbres postaux. Il peut m'arriver d'y noter mes coups de coeur pour des expositions ou des artistes, sources d'inspiration ou d'émotions.
BIENVENUE!
Yes, quand une enveloppe arrive du MIAP, il y a généralement lieu de se réjouir : qu'est ce qui va se passer à Rencurel en 2026 ?
Avec cette enveloppe où un collage savant compose un visage surréaliste, Christophe m'invite à créer et lui envoyer de l'art postal sur le thème des "gueules" pour en faire une exposition au MIAP aux beaux jours de l'année prochaine, entre le 1er mai et le 30 septembre 2026.
Merci Christophe pour cette belle idée, opportune : avec le recyclage perpetuel à l'Elysée des mêmes têtes hypocrites pour toujours davantage nous berner et nous plumer, je vois là une belle occasion de pouvoir nous lâcher un peu...
Ce n'est pas encore précisé, mais j'imagine que la date de fin d'envoi des créations est à situer vers le 15 avril, histoire de laisser un peu de temps à Christophe pour faire l'accrochage, avant exposition.
Oh oh oh, une enveloppe de la part d'Eric Bensidon, un tout nouveau correspondant pour moi, mais dont je reconnais le style unique, découvert depuis déjà un bon moment sur le blog d'Eric Babaud.
Le timbre sur Gisèle Halimi est particulièrement opportun sur cette enveloppe dédiée à Franz Fanon, anti-raciste, anti-colonialiste, soutien important dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie décédé à seulement 36 ans.
Frantz Fanon, né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France (Martinique) et mort le 6 décembre 1961 à Bethesda dans un hôpital militaire de la banlieue de Washington aux États-Unis, est un psychiatre et essayiste de nationalité française se considérant comme citoyen algérien, fortement impliqué dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et dans un combat international dressant une solidarité entre « frères » opprimés.
Il est l'un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste, et une figure majeure de l'anticolonialisme. Il a inspiré les études postcoloniales. Il cherche à analyser les conséquences psychologiques de la colonisation à la fois sur le colon et sur le colonisé. Dans ses livres les plus connus comme Les Damnés de la Terre, il analyse le processus de décolonisation sous les angles sociologique, philosophique et psychiatrique.
A l'intérieur j'ai trouvé une carte très haute en couleurs dans le style "Fluxus" cher aux adhérents de l'IUOMA, pour évoquer la mémoire du crime raciste perpetré à l'encontre d'Aboubakar Cissé, un jeune malien de 22 ans poignardé à mort dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard) le 25 avril dernier.
Merci à Eric Bensidon d'avoir attiré mon attention sur ces deux personnes, chacune importante dans ce qu'elles ont représenté dans leur bref passage sur terre : c'en est assez de la haine, du racisme et de la xénophobie : soyons respectueux les uns avec les autres, toutes les cultures, toutes les couleurs de peau et toutes les croyances ont le droit de coexister, en toute égalité. L'humanité n'est qu'une!
Je réponds ici à l'appel à mail-art lancé par une association de Burbure dans le Pas de Calais, dans le but de rendre hommage à Noémie Suchet-Delobelle, une femme résistante qui a donné sa vie pour notre liberté - et à laquelle, on vient seulement d'attribuer le médaille de la Résistance Française, 80 ans après sa mort .
Aujourd'hui où tout est esbrouffe, où il n'y a que le buzz qui vaille pour "exister", il est sûrement difficile pour certains d'imaginer que des personnes, souvent modestes, se soient engagées, sans condition et à bas bruit, pour que notre pays redevienne autonome et se libère du joug des nazis pendant la seconde guerre mondiale! Et parmi ces résistants, de très nombreuses femmes furent des maillons indispensables dans les réseaux, actives dans le renseignement et même le sabotage, mais leurs actions et leurs sacrifices restent encore méconnues ou minimisées plus de 80 ans après la fin de la guerre.
L'histoire de Noémie Delobelle épouse Suchet, décorée à titre posthume de la médaille de la Résistance française
La commission nationale de la médaille de la Résistance française (CNMRF) présidée par le délégué national de l’Ordre de la Libération est parfois confrontée à des injustices en terme de reconnaissance officielle et mémorielle.
Depuis quelques années, l’attention du délégué national a été attirée sur le cas d’une jeune résistante du Pas-de-Calais, Noémie Delobelle épouse Suchet. Agent des FTP à Burbure (Pas-de-Calais), arrêtée par la Gestapo le 5 août 1942, emprisonnée successivement à la prison de Béthune, à la citadelle d’Arras puis à la prison de Loos-les-Lille, Noémie Suchet arrive au camp de concentration de Ravensbrück le 26 novembre 1943. De là, elle est transférée le 14 avril 1944 à Holleischen, un kommando du camp de Flossenbürg où les déportées travaillent à la fabrication d’obus de défense anti-aérienne.
Avec deux autres détenues, Hélène Lignier et Simone Michel-Lévy, Noémie Suchet poursuit ses actions de résistance au sein-même du kommando. Par leurs sabotages récurrents, elles réussissent à faire sauter la machine qui pressait la poudre dans les douilles, privant ainsi l’armée allemande de quelques milliers d’obus. Un rapport sur ce sabotage fut transmis à Berlin qui ordonna que les trois femmes subissent chacune 25 coups de bâton. Puis, le 11 avril 1945, les trois déportées furent transférées sur ordre de Berlin à Flossenbürg où elles furent pendues le 13 avril 1945, dix jours avant la libération du camp.
Simone Michel-Lévy fut décorée à titre posthume de la croix de la Libération (décret du 26 septembre 1945) et de la médaille de la Résistance française (décret du 31 mars 1947). Hélène Lignier, quant à elle, reçue aussi à titre posthume la médaille de la Résistance française par décret du 28 juillet 1955. Noémie Suchet ne reçut aucune de ces deux prestigieuses distinctions. Le 22 décembre 1947, la croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil lui est décernée à titre posthume. La mention « Mort pour la France » lui est attribuée le 19 mai 1950.
