22 décembre 2020

Hermine le nez au vent, pour Gisèle

Joueuse, vive, chasseuse impressionnante et animal incroyablement curieux, 
l’hermine est un mustélidé qui gagne à être connu.
Belle et heureuse année 2021!
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Si le XXIe siècle semble l’avoir oublié, cette espèce a été porteuse de nombreux messages pour les Hommes et le fait est que sa biologie et son adaptabilité va bientôt nous en apprendre encore plus sur les capacités des mustélidés…Petit coup de projecteur général sur ce petit carnivore qui a bien plus que sa magnifique fourrure pour être intéressante !

Symbolisant l’innocence et la pureté dans la justice, la conduite ou l’enseignement, la fourrure d’hermine a ses propres codes qu’une légende d’Anne de Bretagne (XVe siècle) aurait largement participé à faire valoir. En effet cette dernière vit un jour une hermine chassée par des chiens et refuser de traverser une marre afin de ne pas se salir. Plutôt mourir que de se souiller. Impressionnée par un tel comportement, Anne de Bretagne décida de faire de l’Hermine son emblème. 

Cette légende bien connue est cependant également attribuée à Alain II (Xe siècle) ou bien encore à Conan Mériadec (IVe siècle)… Voilà le propre d’une légende ?Faits plus étayés d’un point de vue historique et au XIIIe siècle, la jeune Alix Duchesse de Bretagne épousant Pierre Mauclerc de Dreux, ce dernier eut été obligé de rajouter une brisure d’hermine sur son blason pour signifier qu’il n’était que le cadet de sa fami lle.Et voici l’hermine s’invitant dans les armoiries des ducs de Bretagne comme le lys s’invita pour les rois de France !

De nos jours, seuls les premiers présidents et présidents de chambre des cours d’appel portent une robe bordée de fourrure d’hermine (désormais synthétique) mais l’héraldique a, entre temps, gagné en inventivité grâce à l’hermine.

En effet, ce sont les queues (toujours noires) posées en quinconce et attachées par trois agrafes qui forment le motif héraldique dit de « mouchetures d’hermine » et qui a bien évolué à travers les âges. Devenue, avec le temps, la plus noble des fourrures porteuses de droiture elle a servi de faire-valoir impérial (Napoléon Bonaparte) ou divin (droits bretons à l’accession à la couronne) et bien d’autres choses encore.

Chez l’hermine, ce sont les mâles qui sont plus grands (jusqu’à 30% plus lourd, large et long) que les femelles. Pesant de 180 à 330 grammes, ce mustélidé a un rythme cardiaque de 6 battements par seconde, ce qui n’est pas anodin en matière de consommation d’énergie et donc en besoins alimentaires.

Avec une température interne de 38 à 39 degrés que l’hermine doit savoir maintenir en hiver en chassant suffisamment. En effet, son corps allongé est parfaitement adapté à la chasse de sa proie préférée (le campagnol ou d’autres rongeurs comme on le verra plus loin) mais n’est pas particulièrement efficace pour garder la chaleur. L’hermine doit donc beaucoup chasser pour compenser.

Pouvant parcourir jusqu’à 15 kilomètres par nuit (même si elle est plutôt d’activité diurne), ce qui est impressionnant au regard des 17 à 33 centimètres de long de l’animal, l’hermine couvre un territoire d’une vingtaine d’hectares environ qu’elle parcoure pour le marquer. Utilisant principalement son odorat et son ouïe pour chasser, ses vibrisses ne lui sont pas inutiles pour attraper lézards, petits oiseaux ou encore œufs quand il s’agit pour elle de varier son alimentation.

Où que ce soit sur la planète, l’hermine est connue pour ses jeux effrénés et ce dès le plus jeune âge. Jouant tout d’abord dans la fratrie à courir après ses frères et sœurs, l’hermine apprend également à ce qu’on lui court aux trousses. Vive, l’hermine se déplace souvent par bonds pouvant aller jusqu’à 50 centimètres de hauteur mais elle peut également trotter ou simplement marcher.

Alternant ces différentes allures durant ses jeux, ces initiations juvéniles lui permettront à la fois de se soustraire à ses prédateurs mais aussi et surtout de chasser des proies bien plus grosses qu’elle (comme le lapin qui représente par exemple un tiers des proies d’hermine en Grande-Bretagne).

En règle générale, se sont les rongeurs de tous poils qui constituent les proies principales de l’hermine, qui se nourrit cependant aussi d’insectes, de vers de terre, d’oiseaux et de leurs œufs, d’écureuils, de lézard, de batraciens et de serpents.

Au Danemark, par exemple, les rongeurs représentent 84% de son régime alimentaire, 60% dans les Alpes italiennes ou encore 70% au Canada. Mais dans tous les cas c’est en les tuant d’une morsure à la base du crâne que l’hermine procède.

Quand les populations de rongeurs diminuent, notamment à la fin de l’été, l’hermine peut rajouter des fruits à ses repas pour éviter d’utiliser les réserves de rongeurs qu’elle aura dissimuler un peu partout pour se préparer à l’hiver.

