31 juillet 2023

Cabinet des modes en 1786 : premières publications sur la mode, pour Nadine

La bibliothèque des Arts décoratifs a fait récemment l’acquisition en salle des ventes d’une série complète du Cabinet des Modes (15 nov. 1785 – 1er nov. 1786), publication considérée comme le premier périodique de mode publié en France.
Robe extraite  d'un exemplaire du Cabinet des modes
Si au XVIIe siècle le Mercure galant intégrait déjà des articles consacrés à la mode, il faut attendre les Nouvelles du Temps mises en Figures en 1728 pour qu’une publication fasse de la nouveauté, des modes, de l’habillement, des meubles le coeur de ses contenus. Un peu plus tard, de rares publications s’y consacrent tel le Journal du goût ou Courrier de la mode qui paraît de 1768 à 1770 sous forme mensuelle, puis la Galerie des modes et costumes français de 1778 qui présente la particularité de proposer des planches en couleurs. Certains almanachs diffusent également des modèles mais leur publication annuelle gêne l’accès à la nouveauté.

On peut considérer que la publication intitulée Cabinet des modes, ou Les Modes nouvelles, décrites d’une manière claire et précise, et représentées par des planches en taille-douce, enluminées, est une entreprise éditoriale d’un nouveau genre. Aux modèles de vêtements et parures, très majoritaires, se trouvent en effet mêlées des planches reproduisant du mobilier et des objets décoratifs tel que décrit en première page de ce recueil : “Ouvrage qui donne une connoissance exacte et prompte, tant des Habillements & Parures nouvelles des personnes de l’un & l’autre Sexe, que des nouveaux Meubles de toute espèce, des nouvelles Décorations, Embellissemens d’Appartemens, nouvelles formes de Voitures, Bijoux, Ouvrages d’Orfévrerie, & généralement de tout ce que la Mode offre de singulier, d’agréable ou d’intéressant dans tous les genres.”

Dans le Ier Cahier, du 15 novembre 1785, les éditeurs se félicitent de l’avènement de cette publication en soulignant l’intérêt qu’y trouveront les lecteurs étrangers, qui “ne seront plus obligés d’entretenir, à grans frais, des Commissionnaires, ou de faire fabriquer des Poupées, des Mannequins, toujours imparfaits, & cependant fort chers, qui ne donnent tout au plus qu’une nuance de nos Modes nouvelles. Les Cahiers en offriront successivement tous les changements & tous les détails pour le prix le plus modique.”

L’ambition est aussi de créer un monument de la mode, ainsi « l’on pourra fixer l’époque du Costume François à l’apparition de nos Cahiers, & les Amateurs commenceront alors une Collection précieuse, qui érigera un monument durable des Arts, du Costume, du Commerce, de la Mode et du Goût. »

Mais les objectifs de diffusion de la production française prédominent : “Si par là les fabriques de France reçoivent quelque encouragement, si le débit de ses Modes ou de ses matériaux est plus prompt & plus considérable, toutes les Nations de l’Europe auront aussi le plaisir d’être instruites, avec une plus grande facilité, de ce qu’il y a de plus commode, de plus frais & de meilleur goût en ce genre.”

Aucun doute pour les auteurs quant à la suprématie du goût français : « Ce goût, le François le possède au plus haut degré ; il sait, avec l’étoffe la plus simple, avec la gaze la plus légère, faire des ajustemens, dont la valeur n’a point de proportion avec le prix de la matière dont ils sont composés. Une main d’œuvre aussi agréable pour l’Europe, un Commerce aussi avantageux pour la Capitale, méritent donc l’extension que nous nous efforçons de leur donner par l’Ouvrage que nous publions. »

Ainsi avec vingt-quatre cahiers par an, cette publication éphémère a pour visée de porter la production parisienne dans les provinces et à l’étranger en magnifiant le “génie“, le “caractère“, le “goût” parisien. Dans cette période pré-révolutionnaire, les auteurs insistent sur la “nécessité du luxe” y compris dans des sociétés “où il y a de l’inégalité dans les fortunes et dans les conditions“, car si “le riche n’emploie son superflu à des objets de consommation qui deviennent son nécessaire par l’habitude, il n’est plus de moyen de faire refluer ce superflu dans la classe nombreuse qui s’occupe des Arts et de l’Industrie. Le Luxe restitue donc au pauvre ce que l’inégalité lui a fait perdre…”

Composée de huit pages in-8°, de textes et de planches en taille-douce, enluminées, chaque livraison est l’occasion de présenter des modèles, de façon extrêmement détaillée, qu’il s’agisse de vêtements, de perruques et de chapeaux ou de mobiliers et d’objets d’arts décoratifs. Les planches sont ainsi accompagnées d’une liste de chaque élément, avec type de vêtement, de forme, de matière. Ainsi pour cette planche I du 6e Cahier :

6e Cahier, planche I, 15 janv. 1786

” Description de la Coiffure & de l’habillement de la femme représentée dans la Planche première.  Chapeau de satin nakara (espèce de gros rouge tirant sur le ponceau), à haute forme, garni de noeuds de ruban lila bordé de blanc. autour de la forme du Chapeau est un ruban de la même couleur. Elle est surmontée d’une touffe de plumes blanches ; une aigrette au milieu…” etc la description se poursuit sur deux pages. Dans certains cas des précisions sur une technique de fabrication sont apportées, ainsi que le fabricant auprès duquel il est possible de s’approvisionner.

Dans ce même 4e cahier on trouve un article consacré à la Nouvelle Fabrique de Chapeaux du Sieur Troussier, rue Planche-Mibray, au coin de la rue S. Jacques de la Boucherie, au bout de celle des Arcis, à Paris (I). Il y est précisé que « le Sieur Troussier est parvenu, par ses recherches, a établi une nouvelle Manufacture de différente qualité de Chapeaux de Loutre, dont le poil étant beaucoup plus fin que celui de Castor, forme des Chapeaux plus souples, plus légers, pus susceptibles de différents Retapages, & de meilleur usage que les Castors ordinaires ». Est aussi reproduit un extrait du Rapport des Commissaires chargés, par le Conseil du Roi, de l’examen des Chapeaux de cette nouvelle fabrique.

Après une année de parution, le titre est modifié par les éditeurs qui s’engagent “à lui donner une forme plus étendue, & à l’enrichir de nouvelles matières.” Le titre devient : Magasin des Modes nouvelles, Françoises et Angloises, s’appuyant sur la collaboration née entre le titre français et The fashionable Magazine ou Magasin des Modes anglaises et sur la présence à Londres d’un dessinateur chargé de reproduire les modèles. A cette occasion la structuration du journal est revue, avec quatre saisons, regroupant trente-six cahiers paraissant tous les 15 jours.

Sources : https://bibartsdecos.hypotheses.org/author/bibartsdecos 
auteur : Stéphanie Rivoire · Publié le 23/07/2021 -Mis à jour 10/2021

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