Sur une proposition de Vladimir Trouplin, directeur scientifique de l’Ordre de la Libération, le cas de Noémie Suchet est évoqué lors de la session du 22 septembre 2023 de la CNMRF. Il ressortait des éléments en notre possession que la non attribution par automaticité de la médaille de la Résistance était liée au fait que Noémie Suchet était titulaire du titre de déporté politique (obtenu le 16 juillet 1957) et non de déporté résistant comme l’exigent les textes législatifs en vigueur. Face à cette injustice, les membres de la commission ont accepté à l’unanimité que ce dossier soit soumis au président de la République. C’est ainsi que le secrétaire de la CNMRF, Fabrice Bourrée, a pris ce dossier en main et, grâce à l’aide de plusieurs chercheurs (Pierre-Emmanuel Dufayel, Jacques Pequeriau, Anne Savigneux) et diverses institutions (Arolsen Archives, SHD, fondation pour la mémoire de la Déportation, musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon…) a pu considérablement enrichir ce dossier. Grâce à l’appui de l’ONaCVG, partenaire essentiel de l’Ordre de la Libération, le titre de combattant volontaire de la Résistance a été accordé à titre posthume à Noémie Suchet en date du 3 avril 2024. Avec l’obtention de ce titre, Noémie Suchet devenait éligible à une proposition d’attribution de la médaille de la Résistance française. Avec l’accord de son fils Pierre, et de sa petite-fille Nathalie Wylleman-Suchet, le dossier a été communiqué pour instruction au ministère des Armées puis soumis à la CNMRF dans sa séance du 26 juin 2024. Un avis favorable a été émis à l’unanimité des membres de la commission. Suivant l’avis de la commission, le président de la République a décerné à titre posthume à Noémie Suchet la médaille de la Résistance par décret en date du 30 septembre 2024 (Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses du 9 décembre 2024).
Par cette attribution, Noémie Suchet a enfin et justement rejoint ses deux camarades de déportation, Simone Michel-Lévy et Hélène Lignier, au sein de la glorieuse cohorte des médaillés de la Résistance française.
Comme cela me fait plaisir de recevoir de l'art postal de mon amie Daniella! J'adore, comment avec un simple bout de carton ondulé déchiré, elle va à l'essentiel.
J'interprète cet envoi comme celui d'un quidam qui, voyant le chaos dans lequel on s'enfonce, en est tout retourné (la tête à l'envers du timbre de Paoli) : ses cheveux hirsutes, ses grands yeux écarquillés, comme figés sur une situation ubuesque, n'inspirent absolument pas l'envie de rire, et ce n'est pas parce qu'il est affublé d'un nez de clown qu'il est en mesure de nous dérider.
Non, je trouve qu'il est tout-à-fait dans le ton de la sinistrose qui nous accable en ce moment, à voir s'agiter -pour prendre le pouvoir- tous ces pantins, ces marionnettes ou ces clowns qui nous "gouvernent" .
Un grand merci à toi Daniella, et encore de belles journées d'automne à savourer dans ton joli coin de Bretagne.
Adolescente, lors d'un voyage linguistique en Allemagne, je suis allée en 1970 visiter le camp de Dachau, tout près de Munich, en compagnie de jeunes allemands : j'avais 15 ans, jamais je n'oublierai ce que j'y ai vu. Quelques temps après, j'ai écouté le récit et l'émotion de mes parents qui sont allés à Ouradour sur Glane et j'ai lu la documentation qu'ils en avaient ramené avec le témoignage des rares rescapés. Adulte, j'ai beaucoup lu sur les personnes opposées à la France de Vichy, celle de Pétain et de ses collaborateurs avec l'ennemi nazi...
Aussi, vous comprendrez aisément que je ne peux pas me laisser griser par les chants de sirène de l'extrême-droite relayée avec tant de complaisance par les media mainstream, dont l'unique préoccupation est de nous monter les uns contre les autres, en désignant toujours les mêmes boucs émissaires, avec un racisme a peine voilé dès lors qu'ils parlent des arabes, des maghrébins, des musulmans, des racisés, quand bien même ils sont français... .
Devant ce regain de haine et ce racisme larvé, et aussi pour utiliser à bon escient le timbre postal commémorant le 80e anniversaire de la libération des camps de concentration, j'ai voulu marquer le coup en m'adressant un mail-art, ce qui me permet de rédiger un post sur le sujet, comme une piqure de rappel. C'est aussi pour me projeter vers l'avenir car le devoir de mémoire et les célébrations relatives aux faits du passé, si elles sont utiles, ne doivent en aucun cas occulter les tristes réalités d'aujourd'hui.
*** LA DEPORTATION ET LES CAMPS de CONCENTRATION ***
Les meurtres de masse commis par l’Allemagne nazie ont été d’une ampleur sans précédent. Les nazis, leurs alliés et collaborateurs ont exterminé six millions de Juifs, un génocide systématique et cautionné par l’État que l’on nomme Shoah ou Holocauste. Ils ont également commis d’autres atrocités de masse, persécutant et assassinant des millions de personnes non juives tout au long de la Seconde Guerre mondiale.
Le 27 janvier dernier, nous commémorions la libération des camps de concentration, les horreurs perpétrées en ces lieux n'ont été connues qu'au moment de leur libération.
Fond blanc en tissu avec photos du Mémorial de la Shoah de Paris en filigrane
(g-d)Transport des victimes de l'Holocauste vers un camp de concentration en Pologne, 1943
Le camp d'Auschwitz-Birkenau, situé dans le sud-est de la Pologne alors occupée par les nazis, a fonctionné entre juin 1940 et janvier 1945. Quelque 1,1 million de personnes, dont une immense majorité de juifs, y ont péri, exterminées dans des chambres à gaz ou mortes de famine et d'épuisement. KEYSTONE/AP/Markus Schreiber
Chaussures confisquées à des prisonniers dans un camp de concentration à Auschwitz, en Pologne.Unsplash/William Warby
Prisonniers d'Auschwitz libérés par les soldats de l'Armée rouge en 1945, auteur inconnu
(Source : Musée national d'Auschwitz-Birkenau, www.auschwitz.org)
En 2025, 80 ans après, que reste-il de cette extermination systématique, de cette tuerie de masse dans la mémoire collective ? Combien de jeunes collégiens ou lycéens connaissent exactement l'histoire de la déportation dans les camps de la mort des nazis? J'aimerai beaucoup le savoir, alors que les derniers rescapés ont mis toutes leurs dernières forces à vouloir transmettre leur histoire
Les derniers témoins des camps de la mort, jusqu'au bout contre l'oubli (liste non exhaustive (g-d) Montage photos du 10 janvier 2025 montrant les survivants des camps de concentration et d'extermination: Lea Zajac de Novera, Pedro Buchwald, Sheyna Shneyder, Gheorghe Legmann, Gabriel Benichou, Lola Mandelkier Sztrum, Octavian Fulop, Francine Christophe, Julia Wallach, Eva Shainblum, Idessa Hangas et Gyorgyi Nemes STF / AFP/publication du journal La Croix
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PLUS JAMAIS CELA ???
