18 août 2025

Les baleines nous sont indispensables, pourquoi tant les importuner ?, pour Gisèle - Carnet 36-Page 5/5

Pour terminer en beauté et en poésie ce carnet à 4 mains sur le thème de la mer, quoi de mieux que ces chères baleines qui ne sont jamais aussi passionnantes que dans leur milieu naturel...si on voulait bien les y laisser tranquilles.

Avec toutes les turbulences dans le milieu marin induites par le changement climatique, avec la chasse à la baleine encore pratiquée,  hélas,  par quelques pays attachés à des traditions rétrogrades, avec maintenant les embarcations chargées de touristes comme à La Réunion, qui s'en approchent beaucoup trop, gènant leurs déplacements et leurs communications, les baleines n'ont pas fini d'être perturbées par les activités humaines.

Il me restait quelques découpes du tissu qui m'avait servi à exprimer toute ma solidarité avec l'action de Sea Sheperd et du Capitaine Paul Watson l'an passé, pour composer cette dernière double page à laquelle j'associe à une poésie de Jacques Prévert, ajoutée sur feuillet libre.

Voilà, chère Gisèle, je te souhaite bonne réception de ce carnet qui m'est revenu après quatre années, ce qui fait vraiment beaucoup. Comme beaucoup d'autres de mes correspondants depuis la crise du Covid,  tu pratiques maintenant d'autres loisirs, dont l'art postal n'en fait plus partie.  

Alors, ne m'en veux pas, mais comme je ne souhaite ne pas continuer à t'encombrer avec tout cela,  j'ai choisi de terminer ce carnet à quatre mains en un seul voyage vers toi . Ansi il te restera comme prévu, comme le dernier beau souvenir des échanges plutôt sympas que nous avons eus ensemble.

J'espère qu'il te parviendra sans encombre et sans trop de délai, car la distribution du courrier en août n'est pas toujours très fluide.

Avec toute mon amitié, je te souhaite une bonne route vers d'autres horizons et une belle continuation. 

***

La pêche à la baleine

A la pêche à la baleine,
Disait le père d'une voix courroucée
À son fils Prosper, sous l'armoire allongé,
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Tu ne veux pas aller,
Et pourquoi donc ?
Et pourquoi donc que j'irais pêcher une bête
Qui ne m'a rien fait, papa,
Va la pêpé, va la pêcher toi-même,
Puisque ça te plaît,
J'aime mieux rester à la maison avec ma pauvre mère
Et le cousin Gaston.
Alors dans sa baleinière le père tout seul s'en est allé
Sur la mer démontée ...
Voilà le père sur la mer,
Voilà le fils à la maison,
Voilà la baleine en colère,
Et voilà le cousin Gaston qui renverse la soupière,
La soupière au bouillon.
La mer était mauvaise,
La soupe était bonne.
Et voilà sur sa chaise Prosper qui se désole :
À la pêche à la baleine, je ne suis pas allé,
Et pourquoi donc que j'y ai pas été ?
Peut-être qu'on l'aurait attrapée,
Alors j'aurais pu en manger.
Mais voilà la porte qui s'ouvre, et ruisselant d'eau
Le père apparaît hors d'haleine,
Tenant la baleine sur son dos.
Il jette l'animal sur la table, une belle baleine aux yeux
bleus,
Une bête comme on en voit peu,
Et dit d'une voix lamentable :
Dépêchez-vous de la dépecer,
J'ai faim, j'ai soif, je veux manger.
Mais voilà Prosper qui se lève,
Regardant son père dans le blanc des yeux,
Dans le blanc des yeux bleus de son père,
Bleus comme ceux de la baleine aux yeux bleus :
Et pourquoi donc je dépècerais une pauvre bête qui m'a
rien fait ?
Tant pis, j'abandonne ma part.
Puis il jette le couteau par terre,
Mais la baleine s'en empare, et se précipitant sur le père
Elle le transperce de père en part.
Ah, ah, dit le cousin Gaston,
On me rappelle la chasse, la chasse aux papillons.
Et voilà
Voilà Prosper qui prépare les faire-part,
La mère qui prend le deuil de son pauvre mari
Et la baleine, la larme à l'oeil contemplant le foyer détruit.
Soudain elle s'écrie :
Et pourquoi donc j'ai tué ce pauvre imbécile,
Maintenant les autres vont me pourchasser en moto-godille
Et puis ils vont exterminer toute ma petite famille.
Alors éclatant d'un rire inquiétant,
Elle se dirige vers la porte et dit
À la veuve en passant :
Madame, si quelqu'un vient me demander,
Soyez aimable et répondez :
La baleine est sortie,
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d'années, sans doute elle reviendra ...

  Jacques Prévert

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