8 octobre 2024

Lettre de Paul Watson, le sauveteur des baleines depuis sa prison de Nuuk

Parce que j'ai envie que dans ce monde les océans restent vivants pour mes petits-enfants, parce que je refuse que la loi du plus gros ou du plus fort soit toujours celle qui l'emporte malgré les lois en vigueur,  je relaie ici une lettre de Paul Watson publiée ce jour sur SEE SHEPARD France. Depuis son arrestation au Groënland le 21 juillet dernier, il a déjà comparu trois fois dans un simulacre de procès où sa défense est muselée, tenue dans l'impossibilité de fournir des preuves à décharge.

La question de son extradition vers le Japon est différée jusqu'au 23 octobre prochain : continuons à nous mobiliser pour sortir de là cet activiste, ardent défenseur des baleines et des océans : signons la pétition en ligne.

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UNE JUSTICE DIFFÉRÉE EST UNE JUSTICE CONFISQUÉE
Par le capitaine Paul Watson, le 02 octobre 2024

Aujourd'hui, c'est mon 73e jour d'incarcération à la prison de Nuuk et ma 4ème comparution devant le tribunal du Groenland. Comme je m’y attendais, le juge a refusé les documents et les arguments de mes avocats et a ordonné ma détention pour 28 jours supplémentaires. Cela signifie 91 jours pour une accusation infondée pour un délit mineur datant d'il y a 14 ans et auquel je n'ai pas participé.
C'est un cas classique de "justice différée est une justice confisquée".
Le tribunal dispose de toutes les preuves, de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision. Il est clair qu'il s'agit d'une décision très politique.

La juge s'est assise sur le banc comme une pierre
Preuves qu'elle a refusé de montrer
La procureure s'est renfrognée
Au mépris de la foule
Son parti pris se reflète dans son ton

Mes amis, je retourne donc à ma cellule avec vue, d'où je peux voir les icebergs dans le fjord et, de temps en temps, une baleine à bosse qui me rappelle pourquoi je suis ici.

Je peux endurer ce temps, peu importe combien il durera. Mon seul souci, mon seul regret est d'être séparé de ma femme et de nos deux petits garçons. Je ne suis pas ici parce que je suis un criminel. Je suis ici pour m'être opposé à une entreprise criminelle avec l'arme la plus mortelle qui soit : une caméra.
Avec nos caméras, nous avons révélé les crimes de l'industrie baleinière japonaise et, ce faisant, nous avons mis dans l'embarras la fière nation du Japon, en faisant entrer ses activités illégales dans les salons de millions de personnes à travers le monde grâce à notre émission de télévision "Whale Wars" sur Animal Planet.

La chasse à la baleine pratiquée par le Japon n'est pas une entreprise criminelle parce que je le dis. Il s'agit d'une opération criminelle pour avoir violé le moratoire mondial sur la chasse commerciale à la baleine décrété en 1986 par la Commission Baleinière Internationale. L'argument du Japon selon lequel il s'agit d'un effort de recherche et d'une activité non commerciale a été rejeté en 2014 par la plus haute juridiction au monde, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye. Celle-ci a statué que tuer des baleines dans le sanctuaire baleinier de l'océan Austral ne relevait pas de la recherche. Il s'agit d'une activité commerciale.

Les baleiniers sont partis en mer, voyez-vous
Pour connaître le nombre de baleines à tuer, voyez-vous
Nous les avons pris sur le fait
Un fait incontestable
Et les avons chassés des mers, voyez-vous

En outre, les baleiniers japonais ont délibérément éperonné et détruit un catamaran de deux millions de dollars, cassé une côte d'un caméraman d'Animal Planet, projeté six membres d'équipage dans les eaux glaciales de l'océan Austral, et refusé de les secourir. Pour cette violence avérée, les baleiniers n'ont subi aucune conséquence. Lorsque la procureure groenlandaise affirme qu'un seul baleinier japonais a souffert d'une brûlure sur la joue, due au spray au poivre de son propre équipage, qu’elle qualifie de crime de ‘grave’, cela illustre l'absurdité presque comique des accusations.

Ce qu'elle qualifie d'intrusion est filmé et montre Pete Bethune frappant poliment à la porte de la timonerie du Shonan Maru. La porte s'ouvre, il remet au capitaine japonais une lettre de plainte et une demande d'indemnisation pour le navire qu'ils ont délibérément détruit. La réponse japonaise fut de kidnapper le capitaine Bethune et de le transporter au Japon pour l'accuser d'intrusion, d'obstruction aux affaires et d'agression. Il est interrogé quotidiennement jusqu'à ce qu'il avoue les faits qui lui sont reprochés, bien qu'il refuse de reconnaitre l'agression.

Ce n'est qu'après avoir fait des aveux sous la contrainte qu'il a été présenté à un juge et qu'un accord a été conclu, qu’il a été condamné à une peine avec sursis en échange d'une déclaration selon laquelle je lui aurais ordonné de commettre ces actes. Il a ensuite été libéré et autorisé à rentrer chez lui, tandis qu'un mandat d'arrêt a été lancé contre moi pour conspiration.

Après sa libération, Pete Bethune a signé une déclaration sous serment affirmant qu'il avait menti en échange du sursis. Son accusation a été la seule preuve que le Japon a utilisée contre moi, mais malgré la rétractation du capitaine Bethune, le procureur japonais a refusé d'abandonner les charges qui pesaient contre moi.