Aujourd'hui, devant la tournure que prend le monde qui "marche sur la tête", devant le chaos politique où se trouve notre France, je reste interloquée :
- avec la mémoire vivante de cette tragique période qui s'efface inexorablement car les rares survivants de ces atrocités sont centenaires ou presque, et tant de courants négationnistes qui voudraient nier l'existence des chambres à gaz ("ces détails de l'histoire") où s'est tragiquement terminé la vie de nombreux déportés
- avec le génocide programmé des Gazaouis qui se passe sous nos yeux depuis des mois avec la complicité honteuse des gouvernements européens, la France en tête puisqu'elle continue de livrer des armes à Israël sous le manteau, et qu'elle envoie ses forces de polices contre les manifestants demandant la levée du blocus de Gaza ou pour la liberté de la Palestine,
- avec les descendants juifs des victimes de la Shoah qui sont en train de laisser se perpétrer le plus terrible crime contre l'humanité à Gaza, grâce au sinistre gouvernement de Netanyaou, oubliant ce que leur peuple a subi il y a 80 ans (comment imaginer un génocide organisé par des descendants de génocidés) ,
- avec la montée de l'extrême-droite partout en Europe et bien sûr aussi en France où des milices pro-fascistes peuvent défiler impunément en plein Paris, approuvées par nos forces de polices qui restent passives, alors qu'elle n'ont jamais été aussi violentes contre le peuple français dans toutes ses manifestations pacifistes ou revendicatrices sur le plan social de ces dernières années,
- avec la multiplication des actes racistes et de barbarie contre les personnes LGBTQ+ et les personnes racisées, avec les actions policières disproportionnées contre les gamins de banlieue pour délit de faciès, le masculinisme qui monte comme un poison nauséabond partout sur les réseaux sociaux, sous couvert d'anonymat,
- avec l'avenir très incertain du destin de la France et des Français dans les jours et les mois qui viennent, le parti du Rassemblement National (parti d'extrême-droite créé avec les nazis sous le nom de Front National) n'attendant qu'une faiblesse de notre part, un aveuglement plus grand encore pour nous faire basculer dans un néant économique et social encore plus funeste que celui que nous vivons avec Macron...
et j'ai envie de crier, de hurler même :"Réveillons-nous!" et "Résistons"!
N'oublions pas les combats de nos grands-parents et de nos parents pour obtenir des avancées sociales comme la sécurité sociale, les congés payés, le droit à la retraite, les services publics (tout ce qui nous est subrepticement retiré petit-à-petit) et pour notre liberté de penser (de plus en plus surveillée grâce aux algorythmes de nos smartphone, et de tous les supports numériques). Tout ce que nous considérons comme acquis ne l'est jamais vraiment, car il faut continuer à se battre pour le conserver (droit à l'avortement, droit d'asile, droit de manifester, droit de grève...)
Ne nous laissons pas phagociter par les multiples écrans qui nous éloignent les uns des autres et favorisent l'individualisme : le prêt à penser (et même le prêt à rire) nous est dispensé à longueur d'antenne, comme une drogue, des fadaises nous sont débitées sur les multiples chaines et plate-formes, dans des formats et des contenus à l'américaine, où il est tellement facile de se laisser emporter par les histoires, et par les récits, même si c'est assez éloigné de la vérité
Nous sommes des êtres pensants, à nous de faire l'effort de lire, d'être critique en variant nos sources d'information. A nous de nous forger une opinion en allant voir des films d'auteur ou du spectacle vivant qui interpelle, qui fait réfléchir : c'est à ce prix que nous conserverons notre liberté de penser et notre humanité.
J'en termine ici en vous faisant écouter un artiste qui a su trouver les mots et chanter l'horreur de la déportation. On le comprend tant sa jeunesse a été fortement impactée par la disparition de ce père qui n'est jamais revenu.
A la fin de l'avant-dernier couplet de sa chanson il nous demande de transmettre cette histoire afin que jamais une telle horreur puisse être oubliée "Je twisterais les mots s'il fallait les twister, pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez".
Et c'est ce que je fais bien volontiers.
Jean Ferrat - Nuit et Brouillard (1963) - vidéo publiée sur la chaine Youtube de Nostalgies 60-70-80
NUIT et BROUILLARD
1 - Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été
2 - La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir
Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux
3 - Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues
Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers
4 - On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare
Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez
5 - Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.
Un peu d'histoire : Nuit et brouillard concernait le programme nazi visant la disparition pure et simple des Résistants condamnés à mort mais dont les familles devaient être sans assurance sur le sort. Auschwitz marque la fin du voyage ; c'est Pitchi Poï en Yddish (ce mot désigne un petit village imaginaire et inconnu, au bout du monde). Ce sinistre camp se situe au centre le l'Europe nazie ; il a été le lieu de déportation massif des juifs, victimes privilégiées du régime fasciste (on parlait alors -de manière codée- de Solution finale). Les Déportés étaient triés sur la judenramp ; 80 % d'entre-eux étaient directement dirigés vers les chambre à gaz.
Pour ma correspondante Ouiza qui apprécie elle aussi les calligraphies arabes absolument superbes d'Hassan Massoudy, j'ai réalisé ce mail-art textile en repiquant l'une d'elles (La Paix) sur du tissu que j'ai agrémenté de quelques sequins : je sais que nous appelons toutes les deux de nos voeux la paix en Palestine (sans oublier tous les autres pays où des populations civiles sont sous le joug d'envahisseurs, de grands groupes industriels qui convoitent leurs ressources minières, de tyrans religieux qui les musellent ou les déplacent...).
