22 septembre 2023

L'espoir en bleu et jaune, pour Lubomyr

C'est un très grand honneur pour moi que d'avoir la chance de correspondre avec Lubomyr, mail-artiste combattant depuis 2014 pour que son pays retrouve sa souveraineté et l'entièreté de son territoire.

Comme je ne connais pas du tout ses centres d'intérêt dans la vie courante, c'est toujours le thème de la paix en  Ukraine qui est au centre de nos échanges, car c'est pour lui forcément ce qui prime.

Reproduction textile d'une risographie de l'artiste lithuanienne Alisa Rüta Stravinskaité
dont elle a fait don à l'Ukraine

L'oeuvre de laquelle je suis partie, avec ces oiseaux bleus et jaunes posés sur des branches feuillues et bien fleuries, m'a semblée tout-à-fait porteuse d'espoir. 

Sur un fond tricoté en blanc, et avec des boutons fleurs jaunes et bleus eux-aussi, ce mail-art textile est chargé de tous mes souhaits pour le peuple ukrainien, afin qu'un règlement de ce conflit intervienne  au plus tôt.

Je t'en souhaite une bonne réception, Lubomyr, et je t'adresse mes pensées les plus positives pour que tu sois épargné et que tu gardes toute ta foi dans ton espoir de voir la paix revenir.

Que de livres en cette rentrée, pour Isabelle

Ma correspondante savoyarde Isabelle aime la lecture et le renard fait partie de ses animaux  préférés.

Il m'a semblé tout à fait opportun de lui composer un mail-art sur ce thème car la rentrée littéraire dont nous entendons beaucoup parler en ce moment, semble être très prometteuse.

J'ai eu beaucoup de plaisir à composer ce mail-art textile un peu différemment de ce que je fais d'habitude et j'espère Isabelle que tu le recevras dans les meilleurs délais et en bon état. 

21 septembre 2023

PP07 - Patrimoine des Aborigènes d'Australie : didgeridoo et peintures ethniques, de Nicole

Mon appel à mail-art sur les peuples premiers n'a jamais eu trop d'échos, alors vous imaginez ma joie lors de  la réception de cette enveloppe magnifique que m'a concoctée Nicole.

Nicole fait partie des rares correspondants qui se sont investis dans ce thème que j'ai lancé en 2021 ; cela ne m'étonne pas vraiment car je sais combien il la touche, voilà encore un point commun entre nous. 

Que ce soit dans les Terres australes, au fin fond de l'Afrique ou en Papouasie, etc...,il existe tant de pure beauté dans les oeuvres créées par ces peuplades primitives, qu'il est fort dommage de ne pas les mettre en lumière, alors qu'elles ont déjà eu tant de mal à perdurer pour parvenir jusqu'à nous. Leur culture a été niée souvent,  parfois détruite par les colons qui, par leur suprématie sur les territoires conquis, ont voulu rabaisser les autochtones et  les couper de leurs racines (cf. article ci-dessous)

Je suis pour ma part absolument admirative de toutes les peintures des aborigènes et de leur culture sur laquelle j'avais déjà rédigé un long article et vous en trouverez un autre, ci-dessous. 

Merci pour la recherche et l'harmonie entre l'émeu peint sur l'enveloppe et le timbre australien correspondant, sans oublier l'empreinte d'un pied de héron pour le deuxième timbre. 
Merci infiniment Nicole pour cette si belle enveloppe, où tu as eu autant de patience que ces belles artistes qui apposent des milliers de points de peinture sur leur toile,  merci pour le beau cadeau. 
***
Peinture aborigène : découverte d’un art unique entre mythes et couleurs
© Galerie Gondwana
«Quel que soit le type de peinture fait dans ce pays, elle appartient toujours au peuple, à tout le monde. C’est un culte, un travail, une culture. C’est un rêve. Il y a deux manières de peindre, et les deux sont importantes parce que c’est la culture.» Artiste aborigène Wenten Rubuntja pour The Weekend Australian Magazine (avril 2002). Découvrons ensemble l’art de cette peinture aborigène…

L’art des aborigènes d’Australie : l’art des aborigènes d’Australie est qualifié d’art premier, à savoir un art produit par les cultures non occidentales. On parle aussi d’art traditionnel ou encore d’art ethnographique mais ces termes peuvent parfois être perçus comme péjoratifs.

Il revêt plusieurs formes : la peinture aborigène, mais aussi la sculpture, la gravure, la danse et la musique avec le chant et le fameux didjeridoo. Il englobe aussi bien les œuvres millénaires que celles d’artistes contemporains d’aujourd’hui.

Le temps du rêve : aussi appelé « Dreamtime », il désigne la mythologie des aborigènes et les êtres qui la composent. Le Temps du Rêve correspond à ce que l’on appelle la Création. C’est donc autour de lui que gravite la vie religieuse de ce peuple.

C’est aussi une sorte de monde sacré parallèle avec lequel ils peuvent entrer en contact lors de cérémonies particulières, lorsqu’ils se trouvent des lieux sacrés ou encore lorsqu’ils chantent, qu’ils dansent ou qu’ils peignent. Pour eux, l’art est avant tout spirituel et permet d’activer, d’utiliser l’énergie créatrice et de la faire circuler.

