Depuis toujours l'escargot est l'ami d'Ursu le tailleur de pierre, ou plus exactement de l'ami Jean-Paul le grand mailartiste, très discret en ce moment.
Reproduction du document ci-dessous rebrodé à la main |
Encore une fois, j'ai choisi d'illustrer ce thème car je sais qu'il lui fera toujours plaisir. Cette fois-ci, je me suis inspirée de la période de la Révolution où cette représentation escargotique raillait les aristocrates, comme vous en verrez le détail dans l'oeuvre originale ci-dessous.
"Déguisement Aristocrate" "A ton pouvoir la Nation a mis des bornes Beau Masque on te connoit cache tes cornes" Eau-forte réalisée à Paris en 1790 - de Vlinck / Gallica BNF |
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Terre à terre, l’escargot
Il est terre à terre, l’escargot.
Et qu’est-ce qu’il fait de son temps, posé à ras le sol ?
Est-ce qu’il regarde le paysage, les monts et les merveilles d’alentour, la course folle des astres et des gens ? Il admire le panorama ?
La vue, le friselis des herbes dans le vent, le vol des oiseaux, la courses des nuages, ou celle des souriceaux qui trottinent ?
Non.
Aussi, c’est qu’il est terriblement myope.
Alors, écoute-t-il la rumeur du monde ?
Les nouvelles qui bruissent, les cris, les chants ?
Les rires des gens, le grand barri de l’éléphant ?
Il n’y a guère plus de chance, l’escargot est farouchement sourd.
Et puis pour tout dire, course folle, rumeur, vol, bond, cri, rire, panorama, barri, nuage, tout ça ne l’intéresse pas.
Pas plus que la pluie, le vent, les bourrasques et les couchers de soleils, pas plus que toutes les fantaisies bariolées de notre vaste monde foutraque et bruyant.
Alors que fait-il ?
C’est bien simple, il est là.
Et pourquoi non ?
De temps en temps, lentement, si lentement que ça ne se remarque presque pas, il fait quelque pas (toujours du même pied, mais si lentement, si dignement qu’on ne s’en aperçoit seulement pas). Il va, grignote une laitue ou ce qu’il trouve à son goût (goût d’escargot, gros appétit pour la salade ; seulement, il évite soigneusement l’ail, allez savoir pourquoi), fait ci, va là, en bref vaque à ses affaires ; affaire d’escargot, bien sûr.
Quand il a assez vagué, il s’arrête net (mais si lentement que ça ne se remarque pas) et fait retraite dans sa coquille ; là, son unique pied collé au sol, ce drôle de petit caillou cornu vibre au remuement de l’humus ; et plus profond encore.
Seulement attentif au grondement sourd des plaques granitiques et au craquement des basaltes, seulement occupé des laves qui crépitent, il compte et recompte le lent battement du cœur de la terre, roule, déroule et r’enroule à son gré les silences empesés de la roche, les lointains feulements des magmas souterrains et les longs ronrons des mondes enfouis.
Comment ?
Tout simplement comme on colle l’oreille à la bouche d’une conque pour entendre la mer.
D’autres fois, blotti entre les stries nervurées de sa caverne portative, il dort.
Dormant, il rêve, roulé dans les volutes du temps.
A travers les empreintes gravées dans ses spires patientes, il reprend inlassablement le vieux chant de la terre, mémoire et souvenirs du monde d’avant le temps.
Il n’était peut-être même pas là, mais s’en souvient, lui, empli des minuscules et patients échos du lent bruit fossile du commencement de l’univers.
Mais bien évidemment, il fait cela très lentement, alors ça ne se remarque pas.
Tout ce qu’on voit, c’est qu’il est terre à terre, l’escargot.
Source : site les carnets paresseux
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