La Paix : calligraphie d'Hassan Massoudy - Verso
Verso - Façade peinte à Strabane en Irlande pour réclamer la fin du siège de Gaza
A l'intérieur de l'enveloppe j'ai ajouté le texte d'une poésie inédite de Mahmoud Darvich dont vous trouverez ci-dessous l'intégralité.
Je te souhaite une bonne réception de cet envoi, chère Ouiza, et je te souhaite un bel automne.
***
« Etat de siège » par Mahmoud Darwich
Ramallah, janvier 2002 : un poème inédit de Mahmoud Darwich
publié dans le Monde Diplomatique d'avril 2002.
Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps Près des jardins aux ombres brisées, Nous faisons ce que font les prisonniers, Ce que font les chômeurs : Nous cultivons l’espoir.
Un pays qui s’apprête à l’aube. Nous devenons moins intelligents Car nous épions l’heure de la victoire : Pas de nuit dans notre nuit illuminée par le pilonnage. Nos ennemis veillent et nos ennemis allument pour nous la lumière Dans l’obscurité des caves.
Ici, nul « moi ». Ici, Adam se souvient de la poussière de son argile.
Au bord de la mort, il dit : Il ne me reste plus de trace à perdre : Libre je suis tout près de ma liberté. Mon futur est dans ma main. Bientôt je pénètrerai ma vie, Je naîtrai libre, sans parents, Et je choisirai pour mon nom des lettres d’azur…
Ici, aux montées de la fumée, sur les marches de la maison, Pas de temps pour le temps. Nous faisons comme ceux qui s’élèvent vers Dieu : Nous oublions la douleur.
Rien ici n’a d’écho homérique. Les mythes frappent à nos portes, au besoin. Rien n’a d’écho homérique. Ici, un général Fouille à la recherche d’un Etat endormi Sous les ruines d’une Troie à venir.
Vous qui vous dressez sur les seuils, entrez, Buvez avec nous le café arabe Vous ressentiriez que vous êtes hommes comme nous Vous qui vous dressez sur les seuils des maisons Sortez de nos matins, Nous serons rassurés d’être Des hommes comme vous !
Quand disparaissent les avions, s’envolent les colombes Blanches blanches, elles lavent la joue du ciel Avec des ailes libres, elles reprennent l’éclat et la possession De l’éther et du jeu. Plus haut, plus haut s’envolent Les colombes, blanches blanches. Ah si le ciel Etait réel [m’a dit un homme passant entre deux bombes]
Les cyprès, derrière les soldats, des minarets protégeant Le ciel de l’affaissement. Derrière la haie de fer Des soldats pissent — sous la garde d’un char - Et le jour automnal achève sa promenade d’or dans Une rue vaste telle une église après la messe dominicale…
[A un tueur] Si tu avais contemplé le visage de la victime Et réfléchi, tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre A gaz, tu te serais libéré de la raison du fusil Et tu aurais changé d’avis : ce n’est pas ainsi qu’on retrouve une identité.
Le brouillard est ténèbres, ténèbres denses blanches Epluchées par l’orange et la femme pleine de promesses.
Le siège est attente Attente sur une échelle inclinée au milieu de la tempête.
Seuls, nous sommes seuls jusqu’à la lie S’il n’y avait les visites des arcs en ciel.
Nous avons des frères derrière cette étendue. Des frères bons. Ils nous aiment. Ils nous regardent et pleurent. Puis ils se disent en secret : « Ah ! si ce siège était déclaré… » Ils ne terminent pas leur phrase : « Ne nous laissez pas seuls, ne nous laissez pas. »
Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour. Et dix blessés. Et vingt maisons. Et cinquante oliviers… S’y ajoute la faille structurelle qui Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée.
Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé Car mes vêtements sont trempés de son sang.
Si tu n’es pluie, mon amour Sois arbre Rassasié de fertilité, sois arbre Si tu n’es arbre mon amour Sois pierre Saturée d’humidité, sois pierre Si tu n’es pierre mon amour Sois lune Dans le songe de l’aimée, sois lune [Ainsi parla une femme à son fils lors de son enterrement]
Ô veilleurs ! N’êtes-vous pas lassés De guetter la lumière dans notre sel Et de l’incandescence de la rose dans notre blessure N’êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ?
Un peu de cet infini absolu bleu Suffirait A alléger le fardeau de ce temps-ci Et à nettoyer la fange de ce lieu
A l’âme de descendre de sa monture Et de marcher sur ses pieds de soie A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis De longue date, qui se partagent le pain ancien Et le verre de vin antique
Que nous traversions ensemble cette route Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes : Moi, au-delà de la nature, quant à elle, Elle choisira de s’accroupir sur un rocher élevé.
Nous nous sommes assis loin de nos destinées comme des oiseaux Qui meublent leurs nids dans les creux des statues, Ou dans les cheminées, ou dans les tentes qui Furent dressées sur le chemin du prince vers la chasse.
Sur mes décombres pousse verte l’ombre, Et le loup somnole sur la peau de ma chèvre Il rêve comme moi, comme l’ange Que la vie est ici… non là-bas.
Dans l’état de siège, le temps devient espace Pétrifié dans son éternité Dans l’état de siège, l’espace devient temps Qui a manqué son hier et son lendemain.
Ce martyr m’encercle chaque fois que je vis un nouveau jour Et m’interroge : Où étais-tu ? Ramène aux dictionnaires Toutes les paroles que tu m’as offertes Et soulage les dormeurs du bourdonnement de l’écho.
Le martyr m’éclaire : je n’ai pas cherché au-delà de l’étendue Les vierges de l’immortalité car j’aime la vie Sur terre, parmi les pins et les figuiers, Mais je ne peux y accéder, aussi y ai-je visé Avec l’ultime chose qui m’appartienne : le sang dans le corps de l’azur.