Dans la peinture aborigène, les figures et dessins sont presque toujours liés au Temps du Rêve. Ses mythes et personnages sont une inépuisable source d’inspiration pour les artistes aborigènes.

La peinture aborigène : Certaines peintures rupestres aborigènes remontent à plus de 40 000 ans avant notre ère et seraient donc plus vieilles que certaines représentations trouvées en Europe, comme Lascaux par exemple. Il s’agit donc de l’art le plus ancien connu à ce jour.

Aboriginal rock paintings
Au départ, la peinture aborigène se faisait sur la roche (peintures rupestres), mais aussi sur des supports plus éphémères tels que le sable, les écorces d’arbres, la peau, etc. Les peintures au sol étaient réalisées pendant les rituels et pouvaient parfois s’étendre sur des kilomètres et des kilomètres.

Bien que de nombreuses œuvres aient été abîmées par le temps, par les colons de l’époque ou encore par les touristes aujourd’hui, on trouve encore de nombreuses peintures aborigènes sur le continent, notamment dans le nord de l’Australie (nord du Western Australia, Territoires du Nord, Kakadu) mais aussi dans le centre, à Uluru (Ayers Rock). Elles sont situées dans des grottes et autres lieux considérés comme sacrés par les aborigènes.

On trouve deux types de peinture aborigène selon les régions : un art naturaliste représentant des silhouettes et des peintures figuratives (nord du pays, Terre d’Arnhem, Queensland), et un art plus schématique dans le centre et le sud du pays, avec beaucoup de motifs géométriques.

Évolution de la peinture aborigène

La tradition picturale : à l’époque, les peuples aborigènes ne possédaient pas encore l’écriture. La peinture, avec les chants notamment, était un moyen de transmettre un héritage ancestral, de perpétuer les traditions et de passer une mémoire collective. Certaines peintures servaient, quant à elles, aux rites d’initiation. Cet art n’est donc pas figé et peut évoluer au fil du temps puisque l’histoire elle-même évolue. Par exemple, il n’est pas rare de trouver des peintures rupestres superposées les unes sur les autres.

La peinture a toujours fait partie intégrante de la vie de ce peuple. Les styles et techniques diffèrent d’une tribu à l’autre. Chaque représentation a sa propre symbolique et raconte quelque chose de précis.

Pour les aborigènes, la peinture est avant tout un art collectif, chaque œuvre appartient donc à la communauté et pas uniquement au peintre. C’est pour cette raison que de nombreuses toiles ne sont pas signées par l’artiste.

La peinture aborigène fut aussi utilisé à différentes fins (politique, initiatique, sociale, etc.). Il fit notamment office de manifeste politique ayant pour but la reconnaissance des aborigènes et de leurs terres.

Du sol à la toile : naissance d’un véritable mouvement artistique :

Spinifex Art Project by Aboriginal Signature
Le mouvement artistique de la peinture aborigène à proprement parler est né en 1971, dans la communauté aborigène de Papunya (centre de l’Australie). Geoffrey Bardon, un professeur anglais, proposa alors aux élèves de l’école de reproduire des motifs du Temps du Rêve sur les murs, puis sur des panneaux, et enfin sur des toiles. Le succès de ces représentations fut tel que les aborigènes décidèrent de se réunir en coopératives dans le but de vendre leurs peintures. Ces premières œuvres contemporaines permirent à l’art aborigène de faire son entrée sur la scène internationale.

Cette même époque contemporaine a d’ailleurs apporté une certaine individualité aux artistes qui ont commencé à peindre pour eux et selon leur propre style, plus seulement pour la communauté. Ils se sont alors mis à représenter de nouveaux paysages et à utiliser d’autres couleurs.

Le pointillisme : cette technique consiste à effectuer une série de points particulièrement serrés qui se suivent mais ne se mélangent pas. Elle est particulièrement utilisée par les peintres aborigènes. On la retrouve sur certaines peintures rupestres, mais aussi sur les peintures sur le sol réalisées lors de rassemblements rituels.

Le pointillisme propre aux peintures sur toile serait également apparu à Papunya. En comprenant que leurs peintures relatant des récits sacrés seraient montrées à des « non-initiés », certains aborigènes auraient choisi d’utiliser cette technique pour flouter les motifs initiaux. Une façon pour eux de conserver le caractère secret et sacré de leur œuvre, en ne montrant que la partie profane.

Les points ont aussi une portée esthétique dans la peinture aborigène, puisqu’ils permettent de densifier certains motifs, de remplir une toile en remplaçant les espaces vides et de la sublimer.

La symbolique : la peinture aborigène représente soit des personnages du Temps du Rêve, soit des sortes de cartes stylisées de la Terre vue du ciel. Comme précisé plus haut, la signification de l’œuvre dépend du peintre, de la tribu ou encore de l’histoire racontée. De nombreux signes ne sont lisibles que pour les initiés et les peintures recèlent de secrets.

On retrouve tout de même des signes similaires sur différents types de peintures, notamment lorsqu’il s’agit d’animaux, d’éléments ou de personnages.

Quelques grands artistes aborigènes  :parmi les plus connus, on peut notamment citer Emily Kame Kngwarreye, Clifford Possum Tjapaltjarri, Rover Thomas et Jack Kala Kala qui ont pu exposer leurs œuvres dans les plus grandes villes du monde.

