11 février 2023

Devoir de mémoire à propos du massacre d'Ouradour sur Glane : le dernier témoin s'est éteint ce jour

Robert Hébras est l’une de six personnes à avoir survécu au massacre © Crédit photo : Archives DAVID Thierry 2011

A l'heure où la barbarie est à nouveau présente aux portes de l'Europe, à l'heure où la mort gratuite de civils devient presque banale sur nos écrans tant les agresseurs russes ne font aucun cas des êtres humains, qu'ils soient leurs "adversaires" ou leurs propres ressortissants enrôlés de force pour aller combattre, comment se taire? 

L'Ukraine vit tous les jours des Ouradour sur Glane : alors non, il ne m'est pas possible de passer sous silence la disparition du dernier rescapé du massacre d'Ouradour sur Glane et son inlassable travail de mémoire pour que jamais ne soit oubliée cette tragédie.

Robert Hébras allait bientôt avoir 19 ans, quand le 10 juin 1944, les SS de la division Das Reich tuèrent 643 personnes - dont 248 femmes et 205 enfants de moins de 15 ans - dans ce village du Limousin, l’un des pires massacres de civils commis par les nazis en Europe occidentale. Dans des granges, ils ont abattu les hommes à la mitrailleuse, avant de les brûler. Dans l’église, ils ont enfermé femmes et enfants et mis le feu. Puis ils ont brûlé les corps, creusé des fosses et entièrement incendié le village. Seuls six habitants, dont M. Hébras, réchappèrent au massacre.

Depuis qu'il était en retraite, Robert Hébras (29 juin 1925/11 février 2023) a consacré sa vie à témoigner notamment  auprès des jeunes. Aujourd'hui il s'éteint à l'age de 97 ans mais grâce à lui, puissent les générations futures toujours se souvenir que la fraternité entre les hommes doit largement primer sur la haine.

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Un grand homme : extrait de témoignages en Limousin où sa disparition émeut beaucoup

Parmi les nombreuses réactions en Limousin, Babeth Robert, la directrice du Centre de la Mémoire d'Oradour-sur-Glane souligne que Robert Hébras "a beaucoup travaillé durant les 30 dernières années à la transmission de son témoignage et notamment auprès des jeunes. J'étais toujours impressionnée, et jusqu'à la fin de sa vie, par la capacité qu'il avait à s'adresser aux jeunes, par la proximité qu'il avait avec eux. Et puis il a aussi beaucoup œuvré en faveur de la réconciliation, notamment avec avec l'Allemagne." 
Pour elle, sa disparition "laisse un grand vide", mais aussi un devoir : "aux côtés de tous les enfants et petits enfants de ceux qui ont vécu le massacre, nous sommes de la mémoire d'Oradour. Nous avons un rôle très important à jouer qui est de continuer à transmettre la connaissance de cette histoire" ajoute Babeth Robert.

Robert Hébras était un grand Homme et il avait cette humilité fantastique, avec une ambition de fraternité et d'amour de l'humanité qui était remarquable" réagit le maire de Limoges Emile-Roger Lombertie. A ses yeux, il était aussi un symbole de résilience. "Celui qui a vécu l'horreur, celui qui a vécu le sadisme le plus total que peuvent mettre en place les êtres humains et qui va parier pour la vie, pour l'humanité. Et qui va parier aussi sur quelque chose qui est fort : le fait que les peuples soient unis."

"C'était une personnalité attachante, une personnalité dont on gardera un souvenir de dévouement à une cause qui lui a tenu à cœur" souligne, lui aussi avec émotion, Benoit Sadry, le président de l'association des familles de martyrs d'Oradour. "On passe de la mémoire à l'histoire aujourd'hui et c'est un peu ce qui inquiétait Robert justement, de se dire après nous, qu'est ce qu'il y aura ? C'est pour ça qu'il a travaillé avec les autres survivants de l'époque à l'édification du Centre de la mémoire qui racontera pour eux, pour toujours, aux gens qui viendront visiter." 
Au-delà de ce rôle de témoin, auquel il a consacré sa vie après sa retraite, Robert Hébras a aussi beaucoup œuvré au "rapprochements entre les peuples et à créer des coopérations. C'est ce que nous devons continuer à poursuivre" ajoute Benoit Sadry, en se souvenant de visites en Allemagne. "J'ai pu l'accompagner plusieurs fois en Allemagne auprès de pour témoigner auprès de jeunes. Je n'ai jamais vu Robert chercher le moins du monde à culpabiliser ces gens, juste à expliquer son histoire, à raconter son histoire."

Deux livres importants :  confidences d'un homme unique qui se veulent être un témoignage universel pour les générations futures ; c'est maintenant Agathe sa petite fille qui va perpétrer sa parole qui entre dans l'histoire.

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