Le martyr m’avertit : Ne crois pas leurs youyous Crois-moi père quand il observe ma photo en pleurant Comment as-tu échangé nos rôles, mon fils et m’as-tu précédé. Moi d’abord, moi le premier !
Le martyr m’encercle : je n’ai changé que ma place et mes meubles frustes. J’ai posé une gazelle sur mon lit, Et un croissant lunaire sur mon doigt, Pour apaiser ma peine.
Le siège durera afin de nous convaincre de choisir un asservissement qui ne nuit pas, en toute liberté !!
Résister signifie : s’assurer de la santé Du cœur et des testicules, et de ton mal tenace : Le mal de l’espoir.
Et dans ce qui reste de l’aube, je marche vers mon extérieur Et dans ce qui reste de la nuit, j’entends le bruit des pas en mon intention.
Salut à qui partage avec moi l’attention à L’ivresse de la lumière, la lumière du papillon, dans La noirceur de ce tunnel.
Salut à qui partage avec moi mon verre Dans l’épaisseur d’une nuit débordant les deux places : Salut à mon spectre.
Pour moi mes amis apprêtent toujours une fête D’adieu, une sépulture apaisante à l’ombre de chênes Une épitaphe en marbre du temps Et toujours je les devance lors des funérailles : Qui est mort…qui ?
L’écriture, un chiot qui mord le néant L’écriture blesse sans trace de sang.
Nos tasses de café. Les oiseaux les arbres verts A l’ombre bleue, le soleil gambade d’un mur A l’autre telle une gazelle L’eau dans les nuages à la forme illimitée dans ce qu’il nous reste
Du ciel. Et d’autres choses aux souvenirs suspendus Révèlent que ce matin est puissant splendide, Et que nous sommes les invités de l’éternité.
A la recherche de costumes alsaciens originaux pour concevoir un mail-art pour Marc, je suis encore une fois tombée par hasard sur ce couple en habits traditionnels et l'histoire de l'Ami Fritz.
image trouvée sur Pinterest sans nom d'auteur
En creusant un peu le sujet, j'ai appris que l'Ami Fritz était d'abord un roman populaire co-rédigé par Emile Erckmann et Alexandre Chatrian publié en 1864. Plus tard cela devint un film long métrage de Jacques de Baroncelli en 1933
Image du livre relevée sur Wikisource / image de l'affiche sur le site Unifrance.org
Résumé du roman : Rien ne réjouit Fritz Kobus comme de déguster un dîner fin en bonne compagnie, si ce n’est peut-être de taquiner son vieil ami le rabbin David Sichel sur sa manie de vouloir marier les gens et lui Fritz en premier. Garçon, il est et sûr de le rester au point de parier sa plus belle parcelle de vigne.
Au mariage prôné par David, il préfère la liberté d’aller selon sa fantaisie jouer aux boules ou passer quinze jours dans sa ferme de Meisenthal pour bâtir un réservoir à truites en dégustant la cuisine délectable de la petite Sûzel, la fille de son fermier Christel.
C’est d’ailleurs à cause de ce réservoir à truites que l’ami Fritz se retrouve en danger de perdre sa vigne et son pari. Au-delà des préjugés sociaux et culturels, c’est donc la victoire de l’amour et le rôle de la famille comme fondement de la civilisation que célèbre « L’Ami Fritz ».
Et maintenant c'est devenu une fête, un rendez-vous de l'été.
D'où vient la Fête de l'Ami Fritz?
La fête de l’ami Fritz a été créée à Obernai dans les années 1950. Puis elle a été reprise à Marlenheim.
En 1962 sur l’initiative du maire de l’époque, Xavier Muller. Ayant eu beaucoup de succès, elle s’est déroulée à de nombreuses reprises à Marlenheim, ville dont on dit qu’elle est le début de la route des vins d’Alsace. En vérité, c’est lorsque l’on franchit la porte de la tour de Nordheim que l’on franchit l’entrée de la route des vins d’Alsace.
Le mariage fictif de l’ami Fritz avec son épouse Zusel a toujours lieu le 15 août, lors de la fête de l’Assomption. La fête donne lieu à te très belles festivités. De nombreux groupes folkloriques se produisent sur la place de l’Eglise, en provenance notamment de Strasbourg et de Haguenau. Les enfants sont aussi de la partie puisqu’il dansent alors en rond, pour la plus grande joie des nombreux touristes, notamment allemands, qui sont présents. Les musiciens, avec leurs très beaux instruments de musique, notamment les timbales et les tambours, animent fort joyeusement cette magnifique fête.
La météo estivale est aussi souvent au beau fixe, ce qui contribue à en faire une très belle fête, à moins que l’orage gronde et donne alors de la pluie. Mais ne dit-on pas dans le langage populaire qui est le plus beau, qu’un mariage pluvieux est un mariage heureux. C’est ce que le curé de Marlenheim souhaite chaque année à la belle Zusel dans sa robe alsacienne, toute de rouge et de blanc, est au resplendissant Fritz avec sa moustache dorées par le soleil et le verre de vin blanc d’Alsace à la main.
Pour conclure sur cette très belle fête, il serait très intéressant pour la renommée touristique de l’Alsace que la belle Zusel et le magnifique Fritz prolongent aussi leur idylle à l’écomusée d’Alsace.
Pierre ECKLY Sourcehttps://www.ami-hebdo.com/dou-vient-la-fete-de-lami-fritz/
Je souhaite une très bonne réception de ce mail art à Paco (ou Marc pour les puristes) ainsi qu'un bel automne.
Comme je m'en suis déjà longuement expliqué sur ce blog, notamment sur le premier post ici ou encore là, il y a quelques mois je suis tombé en admiration sur cet art populaire qu'est l'Art Fraktur.
Cette aquarelle et encre représentant George et Martha Washington est un exemple de Fraktur, une forme d'art populaire créée par les Hollandais de Pennsylvanie, datant d'environ 1780. Les personnages, figé, sont identifiés par l'écriture comme «Ledy Waschingdon» et «Exselenc Georg General Waschingdon».
d'après une photo tirée du livre American Folk Painting, 1966 By Mary Black & Jean Lipman, 1st Addition book.
J'adresse cet art postal textile à Corinne, dans le Jura et j'espère qu'il saura lui plaire. Je lui en souhaite une bonne réception.