Source : https://www.australia-australie.com/articles/la-peinture-aborigene-entre-mythes-et-couleurs/

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Histoire : Les Aborigènes dans l'enfer de la colonisation

En 1770, quand les britanniques posent le pied en Australie, les Aborigènes sont ses seuls occupants. Débute alors pour eux un calvaire de deux siècles dont leur peuple va ressortir meurtri et quasiment anéanti.
Pas de troupeaux, pas de champs labourés, pas de fermes. Quand James Cook débarque à Botany Bay, en Australie, en 1770, il applique ses propres critères pour déterminer que cette terre n’appartient à personne (Terra nullius). Dans son journal, l’explorateur britannique décrit les Aborigènes – qui sont entre 300 000 et 1 million sur cet immense territoire (quatorze fois la France !) – comme une « nation errante, sans agriculture ni industrie ». Il estime donc qu’il peut légitimement prendre possession de cette terre au nom de la couronne britannique, pour laquelle il effectue une mission cartographique.

Ce que Cook n’a pas voulu voir, c’est que les Aborigènes possèdent une connaissance très avancée de la nature et ont des techniques de gestion des ressources bien différentes de celles des Européens. Ils protègent les jeunes pousses et les bébés animaux, prélèvent uniquement les quantités de nourriture qu’ils peuvent consommer. Au-delà, le lien à la terre est constitutif de leur identité : chaque lieu est sacré et porte la trace des ancêtres qui y ont vécu.

L’expansion des colons déclenchent des conflits

Dix-huit ans après la visite de Cook, un tout autre genre de flotte débarque. Onze bateaux britanniques atteignent Sydney Cove, au nord de Botany Bay, avec à leur bord 1 300 hommes, femmes et enfants, dont la moitié sont des bagnards. Ce sont des voleurs, des prostituées, des faussaires. L’Angleterre veut les éloigner de ses grandes villes. Les Aborigènes sont étonnés par ces êtres à la peau blanche. Ils ont observé qu’une fois morts, la peau des leurs blanchit. Ces nouveaux venus seraient-ils des fantômes ? Leurs ancêtres venus leur rendre visite ?

Pour les colons, les premiers temps sont durs. La famine règne. La plupart des moutons apportés par bateau meurent à cause de plantes qu’ils ne digèrent pas. En avril 1789, dans les criques proches de la colonie, on retrouve des corps d’Aborigènes couverts de pustules. En deux mois, des centaines meurent de la variole. Les Anglais ne sont pas touchés. Ont-ils développé des défenses naturelles pendant les épidémies répandues longtemps auparavant en Europe ? Ont-ils importé le virus avec eux ?

Rapidement, les volontés d’expansion des colons déclenchent des conflits. Ils chassent les Aborigènes de leurs terres, brûlent des forêts pour cultiver du maïs ou faire paître leurs bêtes. Pour les autochtones, cette façon de remettre en question leur possession de leur terre est incompréhensible : elle fait partie d’eux-mêmes, chacun est dépositaire de la mémoire d’un lieu particulier. « Les conflits sont causés par la rivalité pour occuper des lieux d’une importance particulière », explique l’anthropologue Marcia Langton, porte-parole des Aborigènes auprès des Nations unies, dans son livre First Australians (2008, traduit en français en 2012 sous le titre Aborigènes et peuples insulaires).

Un homme incarne la résistance face aux colons. Pemulwuy, du clan des Bediagal, est respecté par les siens et il n’entend pas céder son territoire aux Britanniques. Il brûle des fermes et des récoltes. Blessé à plusieurs reprises puis arrêté, il réussit à s’échapper de l’hôpital avec du plomb dans la tête et une jambe en fer, ce qui augmente son prestige. Le nouveau gouverneur britannique, Philip Gidley King, met sa tête à prix. En 1802, Pemulwuy est abattu par Henry Hacking, un marin aventureux et alcoolique. Sa tête tranchée est envoyée en Angleterre. Pemulwuy et ses partisans « équipés de lances et de gourdins, et dépassés en nombre par des hommes armés de mousquets, sont parvenus à retarder l’expansion du plus puissant empire du monde », écrit Marcia Langton.

Le darwinisme en toile de fond

Toujours dans les années 1800, le gouverneur ordonne de tirer sur les Aborigènes qui s’approchent des habitations des colons. « La plupart des Blancs étaient convaincus que les hommes qu’on assassinait appartenaient à une race inférieure, condamnée tôt ou tard à disparaître, explique l’écrivain suédois Sven Lindqvist, auteur de Terra Nullius. Ils se référaient en cela à la plus haute autorité de l’époque en matière de biologie : Charles Darwin. Dans le cadre de la théorie de l’évolution, l’extermination des peuples indigènes n’était plus considérée comme un crime mais plutôt comme le résultat de processus naturels, la condition d’avancées ultérieures. »

Les colons blancs s’approprient d’immenses domaines

A partir de 1820, des dizaines de milliers de colons libres arrivent. Des moutons mérinos sont introduits, qui produisent une laine de grande qualité. Les troupeaux se multiplient. L’Australie devient le principal fournisseur de laine de l’Angleterre industrielle, qui développe son industrie textile. Les éleveurs s’approprient d’immenses domaines. Certains rencontrent une violente opposition : les Aborigènes massacrent hommes et bêtes, incendient les récoltes.

