Aujourd'hui encore Vincent me gâte avec un nouveau mail-art sur mon thème "en mémoire du monde ouvrier de France".
Cette fois c'est par le biais d'une photo de Willy Ronis que le monde ouvrier est représenté : voici l'histoire incroyable de cette photo et celle de la syndicaliste Rose Zehner, s'adressant aux femmes de son atelier en vue d'une grève à suivre chez Citroën Javel, en 1938 ! Bravo à elle, elles n'étaient pas si nombreuses les femmes à oser prendre de telles responsabilités et à oser tenir un poste si exposé !
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Rose Zehner, déléguée syndicale CGTU-Manifestation chez Citroën Javel en 1938-Photo de Willy Ronis |
les deux photos sont aussi de Willy Ronis, mars 1938- à gauche, Rose Zehner, à droite auvriers à la cantine
Figure emblématique des luttes sociales de l’entre-deux-guerres, Rose Zehner incarne la détermination et la dignité du monde ouvrier. "De celle qui chante debout, qui travaille et qui lutte… De celle qui n’a jamais baissé les bras."
Histoire de la photographie
Cette photographie est prise, le 23 mars 1938, à la veille de la grève des ouvriers métallurgistes par Willy Ronis — qui signait ses clichés à l'époque de son pseudonyme, Roness — pour le journal communiste Regards. La photographie, largement sous-exposée, n'est pas publiée à l'époque parce que Ronis ne dispose pas du papier argentique adéquat. Devant rendre les clichés pour 17 heures au plus tard, il en est très frustré puis l'oublie. Son tirage n'interviendra que quarante-deux années plus tard.
Sur la photographie, on voit Rose Zehner, de retour du ministère de la Guerre, en train de faire le compte rendu de la délégation pour la « solidarité avec les gars d'Espagne » face aux travailleuses réunis dans l'atelier de sellerie de Citroën-Javel.
Willy Ronis explique : « J'étais dans l'usine, en grève, j'ouvre une porte et je tombe sur cette scène. C'était l'époque où les conquêtes sociales de 1936 étaient remises en question. Les gens criaient de colère. Je n'ai pas eu une vraie réaction de reporter : l'atmosphère était tellement tendue que je me suis senti de trop et suis parti. Je n'ai fait qu'une photo, celle-là. Il a fallu attendre 1982 pour que je rencontre cette femme, Rosette [Rose Zehner]. Nous avons reparlé de cette époque et elle m'a dit qu'elle avait eu le temps de me voir et cru que j'étais un flic ! Tout au long de ma vie, j'ai fait mienne la lutte des hommes pour leur dignité et leur mieux- être. »
En 1980, pour la sortie de son livre, Sur le fil du hasard, Willy Ronis parcourt ses vieux clichés. Il tombe sur la photo de l'usine Citroën et décide de la publier dans son ouvrage. Une cousine de Rose découvre la photographie et en parle à celle-ci qui se met en contact avec Willy Ronis.
Qui était Rose Zehner
Rose Zehner, née Rose Francine Goderel, à Paris (XVe), le 8 avril 1901 et morte le 1er août 1988 à Laigle dans l'Orne.
Rose Zehner est orpheline dès l'âge de neuf ans. Très jeune, elle doit travailler comme ouvrière. Sa "grande gueule», son humour la font connaître de tous. Militante communiste, elle adhère et milite au sein de la CGTU. En 1938, lors des grèves chez Citroën, elle est photographiée par Willy Ronis tandis qu'elle harangue la foule des ouvrières réunies dans la sellerie de l'usine de Paris, dans le quartier de Javel.
Après les grèves de 1938, elle est licenciée du fait de son action militante. Elle ouvre alors un bistrot rue Saint-Charles, le Où va-t-on ? Chez Lulu et Rosette. À la fin de la guerre, elle s'installe dans l'Orne.
En 1983, elle est invitée dans le cadre des Rencontres de la photographie d'Arles. Elle est acclamée par la foule.
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Je remercie tout particulièrement Vincent pour sa constance et son audace : il est le principal contributeur de ce thème qui n'est pas facile et pour lequel il n'y a guère d'engouement .
Dommage de ne pas vouloir se souvenir de toutes les luttes et les acquis sociaux obtenus grâce à la détermination et à la dignité de ces ouvriers et ouvrières-là. Combien de tous ceux qui sont en train de faire bronzette sur la plage en ce moment se souviennent encore que c'est grâce à leurs actions que nombre d'avancées sociales ont pu voir le jour.. et qu'il faut continuer à rester vigilants pour qu'elles ne se réduisent pas davantage à peau de chagrin (le processus est déjà bien avancé).
Alors merci doublement à Vincent d'avoir pris ce sujet à bras le corps et choisi de magnifiquement l'illustrer sur Instagram par la chanson de Jean Ferrat "Ma France" écrite en 1969 - ce que je fais également:
Ma France
De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j'ai vécu à ce que j'imagine
Je n'en finirais pas d'écrire ta chanson
Ma France
Au grand soleil d'été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche
Quelque chose dans l'air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France
Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnait le vertige
Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France
Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu'on la fusille
Ma France
Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes
Ils n'en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu'il est temps que le malheur succombe
Ma France
Leurs voix se multiplient à n'en plus faire qu'une
Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
En remplissant l'histoire et ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche
A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain
Ma France
Qu'elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France
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