Au Canada, la Fête d'Halloween est particulièrement prisée et je ne doute pas que Mallow, le nouvel écolier de la famille va fêter dignement l'évènement avec ses camarades d'écoles et ses petits copains.
d'après une carte postale ancienne d'Halloween
"Trick or treat"? ("des bonbons ou un sort"), c'est la formule consacrée que tous les petits gamins adressent aux voisins lorsqu'ils iront toquer à leur porte, et ainsi récolter une belle moisson de bonbons. J'espère que tu auras beaucoup de plaisir avec tes amis, ce prochain 31 octobre. Belle fête d'Halloween à toi, Mallow!
Pour Halloween, chaque année Sasha prépare avec ses parents une citrouille qu'ils allument sur leur perron. Et je sais qu'elle adore se déguiser en sorcière.
Maintenant qu'elle est plus grande, je sais qu'elle va apprécier cette jolie demoiselle en tenue de sorcière qui n'a pas hésité à se doter d'une citrouille énorme transformée en une lampe grimaçante pour éclairer son chemin dans les bois environnants. Bonne réception de ce mail-art et joyeux Halloween, Sasha!
Que les petits enfants de Massy, les chats noirs et même les souris ne s'y trompent pas : elle est bien plus grotesque que méchante cette sorcière qui n'a sorti son déguisement que pour fêter Halloween le 31 octobre prochain!
d'après une carte postale ancienne d'Halloween
C'est la journée où les petits enfants jouent à se faire peur mais aussi à récolter des bonbons en faisant du porte à porte : Léo est encore bien jeune pour comprendre tout cela mais je suis certaine qu'il aura été heureux de voir sa grande soeur et ses parents creuser une citrouille et l'allumer dans le jardin.
La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 stipule que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien ». Pourtant, la mobilité, comme droit universel, n’est pas garantie pour tous. Pour les habitants des pays du Sud, faute de moyens, faute aussi de pouvoir obtenir les visas ou les autorisations nécessaires, les frontières restent fermées. Pour les citoyens des pays développés, la frontière dessine la perspective de voyages, de découvertes, de rencontres ou d’emplois. Et désormais de retraites. Il est plus facile à des touristes occidentaux de partir pour Marrakech, Ouagadougou, Shanghai ou New Delhi que pour des Africains, des Asiatiques ou des Turcs de visiter de la famille, faire du shopping ou du tourisme à Paris ou à Londres.
"Le sort du riche n'est pas lié au sort du pays. Le riche appartient au monde sans frontières de la puissance."
Lettre ouverte aux gens heureux (1973) de Louis Pauwels
composition à partir d'une photo relevée sur le site iranien https://nazaninhabibi.ir/adolescent-and-youth-depression-after-immigration-part-2/
Frontières ouvertes
Longtemps imprécise et mouvante, la frontière s’est affirmée au XIXe siècle comme ligne de séparation et de contrôle. Avec la construction des Etats-nations et la montée des migrations internationales, les Etats ont renforcé leur contrôle militaire, douanier, commercial et leur contrôle des migrations, distinguant le « dedans » du « dehors », le « nous » des « autres ». La construction de l’espace européen conduit à l’effacement des frontières nationales au profit des frontières de l’espace Schengen (mis en place en 1995, il regroupe 26 pays européens) - même si les récentes crises dites migratoires, ou la crise sanitaire ont conduit au retour des frontières nationales. Depuis 2005, l’agence Frontex est en charge de la coordination des protections des frontières de l’Europe.
Frontières obstacles
Alors que l’Europe de l’espace Schengen formait un espace de libre circulation depuis plus de 25 ans, le continent connait un retour des frontières, sous la forme de contrôles sécuritaires, migratoires ou sanitaires et l’érection de murs et de barbelés comme en Hongrie, en Slovénie en Grèce ou en Pologne. Ainsi quelques 1 000 kilomètres de murs ont été érigés depuis 1989. Les barrières sont aussi maritimes (contrôle en mer), technologiques (suivis et surveillance) ou juridiques via notamment les politiques d’attribution ou non de visas. Il s’agit d’ailleurs d’une des inégalités parmi les plus criantes. Les 2/3 de la population mondiale sont soumis à des obligations de visas Cette injustice se trouve justifiée au titre du « risque migratoire » qu’ils représenteraient. Bien entendu cela concerne surtout les voyages du sud vers le nord, pas ceux en sens inverse. Pour autant, les voyageurs en provenance de l’hémisphère nord qui débarquent sous les tropiques peuvent rencontrer, in situ, d’autres inégalités, comme le rappelle Catherine Withol de Wenden : « naturalisation difficile voire impossible, absence de droits politiques pour les étrangers, accès à la propriété parfois restreint ».
Alors qu’un passeport français est un sésame ouvrant l’entrée de 186 pays, un passeport irakien ouvre l’accès à seulement 28 pays… Sur cette inégalité – injustice – prospèrent les réseaux de passeurs, et se multiplient les souffrances, les dangers et les drames des candidats au voyage ou à l’exil.
Les frontières se transportent aussi au-delà des limites de l’UE : vers les pays limitrophes et les pays où transitent les migrants « clandestins » comme le Maroc ou l’Algérie. L’externalisation, qui permet de tenir à distance ces migrants, consiste à déléguer la gestion des flux migratoires à des pays de transit ou de provenance. La frontière est comme exportée, le contrôle et la mise à distance étendus, la liberté de circulation restreinte, obligeant les migrants à emprunter de nouvelles voies, plus longues, plus dangereuses, plus onéreuses. Les frontières deviennent plus lucratives pour les réseaux de passeurs et autres fabricants de faux papiers.
Ailleurs, d’autres frontières se renforcent, rejettent et tuent comme les quelques 75 murs érigés de par le monde représentant environ 40 000km. En 1989, à la chute du Mur de Berlin, le monde comptait… 6 murs. Aujourd’hui, ils se dressent entre les États-Unis et le Mexique, entre Israël et la Cisjordanie, au Sahara occidental, ce sont aussi les barrières électrifiées aux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, entre le Botswana et le Zimbabwe, entre l’Inde et le Bengladesh, l’Inde et le Pakistan… La dernière initiative date du 20 février 2022 et vient de la République dominicaine qui a décidé de construire un mur de 164 km, haut de près de 4 mètres et jalonné de 70 miradors, pour « contrôler » l’immigration en provenance d’Haïti.