En 1834, le peuple nyungar lutte farouchement contre l’installation de colons dans la fertile vallée du fleuve Murray. Le gouverneur James Stirling, accompagné de 11 soldats, 5 policiers et de nombreux chiens, décide d’y mettre bon ordre et attaque par surprise au petit matin. En une heure, 80 Aborigènes sont tués, soit la moitié de la tribu. Du côté des Blancs, seuls sont à déplorer un blessé et une chute de cheval. De tels massacres jalonnent l’histoire de la colonisation australienne. Face à un rapport de force aussi inégal, les Aborigènes, qui ne veulent pas quitter les sites sacrés qu’ils ont le devoir de protéger et d’honorer, sont contraints de travailler dans les ranchs.

Jusque dans les années 1960, beaucoup ne recevront pour tout salaire que de la nourriture, du tabac ou des vêtements. Des familles aborigènes se mettent aussi à l’agriculture. Mais leurs fermes sont souvent confisquées par le gouvernement ou par des colons voisins qui voient d’un très mauvais oeil l’émancipation de cette main-d’oeuvre gratuite.

1851 : la ruée vers l’or

En 1851, coup de théâtre ! De l’or est découvert en Nouvelle-Galles du Sud et dans le Victoria. L’Australie devient un eldorado. En 1860, on dénombre 1,2 million de colons. Dans le Nord-Ouest, des Blancs observent que des jeunes Aborigènes plongent et rapportent des perles. Ils décident d’exploiter cette ressource.

Des hommes de main partent capturer des enfants et adolescents dans le désert, au lasso. Dès le lever du jour, des petites embarcations les emmènent en mer. Ils vont jusqu’à 10 mètres de profondeur pour ramasser les précieuses perles. Ils risquent leur vie à chaque plongée, sont battus s’ils ne sont pas performants. La plupart ne tiennent pas deux ans, ceux qui survivent gardent des séquelles à vie. Dans tous les cas, ils ne sont pas payés.

« Assimiler la race »

Parallèlement, des milliers d’Aborigènes sont déplacés de façon autoritaire dans des missions où il leur est interdit de pratiquer leurs rites, de chasser, de se marier sans autorisation. Les viols de femmes aborigènes sont monnaie courante. Quand les Blancs voient le nombre de métis augmenter, ils décident d’enlever ceux qu’ils jugent suffisamment clairs de peau à leurs mères pour les placer dans des orphelinats ou au service de familles de colons. Il s’agit de préserver la part d’hérédité blanche, d’« assimiler la race ». De 1885 à 1967, entre 70 000 et 100 000 enfants vont subir ce terrible sort, soit entre 30 et 50% des enfants aborigènes.

Ces fonctionnaires sont convaincus d’agir pour le bien de l’enfant et d’aller dans le sens du progrès, comme l’inspecteur James Idell, qui écrit en 1905 : « L’enfant métis est intellectuellement supérieur à l’Aborigène. C’est le devoir de l’Etat de lui donner une chance d’avoir une vie meilleure que celle de sa mère. Je n’hésite pas une seconde à séparer un enfant métis de sa mère. Passé les premiers chagrins, elles oublient très vite leur progéniture » (extrait du rapport du gouvernement australien Bringing Them Home de 1997). Les enfants enlevés à leurs familles sont éduqués dans la honte de leur culture. On leur donne un nouveau nom. On leur fait croire que leurs parents ne veulent plus les voir, les ont abandonnés. Aux parents, on raconte que leur enfant refuse de les rencontrer.

Des essais nucléaires dans le désert

Dans les années 1950, au désastre humain s’ajoute le désastre écologique. Les Britanniques testent leur arme nucléaire dans le désert australien. Le 15 octobre 1953, une bombe de dix kilotonnes explose à Emu. Le nuage radioactif s’élève à 4 500 mètres d’altitude et se déplace ensuite au-dessus du continent. Des centaines d’autres essais suivront. Les Aborigènes voient maintenant leurs terres irradiées.

Un début de reconnaissance

Malgré ces décennies d’oppression, les Aborigènes ne désarment pas. Dans les années 1960, ils s’approprient les techniques du militantisme occidental pour faire entendre au monde leur principale revendication : le droit à la terre. En 1967, ils obtiennent une première grande avancée : un référendum leur accorde les mêmes droits que les autres Australiens.

En 1992, la Haute Cour reconnaît que les Aborigènes occupaient les terres avant l’arrivée des colons. La même année, le Premier ministre Paul Keating s’exprime ainsi : «C’est nous qui avons dépossédé les Aborigènes. Nous avons pris leurs terres traditionnelles et brisé leur mode de vie. Nous avons apporté un désastre.»

Chronologie :

  • – 40 000 Des chasseurs-cueilleurs arrivent en Australie.
  • Avril 1770 James Cook débarque dans le sud-est de l’île.
  • 26 janv.1788 La couronne britannique fonde une colonie pénitentiaire dans la baie de Sydney.
  • 1851 Ruée vers l’or. De 400000, le nombre de colons grimpe à 1,2million en 1860 et 1,6million en 1870.
  • 1er janv. 1901 Sous le nom de Commonwealth of Australia, les colonies prennent leur indépendance par rapport au Royaume-Uni.
  • 1967 La discrimination contre les Aborigènes dans la Constitution est abolie.
  • 1992 Annulation du principe de Terra nullius (terre sans maître) en vigueur depuis Cook.
  • 13 fév. 2008 Le gouvernement australien présente des excuses officielles aux peuples aborigènes.