Les baleiniers ont coupé son bateau en deux
Nos caméras l'ont prouvé
Pete Bethune a été enlevé
Les preuves ont été mises au rebut
Par l'équipe criminelle de chasseurs de baleines

Ce qui rend mon incarcération supportable, c'est l'énorme soutien que je reçois du monde entier. Des centaines de milliers de personnes ont signé des pétitions pour ma libération. Tant de manifestations dans des centaines d'endroits à travers le monde, des milliers d'appels aux ambassades et consulats danois, le soutien de dirigeants mondiaux comme le président Macron en France et le président Lula au Brésil, de nombreuses célébrités, des concerts organisés en mon nom. Une incroyable vague d'amour et de soutien, tous rassemblés par notre amour et notre respect collectifs pour les baleines et les dauphins, la diversité et l'interdépendance de toute vie dans la mer et sur la terre.

L'ennemi est clairement identifié
Cinq mille personnes venues de nombreux pays
Protester par des actions, des pétitions et des œuvres d'art
Tous unis pour s'opposer au cétacide
C'est la compassion que nous cherchons à susciter
Le courage naît au plus profond du cœur.


Je suis très reconnaissant pour les 2 300 lettres que j'ai reçues en prison de plus de 30 pays. Je suis particulièrement reconnaissant et très touché par les centaines de lettres d'enfants, dont beaucoup sont accompagnées de dessins de baleines ou de poèmes.

Chaque poème, chaque dessin de baleine
Envoyé par des enfants du monde entier
Livré ici, derrière le mur de cette prison
Fournit une tempête d'espoir pour remplir mon âme
Un tsunami d'émotions
De l'autre côté du linceul bleu, je les entends appeler.

Je suis dans cette cellule pour encore quatre semaines, alors s’il vous plait, continuez à faire entendre votre voix. Cela signifie beaucoup et c'est efficace. Continuez à contacter les ambassades et consulats danois. Et continuez à m'envoyer vos lettres, vos dessins et vos poèmes. Les gardiens de prison me disent qu'ils n'ont jamais vu quelqu'un recevoir autant de courrier et vos lettres reflètent bien le niveau de soutien. Cela me tient également occupé car je lis chaque courrier.

J'essaie de répondre à autant de lettres que possible, même si cela a été difficile car je récupère encore d'une blessure à la main gauche causée par les menottes. Cependant, lorsque je serai libéré, je répondrai à chaque lettre en vous remettant un certificat de reconnaissance pour votre soutien. Vous me donnez tous de la force.

Je remercie tout particulièrement Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, Elodie et Christelle pour avoir fait les nombreux voyages de France à Nuuk, au Groenland. Elles m'ont accompagné à chaque comparution devant le tribunal. Merci également à Nathalie Gil, présidente de Sea Shepherd Brésil, qui a fait le long voyage depuis le Brésil pour assister à l'une de mes comparutions. Merci à Rod Marining, cofondateur avec moi de Greenpeace. Il est venu de Vancouver pour me rendre visite. Merci également à Omar Todd, Kylie Herd et Rob Read, de la Fondation Captain Paul Watson, qui ont fait le long voyage pour me rendre visite. Merci à Locky MacLean et à Dior de m'avoir rendu visite et à l'équipage du John Paul DeJoria d'avoir assisté à ma première comparution devant le tribunal. Merci à Vakita (France), Nat Geo (États-Unis) et aux autres équipes de tournage du Danemark, de France et du Royaume-Uni de m'avoir rendu visite et de m'avoir interviewé dans cette prison.

Ma cellule nordique a une vue imprenable,
Sur le large fjord sauvage qui s'étend devant moi
Parsemée de blocs de glace acérés
Là où les grandes baleines émergent du bleu de l'océan
Heureuses et libres dans la mer du Groenland
Un spectacle merveilleux qui mérite un sacrifice.

Capitaine Paul Watson
Prison de Nuuk
Nuuk 3900
Groenland

***

Le journal Libération a mené l'enquête pour savoir les tenants et les aboutissants de cette arrestation  : si tous les aspects de cette affaire ne sont pas limpides, il est net qu'elle est devenue totalement politique, car il ne fait pas bon se mettre en travers du lobby japonais de la chasse à la baleine, même si ce pays s'est ostensiblement mis hors la loi en la pratiquant illégalement.

Vidéo publiée sur la chaine Youtube de Libération / Première diffusion le 5 octobre 2024

Alors que le défenseur des baleines reste en prison pour au moins trois semaines supplémentaires, « Libération » révèle de nouvelles informations et les véritables raisons de l'arrestation de Paul Watson. Grâce à l'analyse de plusieurs heures de vidéo, de documents judiciaires et de témoignages inédits. Notre enquête vidéo met en lumière la faiblesse des accusations, au cœur du mandat d'arrêt international émis par le Japon contre le fondateur de Sea Shepherd. Les charges sont toutes en lien avec une campagne anti chasse menée en 2010 au large de l'Antarctique. Dans notre enquête vidéo, nous montrons des images de l'époque, et confrontons les points de vue, entre celles filmées par les équipes de Paul Watson et par les baleiniers japonais. Nous révélons également le contenu du mandat d'arrêt japonais et de la notice rouge d'Interpol. Mercredi 2 octobre, Paul Watson, actuellement incarcéré à Nuuk au Groenland, a vu sa troisième demande de mise en liberté rejetée. Le tribunal a prolongé sa détention provisoire en attendant que le Danemark, qui a la tutelle sur cette île, prenne une décision sur la demande d'extradition du Japon. 

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