Polysémie
La mondialisation des migrations transforme la frontière en un espace de rencontre où émergent des identités nouvelles et composites. Elle passe entre les individus et distingue des statuts aussi différents que les étrangers et les nationaux, les Français naturalisés et les Français de plus longue date, les immigrés réguliers et les sans-papiers, les immigrés membres de l’UE et les autres… La frontière peut exclure ou élargir ; rapprocher ou séparer ; assigner à résidence ou accueillir ; séparer les statuts, accorder des droits différents, des avantages pour les uns, des discriminations pour les autres ; diviser entre « insiders » et « ousiders ». La frontière peut être ligne de rejet ou espace d’accueil.
Mustapha Harzoune, 2022 Source : Catherine de Withol de Wenden, Hommes & Libertés, N° 179, Septembre 2017 https://www.histoire-immigration.fr/les-migrations/les-frontieres-sont-elles-les-memes-pour-tous#
Les frontières ne sont pas seulement territoriales, elles sont aussi politiques et culturelles. Elles sont aussi mobiles aussi, dans le temps.
L'exemple le plus marquant est celui de la Russie : depuis la chute du mur de Berlin et l'éclatement de l'ancienne URSS elle-même héritière de l'Empire Russe, la Russie est tiraillée entre effets d'héritages et nouvelles polarités. sur ses frontières inter-étatiques avec l'Estonie, la Lettonie, la Biélorussie, l'Ukraine, la Géorgie, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan, toutes anciennes républiques soviétiques où vivent toujours des Russes mais nouvelles nations (re-)devenues indépendantes en 1991. Le nouveau périmètre de cet immense Etat qu'est encore la Russie ne convient pas à l'homme fort du pays, Vladimir Poutine qui déclare que "les frontières de la Russie ne se terminent nulle part" (provocation ou boutade, je vous laisse choisir). Le conflit avec l'Ukraine qui a éclaté en 2014 (en Crimée) puis a pris une nouvelle tournure en 2022 avec l'invasion russe dans le Dombass, montre à quel point il est difficile de concilier le découpage artificiel des frontières avec la réalité culturelle, politique et ethnique des populations.
Sans les frontières, il y aurait beaucoup plus de mélanges et d'entente entre les populations, car les frontières sont souvent la cause de guerres. Pour ne prendre qu'un exemple flagrant., en soixante-quinze ans, les Alsaciens et Lorrains mosellans ont perdu quatre guerres (1871-1918-1940-1945) et se sont pourtant retrouvés quatre fois dans le camp du vainqueur. Ce constat résume la situation d'une région aux marges de la France et de l'Allemagne, objet constant de disputes entre 1870 et 1945. Pour la population de ces deux régions, cette situation dantesque a été particulièrement douloureuse. Rappelons-nous des "Malgré-Nous" soldats lorrains ou alsaciens engagés dans une guerre qui n'était pas la leur lorsqu'ils se sont retrouvés de nationalité allemande et obligés de combattre leurs "compatriotes"français.
Un monde sans frontières : une utopie ou une nécessité ?
Si elles sont réduites à des simples traits au sol, ou borne de béton indiquant la limite d'un pays dans l'espace Schengen avec la libre circulation des biens et des individus, c'est une toute autre histoire aux limites de l'Europe. Tout le monde a bien en tête les problèmes de la jungle de Calais où s'entassent des migrants dans des conditions déplorables candidats pour tenter la tranversée de la Manche et gagner le Royaume-Uni, sans oublier le nombre effrayant de naufragés morts en Méditerranée, qu'ils cherchent à regagner l'Europe par l'Ile de Lampédusa, celle de Chypre, ou bien d'entrer par Gibraltar. Là ce sont des murailles de grillages et de barbelés sur plusieurs épaisseurs qui matérialisent la frontière pour la rendre infranchissable.
à gauche, entre l'Angleterre et la France, Calais , à droite entre Maroc et Espagne, à Mellila
Les migrations ou l'absurdité des frontières : remontant aux origines de l'histoire de l'Humanité, qui a débuté par... une grande migration... C'est l'Homo Sapiens, devenu sédentaire, qui inventera la frontière. Au 19ème, on y ajoutera des fils barbelés, inspirés des ronces.
Le Musée de l'Homme à Paris a consacré cette année une exposition aux Migrations, un phénomène plus ancien encore que les frontières et le concept de nation. Cette exposition a rassemblé informations, documents, vidéos et œuvres d'artistes. Une vision plurielle d'un phénomène qu'aujourd'hui, face à la montée de l'extrême droite, aux canulars et à la peur de la différence, nous devons défendre comme un droit fondamental de chacun (article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme).
Expo au Musée de l'Homme 2025 - 13 personnes attendant l'autorisation de passer une ligne brisée
On peut aussi se moquer de l'absurdité des frontières comme le fait le photographe Rubén Martin de Lucas avec des scènes ironiques de fils d'attente au milieu de nulle part ou la capacité des humains à prendre possession d'un espace naturel, puis à accorder ou refuser aux autres le droit d'y entrer.
Aux frontières de l'absurde, quelques unes des "Républiques" de Rubén Martin de Lucas
«Ni ce projet ni l'art ne changeront le monde, mais ils peuvent nous aider à le voir avec des yeux différents. Personnellement, j'aimerais qu'il suscite la réflexion sur ce qu'est une nation, sur l'absurdité du nationalisme et sur l'étrange sentiment de possession que nous exerçons sur une planète bien plus vieille que nous.»
Incontestablement son œuvre interroge aussi notre place dans le monde : de quel côté de la ligne nous situons-nous ?
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"Les frontières ne sont que des coups de crayon sur des cartes. Elles tranchent des mondes mais ne les séparent pas. On peut parfois les oublier aussi vite qu'elles furent tracées."