Source : Écrit par l'équipe Ça m'intéresse Le 29/07/2020

20 septembre 2023

Vert, orange et marron : trois couleurs d'automne, d'Isabelle

Décidément l'automne est déjà très présent sur mon courrier de la semaine. 

Aujourd'hui c'est Isabelle qui a sorti sa machine à découper pour créer cette composition automnale, avec feuillages des arbres et graminées aux couleurs déjà changeantes. De bien jolis champignons tapissent le sol et un malicieux petit cheval vient passer sa tête entre les hautes herbes.

Voilà un mail-art plein de fraicheur et de couleurs, merci beaucoup.

D169 - Portrait en médaillon sur junk journal, de Michele

Depuis quelque temps j'ai plus de mal à identifier son art postal dans ma boite aux lettres, car Michele s' essaie à un nouveau style : en effet, mon amie belge s'adonne depuis peu à une nouveauté venue du scrapbooking, le junk journal*,  variante tout droite venue des Etats-Unis.

C'est bien aussi mais c'est très différent de ce que qu'elle m'envoyait, auparavant ; mais je l'ai bien retrouvée puisqu'elle y a ajouté une petite touche qui lui ressemble, une jolie bordure en dentelle ancienne.

Le médaillon,  avec cette petite fille aux cheveux et à la robe aux couleurs de l'automne,  est bien mis en valeur au centre d'un fond composé pour partie d'une reproduction de lettre manuscrite et pour l'autre, d'une impression au pochoir.

Merci beaucoup Michele de ce bel envoi, je vois que tu cherches à te renouveler et c'est plutôt chouette.
A très bientôt dans ta BAL. Je te souhaite un très bel automne.

* Pour ceux d'entre vous qui se demandent ce qu'est un Junk Journal, c'est un livre généralement composé de tous types de papiers et de documents, qui auraient pu finir dans la poubelle d'où le nom de Junk Journal ou journal "indésirable" en français.

18 septembre 2023

T153 - Déjà l'automne en Caroline du Nord, de Judy

Ah je suis ravie aujourd'hui de trouver dans mon courrier la première missive d'une toute nouvelle correspondante vivant aux Etats-Unis! 

Sur son enveloppe, Judy célèbre l'automne déjà arrivé dans son état de la Caroline du Nord, en le personnifiant. Pour parfaire le thème traité, elle a utilisé un magnifique timbre rond avec une fleur d'ostéospermum orange, c'est superbe. 


Au dos de la carte ancienne présentant un vieux chêne magnifiquement auréolé de sa couronne de fleurs d'or, Judy a écrit quelques mots en anglais et j 'apprends ainsi que mes deux envois lui sont finalement parvenus : cela me fait plaisir de savoir qu'il n'y a finalement pas eu de perte dans le circuit postal. 

Je salue le talent de Judy pour le dessin car ce visage, et surtout les yeux sont très réussis, j'ai beaucoup de chance de recevoir un si joli courrier. Merci Judy, chère nouvelle correspondante du Nouveau Monde. 

Le lin, en femme-fleur, pour Chantal

Je sais combien ma correspondante de Charente-Maritime aime à cultiver son jardin potager en le parsemant avec des fleurs, aussi lorsque j'ai déniché ces illustrations anciennes, j'ai pensé aussitôt à Chantal.

d'après une illustration de Jean Grandville (1803-1847) gravée sur métal par Albert Henry Payne (1812-1902) - tirée de la série des Fleurs Animées tome 1 (édition 1854), puis rebrodée à la main
Je l'ai rebrodé à la main puis apposé sur un beau morceau de tissu de lin blanc pour renforcer la cohérence de ce mail-art textile sur le thème de cette plante dont j'ai appris récemment que la France était le premier exportateur.  Puis le timbre tunisien m'a fourni le point final.  

Je t'en souhaite une très bonne réception, chère Chantal, ainsi qu'une belle saison d'automne à suivre. 

Chuchoteurs sous la lune, pour Vincent

Lorsque j'ai trouvé cette scène équestre sous la lune, j'ai aussitôt pensé au Whisperer, l'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux, ce film magnifique avec Robert Redford, Kristin Scott Thomas et la toute jeune Scarlett  Johansson datant de 1998... et pourtant là, c'est l'un des chevaux qui semble chuchoter à l'oreille de son compagnon.

C'est sûrement une association d'idées saugrenue, mais ce joli tableau et ses couleurs crépusculaires m'ont séduite : j'envoie ce mail-art textile à Vincent, pour compléter mes envois précédents déjà sur le thème du cheval,  cet animal si noble que j'admire et respecte infiniment. 
Impression sur tissu d'après une silhouette de linogravure de JM Gestsinger
Je t'en souhaite une bonne réception, Vincent, ainsi qu'un bel automne. Et surtout, fais-moi savoir ce que tu aimerais me voir traiter comme thème, pour toi.

Gingko biloba et land-art forestier, pour Michèle

Les artistes qui pratiquent le land-art ont pour but de magnifier la beauté de la nature, en utilisant des éléments qu'elle leur fournit avec largesse et qu'ils sont en mesure ensuite d'ordonnancer avec génie pour en sublimer les formes ou les couleurs, ou la manière d'occuper l'espace. 

Parmi eux j'ai voulu mettre à l'honneur ici un artiste anglais nommé Andy Goldsworthy. Il compose des tableaux éphémères avec des pierres, des cailloux, des feuilles, de la neige, de la glace, des branches, des brindilles, etc......

Oeuvre originale d'Andy Goldsworthy

Pour Michèle qui aime également cette discipline, j'ai tenté de composer un mail-art en jouant à mon tour avec l'une de ses  oeuvres éphémères ci-dessus représentée. Dans un sous-bois la base d'un arbre est ceinte d'un liseré sur plusieurs rangs de feuilles dont les couleurs montent progressivement du jaune jusqu'au brun : le jaune très vif des feuilles du premier rang fait penser à un embrasement tant l'effet de "feu" est saisissant, en contraste total avec le brun dominant du sous-bois.

A mon tour, j'ai utilisé le jaune, en entourant cette scène bucolique d'un cadre de vraies feuilles séchées de ginkgo biloba, le seul arbre plusieurs fois millénaire qui a été capable de se régénérer très vite après avoir subi les radiations de la bombe atomique à Hiroshima le 6 mai 1945.

J'espère que ce mail-art assez fragile arrivera jusqu'à Michèle dans le meilleur état possible et je lui en souhaite bonne réception.

Le lundi : c'est broderie, pour Michele

Mon amie belge, Michele, est une brodeuse assidue au point de croix surtout, mais pas seulement. Aussi, lorsque j'ai trouvé cette jeune fille tout à fait appliquée à broder au tambour, j'ai immédiatement su à qui je la destinais.

d'après une peinture de la peintre russe Natasha Milashevich
Sur un fond de dentelle avec incrustations de feuillages, j'ai bien aimé faire ressortir la couleur vive de son tablier à fond rouge et les couleurs de ses bobinaux de fil à broder, qu'elle tient dans un petit panier.

J'espère qu'elle te plaira, cette jolie demoiselle, chère Michele, et que tu la recevras en bon état. Bel automne à toi.

Belles ferrures sur un vieux portail de caractère, pour Colette

Je ne sais pas si vous y êtes également sensibles, mais personnellement, rien ne m'émeut autant que les portails anciens habillés de clous et ferrures, avec des serrures très travaillées. Certains d'entre eux sont encore dotés de magnifiques heurtoirs. pour toquer à la porte afin d'obtenir le droit d'entrer.

Bon, maintenant il n'y a guère qu'à la campagne ou dans de petits bourgs de province qu'on peut rencontrer de beaux et vieux portails... dommage, car ils ont tellement plus à nous dire que les portes normalisées et que l'on fabrique et installe maintenant. 

On y lit les assauts du temps, la couleur de la dernière couche de peinture, et le soin qu'y ont apporté les différents propriétaires. Certains portails ont des ventaux différents, ils sont même totalement rafistolés, avec des planches de complément...pour  tenter d'en garantir la fermeture et/ou l'étanchéité. S'il m'arrive d'en rencontrer un, même bien abimé,  je ne peux m'empêcher de marquer l'arrêt car il s'en dégage une vraie poésie : ce sont souvent les derniers témoins d'un savoir-faire de ferronnerie quasiment disparu. 

Fait de tissu et de carton ondulé destructuré, coloré aux crayons aquarellables, j'espère que ce portail t'arrivera en entier en Bretagne, Colette et je t'en souhaite une bonne réception. 

Ode à la rouille, pour Nicole

Pour faire suite à l'un de ses commentaires sur ce blog, voici pour Nicole une belle ferrure rouillée permettant de tenir clos les vantaux de cette très vieille porte de grange. 

Le bois en est très abîmé par l'exposition aux intempéries et au soleil, battu par les vents mais pour autant, cette porte a tant de caractère qu'elle est pour moi pleine d'histoires, celles des paysans qui ont travaillé là, qui y ont remisé leurs outils ou qui ont stocké là leurs récoltes ou le bois qu'ils ont coupé pour passer l'hiver au chaud...

Aux couleurs de l'automne, le verrou tout rouillé,  a un charme fou. Oui décidément ces vieilles portes, pleine de poésie, me parlent beaucoup. J'espère que celle-ci saura plaire à Nicole, à qui j'en souhaite une très bonne réception.
***
Quant à la rouille, je m'en suis faite une alliée, lorsqu'il m'a été donnée la possibilité de teindre du tissu de drap avec une soupe de clous rouillés, ce qui m'a permis de réaliser des pièces créatives très intéressantes, alors je me dois de lui rendre ici un petit hommage, en musique.

La rouille chantée en live par Maxime Le Forestier, publié sur sa chaine Youtube

La rouille
L'habitude nous joue des tours, nous qui pensions que notre amour avait une santé de fer
Dès que séchera la rosée, regarde la rouille posée sur la médaille et son revers
Elle teinte bien les feuilles d'automne, elle vient à bout des fusils cachés
Elle rongerait les grilles oubliées dans les prisons, s'il n'y venait personne
Moi, je la vois comme une plaie utile, marquant le temps d'ocre jaune et de roux
La rouille aurait un charme fou, si elle ne s'attaquait qu'aux grilles
Avec le temps tout se dénoue que s'est-il passé entre nous, de petit jour en petit jour
À la première larme séchée, la rouille s'était déposée sur nous et sur nos mots d'amour
Si les fusils s'inventent des guerres et si les feuilles attendent le printemps
Ne luttons pas, comme eux, contre le temps, contre la rouille, il n'y a rien à faire
Moi, je la vois comme une déchirure, une blessure qui ne guérira pas
Notre histoire va s'arrêter là (non)
Ce fut une belle aventure
Nous ne nous verrons plus et puis
Mais ne crois pas ce que je dis, tu sais, je ne suis pas en fer
Dès que séchera la rosée, la rouille se sera posée sur ma musique et sur mes vers.