Cette citation est extraite d'un livre de Philippe Claudel Le rapport Brodeck : c'est la narration du meurtre d'un personnage étranger confiée à Brodeck, l'action se situe dans un petit village à quelque kilomètres d'une frontière, dans l'immédiat après-guerre. En fait l'histoire parle davantage de la culpabilité des villageois et de la notion bourreau/victime plus que de la notion de frontière. Pourtant dans leurs têtes il existe bien une frontière, celle qui n'accepte pas l'autre, celui qu'on ne connaît pas, l'étranger!
Une scène du film La Frontière, court métrage absurde et grinçant de Pierre Laurendeau et Éloïse Paul. À gauche sur la photo, un migrant nantais (Jean-Pierre Rey) et le garde-frontière (Bernard Froutin). Ils sont à l’une des multiples et mouvantes nouvelles frontières de l’Europe (la fiction se situe en 2030). Photo Pierre LAURENDEAU/Éloïse PAUL
Bande annonce du court métrage "La Frontière" - Une farce grinçante sur l'absurdité des frontières...
Un film de Pierre Laurendeau et Eloïse Paul Avec : Bernard Froutin • Jean-Pierre Rey • Claudie Labrosse • Simon Clavel • Pierre Naimi-Musique : Simon Clavel vidéo publiée sur la chaine Youtube de Pierre Laurendeau
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Les frontières de la paix - Valerio Vincenzo
à gauche : frontière France-Allemagne / à droite frontière Suisse- Italie
frontière France-Suisse
Depuis 2007, l’Italien Valerio Vincenzo a traversé plus de 1.000 fois ce qu’il appelle “les frontières de la paix” entre les pays européens. La crise des migrants vient conforter le sentiment de ce photographe qui vit entre la France, l’Italie et les Pays-Bas: l’Union doit s’ouvrir pour (sur)vivre.
“Tout a commencé avec la photo de Cartier-Bresson d’un poste de douanes à Bailleul, dans le Nord. J’ai voulu le retrouver. Il était abandonné. C’était en 2007. J’habitais en France à ce moment-là, je suis parti de la frontière avec la Belgique, puis j’ai zigzagué jusqu’à Menton, près de l’Italie. J’ai d’abord travaillé sur les frontières terrestres de l’espace Schengen, soit 16.500 kilomètres, à une époque où l’on ne parlait jamais de ces accords qui abolissent les contrôles.
Puis, à partir de 2014, je me suis rendu aussi dans les pays de l’Union européenne qui n’étaient pas dans Schengen. Ce qui m’intéressait et m’intéresse toujours, ce sont les frontières des pays en paix. Car, quand on dit ‘frontière’, on pense barbelés, douanes, murs. J’ai voulu donner une autre iconographie à ce mot.
En 1995, j’avais vécu une expérience assez traumatisante. Je suis Italien, j’étais venu en Erasmus en France. Pour renouveler ma carte de séjour, j’avais été confronté à un système kafkaïen. En 1997, je suis revenu dans l’Hexagone pour travailler. Schengen était passé par là: je n’étais plus un étranger mais un Européen. J’ai aussi voulu raconter ça.
Savez-vous qu’en Europe, avant la Première Guerre mondiale, il n’y avait pas de passeport? On pouvait circuler librement. Stefan Zweig le raconte très bien dans ‘Le monde d’hier’. Mais pendant la guerre, on en a instauré temporairement… Et on en est encore là.
Aujourd’hui, quand on évoque un monde sans frontières, on est considéré comme un utopiste, on est étiqueté activiste politique d’extrême gauche. Pourtant cette utopie, même menacée, est bien réelle dans l’Union européenne. Mes photographies sont une excuse pour le rappeler.
Je suis économiste de formation. Jusqu’à mes 30 ans, c’était mon métier. Je ne suis pas trop mal placé pour dire qu’un monde sans frontières est une évidence économiquement. Si on ouvrait tout demain, le PIB mondial augmenterait de 40% au minimum. C’est donc bon pour les biens comme pour les hommes. Les pays qui sont dans Schengen ont d’ailleurs vu leurs échanges commerciaux augmenter de 10 à 15%.
La crise des migrants actuelle n’est pas une crise de l’espace Schengen. Dans l’histoire de l’humanité, une des plus grandes migrations est celle qui a peuplé les États-Unis. Quelque 55 millions d’Européens ont traversé l’Atlantique entre 1840 et 1914. Je défie quiconque de me montrer que cette émigration a eu un impact négatif sur la nation qui est devenue la plus grande puissance mondiale!
En Europe, des milliers de gens sont morts pour la protection de certaines frontières. Dresser un mur, un rideau de fer ou faire une guerre, à quoi cela a servi? Les Etats ont besoin d’immigration: l’histoire comme les chiffres le prouvent. Et l’Union européenne est l’endroit du monde qui en a le plus besoin. Sa pyramide démographique est un vrai cauchemar statistique!
On devrait payer pour faire venir des gens et on paye pour les renvoyer chez eux! C’est une aberration. Les hommes et les femmes politiques d’aujourd’hui font du ‘court-termisme’. On héritera de leurs fautes.”
L'Europe unifiée, en supprimant la plupart des contrôles d'identité et des installations douanières, a redessiné la notion de limite d'état. En d'autres temps, les images d'une frontière ne pouvaient être celles que nous montrent Valerio Vincenzo. Presque sereine, mais pas tout-à-fait, parce que le talent de l'auteur est de laisser transparaître dans le bucolique des lieux ce qui perdure de l'absurde, du sourdement inquiétant attachés à la notion de frontière. Cicatrices mal refermées d'affrontements immémoriaux, les marques infligées au paysage sont d'autant plus chargées d'étrangeté qu'elles ont perdu leur sens, idéogrammes d'une langue désormais perdue dans le grand mouvement d'unification géopolitique de l'Europe. Vidés de leur raison d'être mais non réaménagés, les no-man's lands frontaliers voient la nature reprendre peu à peu ses droits, reléguant les lignes tracées par les hommes dans une sorte d'inconscient du paysage. Les photographies de Valerio Vincenzo ont saisi ce qui est inscrit en creux dans ces lieux débarrassés des passions de l'histoire, mais qui en gardent comme une vague nostalgie.