Parolier : Jean Pierre Kernoua 
Paroles de La Rouille © Editions Musicales Ray Ventura

Ex-voto en forme de coeur, pour Fabienne

Le nouveau thème de Fabienne est relatif aux amulettes, gri-gris et ex-voto, et je vais encore essayer de lui faire un mail-art même si ce thème me parait compliqué.  

Lors de déplacements estivaux, j'aime beaucoup aller dans les églises et, lorsqu'il s'agit de pays où il y a une grosse activité maritime (Languedoc-Roussillon ou Bretagne) il m'est souvent arrivé, au détour d'une niche ou d'une chapelle, d'y trouver des murs entiers recouverts de tableaux ou d'objets symboliques, pour remercier d'une grâce obtenue à la suite d'un voeu. Et là, en dehors des plaques gravées, on retrouve beaucoup de coeurs.

C'est pourquoi aujourd'hui j'adresse ces coeurs-ci à Fabienne en espérant que ce mail-art saura lui plaire et qu'il lui parviendra en parfait état. Bel automne à toi!

16 septembre 2023

Un Folon voyageur et un Fauxlon timbré, de Tony

Waouh, elle était annoncée et la voici dans ma boite aux lettres : il s'agit de la superbe enveloppe de Tony, envoyée à ses très nombreux correspondants pour diffuser le thème, le destinataire et les conditions de participation de la 14ème édition de la JMFTA qui aura lieu le jeudi 16 novembre prochain.

Alors qu'il cogitait sur les modalités pratiques de cette nouvelle édition de la Journée Mondiale du Faux Timbre d'Artiste dédiée à la machine à écrire, Tony a eu l'idée du faux-timbre d'artiste, le Fauxlon (dont il m'a envoyé deux exemplaires) en visitant cet été l'exposition dédiée à l'artiste Jean-Michel FOLON présentée dans la Saline Royale d'Arc-en-Senans *.

 

Dessin sur l'enveloppe inspirée par l'Homme -chapeau - Sculpture de JM Folon (1934-2005)

J'adore cette enveloppe qui est peinte avec de la peinture en bombe, à la manière dont les street-artistes colorent au pochoir leurs fresques sur les murs moches de nos villes. 

Merci infiniment, cher Tony, de m'associer une fois encore à cette manifestation populaire que j'adore. Merci Mr Folon dont je suis tellement admirative, depuis si longtemps.

(*) j'aurai l'occasion de vous raconter cela plus largement car je vais aller moi-même voir cette exposition sur l'oeuvre de Jean-Michel Folon au mois d'octobre  prochain.

15 septembre 2023

Rétrospective Nicolas de Staël au Musée d'Art Moderne de Paris

Je rentre de l'exposition sur l'oeuvre de Nicolas de Stael (1914-1955) au Musée d'Art Moderne de Paris, pensant naïvement qu'au premier jour de cette rétrospective, on serait un tout petit plus "tranquille"... erreur totale, c'était plein de monde.

Néanmoins, j'ai bien entendu été ravie de la visite : nombre des tableaux exposés là proviennent  de collections particulières que je n'avais pas vues précédemment, notamment lorsque j'étais allée au Muma du Havre par deux fois, tant je m'y étais sentie "transportée". Je ne sais pas expliquer pourquoi sa peinture me touche autant, notamment ses bleus, ses gris, 
mais aussi ses aplats très colorés, comme dans la série issue de son voyage en Sicile.
 
Contrairement à tous ces visiteurs qui ont fait l'expo le smartphone à la main, quitte à gêner les autres personnes sans aucun complexe, j'ai préféré profiter pleinement de ce qu'il m'était donné à admirer, à découvrir.  Je n'ai fait aucune photo car rien n'aurait pu être restitué de la manière dont le peintre utilisait la matière dans son épaisseur, ni des coups de gros pinceaux, de spatule ou de truelle même, avec lesquels, dans l'urgence, il apposait ses couleurs sur la toile. 

Aussi, pour vous mettre en appétit, s'il en était besoin, je relaie ci-dessous l'article de France Télévisions. Régalez-vous, je suis certaine qu'un tel personnage ne peut vous laisser indifférent.

Pour information, après Paris l’exposition sera présentée à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, du 9 février au 9 juin 2024
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La rétrospective de Nicolas de Staël au musée d'Art moderne de Paris : l’œuvre d’une vie et d’éternelles métamorphoses

Le musée d’Art moderne de Paris expose dès ce vendredi, 200 œuvres de Nicolas de Staël. L’occasion de découvrir l’immense production de ce peintre qui traversa la vie avec fulgurance.
Reproductions murales des photographies de Denise Colomb sur lesquelles figurent Nicolas de Staël dans son atelier.
 (France Info/ Neil Senot)

« À force de flamber sa rétine, on finit par voir des ciels verts, la mer en rouge et le sable violet » écrivait Nicolas de Staël à son ami et galeriste Jacques Dubourg en 1952. Cette rétine, le peintre se l’est peut-être flambée plus que jamais lorsqu’il a quitté la capitale pour offrir son œil aux étendues et à la lumière du Sud.

Ciel rouge de Marseille, ciel orange d’Agrigente ou ciel vert de Sicile : Nicolas de Staël bourlingue de Provence en Italie et ne s’interdit aucune couleur. Autour d’une ligne d’horizon qui permet encore de faire paysage, sa vision détonne et divise le milieu de l’art au sein duquel il peine à s’installer. La plupart de ses tableaux se vendent ainsi à New York où il connaît alors un succès grandissant.

Cette palette éclatante n’a pas toujours été constitutive de l’œuvre du peintre. Il suffit de sillonner les onze salles et les quelque 200 œuvres de cette rétrospective pour comprendre par ailleurs que rien ne semble vraiment avoir été durablement constitutif de cette œuvre immense.

Rebattre les cartes
Nicolas de Staël traverse les manières et les teintes comme il arpente le Sud. "C’est un homme qui travaille comme il respire, sans relâche sans répit variant inlassablement les supports, les techniques, les outils, quelqu’un qui ne se prive de rien", explique Charlotte Barat, commissaire de l’exposition, et qui a résolument à cœur de donner à voir l’œuvre du peintre dans toute sa variation. Une ambition largement atteinte par cette rétrospective.

Il faut dire que, de salle en salle, les peintures et les dessins ne se ressemblent pas. Des croquis du Maroc à la fin des années trente aux marines qui furent les dernières de ses œuvres l’année de son suicide à Antibes en 1955, Nicolas de Staël paraît accomplir d’éternelles métamorphoses.

Travaillant de manière abstraite lorsque l’abstraction n’était encore qu’une pratique minoritaire et réintroduisant des objets du monde lorsque l’abstraction devenait le courant dominant, l’artiste fait œuvre loin des modes et des classifications. Nicolas de Staël rebat en permanence les cartes de ses aspirations, si bien que dans son œuvre chaque année semble faire période.

Un peintre au travail
En moins de quinze ans de carrière, Nicolas de Staël a réalisé plus de 1100 peintures et à peu près autant de dessin. Cela représente 145 œuvres par an, environ une tous les trois jours. « C’était un peintre sans divertissement », explique Pierre Wat au sujet de celui qui considérait, selon sa fille Anne de Staël, une simple partie de carte au soleil comme une manière irraisonnée de « gâcher sa vie ». Peintre sans divertissement, Nicolas de Staël avait pourtant d’autres activités que la peinture. Mais là encore, elles se faisaient autant de prétextes à l’ouvrage.
Deux personnes regardent au musée d'Art moderne de Paris "Le Parc des Princes" (1952) de Nicolas de Staël. 
(FRANCEINFO / NEIL SENOT)

Parmi les orchestres et les ballets, l’exemple le plus saillant – parce qu’il est à l’origine de son grand chef-d’œuvre – tient peut-être à un match de football. Le 26 mars 1952, l’artiste et son épouse Françoise Chapouton assistent au Parc des Princes au match amical France-Suède, le premier match nocturne du pays à être éclairé grâce à des lampes immenses et puissantes. Profondément marqué par ce spectacle, le peintre entame le soir même une série d’ébauches qui deviendront rapidement une quinzaine de tableaux.

Une semaine plus tard, il achève la pièce majeure de cette série : Le Parc des Princes. Huile sur toile de sept mètres carrés, ce tableau dont la vivacité des couleurs n’eût d’égale que celle des critiques se pose comme un véritable spectacle d’équilibre et de vitesse. "C’est un tableau de l’énergie pure", commente Gustave de Staël, fils du peintre, dans un enregistrement audio à la libre disposition des visiteurs.

Derrière le mythe
Avec une œuvre majoritairement aux mains de collectionneurs privés (65 prêteurs privés et 15 prêteurs publics ont contribué à cette rétrospective), Nicolas de Staël – dont la dernière rétrospective se tenait en 2003 au Centre Pompidou – ne compte pas parmi les artistes les plus exposés de sa génération.

Malgré tout, sa vie fulgurante, mais aussi son visage et sa grande silhouette immortalisés en 1954 par Denise Colomb, ont nourri autour de lui un mythe éblouissant qui a eu selon Charlotte Barat "tendance à prendre le pas sur son œuvre voire à l’occulter ". "Tout l’enjeu était d’essayer de regarder l’œuvre de cet homme en oubliant son nom ", explique Pierre Wat.

Car celui qui vivait pour la peinture s’est donné en 1955 la mort à Antibes. Âgé de 41 ans, son destin tragique a durablement marqué son image de peintre. Et si c’est bien son art que célèbre cette rétrospective, sa vie est aussi à découvrir – dans une salle à l’écart des tableaux – à travers des extraits du documentaire de François Lévy-Kuentz Nicolas de Staël, la peinture à vif. On y découvre un enfant de l’aristocratie russe, un ami de René Char, un homme de colère, un aventurier-baroudeur mais aussi – et bien avant tout cela – un artiste peintre.

Source : Article rédigé par Neil Senot France Télévisions - Rédaction Culture - 15/09/2023