Avec un tel régime orienté sur les rongeurs, peut être que l’hermine gagnera un jour un statut d’auxiliaire de culture, qui sait !

L’hermine est classée, par l’UICN, en préoccupation mineure. Sa large répartition laissant à penser que l’espèce se porte bien n’empêche pas sa régression voir disparition à certains endroits. En France, la taxidermie de l’hermine est interdite au même titre que sa mutilation, son transport et sa commercialisation mais l’espèce est chassable au titre de l’arrêté du 26 juin 1987 et ce sur tout le territoire français.

Si l’hermine a toute sa place dans nos biotopes, comme nous le verrons au cours de cet article, il y a cependant une exception à la règle avec son introduction en Nouvelle Zélande à la fin du XIXe siècle pour lutter contre les souris (Mus musculus). Sa présence et son impact sur la faune sauvage des îles de Nouvelle Zélande en ont ainsi fait une espèce invasive problématique.

Quoi qu’il en soit, l’espèce fréquente des milieux aussi divers que variés allant des éboulis aux berges en tous genres, de la montagne jusqu’à 3 000 mètres à la toundra ou encore des sous-bois denses aux forêts clairsemées.

Dans un monde en constant mouvement, notamment de par l’influence de l’Homme sur les milieux, il est à souligner qu’une aussi large capacité d’adaptation bénéficiera certainement à la survie de l’hermine. À l’image de bien d’autres espèces comme le renard, la lutte chimique contre les rats et autres rongeurs tel que le campagnol a un fort impact négatif sur l’espèce (la bromadiolone, ce rodenticide anticoagulant, a joué un rôle conséquent en la matière).

L’hermine, si elle a une réelle capacité d’adaptation, est tout de même sensible au dérangement lors de sa période d’élevage des jeunes (éviter les dérangements dans un périmètre de 300 mètres).


Le changement de paysage des dernières décennies et notamment à travers le remembrement et la monoculture en général, a poussé l’hermine à adapter son mode de fonctionnement bocager à celui de la montagne où la présence humaine est réduite.

Une mauvaise gestion des fauches, la raréfaction des haies ou encore le manque de couvert végétal sont autant de points qui rendent la vie dure à ce gracieux mustélidé.

Plus largement, l’engrillagement, la raréfaction des structures en pierres sèches, l’endiguement et le trafic routier sont de forts vecteurs de mortalité pour l’hermine.

Le saviez-vous? Du fait de la vaste répartition de l’espèce dans le monde, le pelage, ou plutôt sa variation saisonnière, peut être différent selon les lieux.

L’hermine se pare habituellement d’un pelage blanc en hiver et d’un pelage brun à brun roux en été et sur le dessus avec un pelage blanc du museau à l’attache de la queue. Quelle que soit la période ou le lieu, l’hermine a toujours le bout de la queue noir ce qui la caractérise par rapport aux autres mustélidés avec laquelle on pourrait la confondre. Les températures influent grandement sur le changement de couleur du pelage avec une perte de la mélanine, et donc de la coloration, qui intervient quand les -1° Celsius sont atteints. 

Si on estime que c’est pour mieux se dissimuler de ses prédateurs en se fondant dans la neige, toutes les populations d’hermines ne changent pas forcément de couleur de pelage même en présence de neige (en Angleterre par exemple). Ainsi gel, altitude et hérédité seraient également responsables du changement de coloration. De manière générale, les populations d’hermines du Nord (aux alentours de 50 à 55° de latitude) ont tendance à acquérir un pelage blanc pour l’hiver alors que celles du sud gardent leur pelage brun et celles qui vivent entre les deux, un pelage pie !

Cette formidable particularité d’adaptation aux milieux lui permet bien sûr de se dissimuler à ses prédateurs aériens de toutes plumes, mais aussi d’approcher plus aisément ses proies. Les jeunes, quant à eux, sont dépourvus de pelage à la naissance. Les femelles cherchent un abri digne de ce nom pour faire leur nid même si elles peuvent en déménager en cas de dérangement.Tas de bois, vieux pierrier, berges ou encore tas de foin seront privilégiés par la femelle alors que le mâle, quant à lui, continuera à parcourir son territoire qui peut recouvrir celui de plusieurs femelles.

Sa période de reproduction est en avril ou mai.
4 jours de développement de l’œuf après fécondation, puis arrêt.
9 mois plus tard, reprise différée du développement de l’œuf pendant 28 jours de plus (42 au total).
Naissance de 8 à 9 jeunes (pouvant aller jusqu’à 18 jeunes par portée) d’environ 2 grammes.
Premières dents de lait à 3 semaines.
Les yeux s’ouvrent à un mois.
femelles juvéniles fécondes à partir d’un mois et demi.
premières chasses à 2 mois.
Sevrage à 3 mois.Taille adulte entre 22 et 32 centimètres à 6 mois pour les femelles.
Taille adulte à un an pour les mâles.
Espérance de vie de un an à un an et demi, pouvant aller jusqu’à 7 ans.

Pour conclure, l'hermine est un mustélidé vraiment étonnant. De son mode de reproduction « différé » à sa place dans notre symbolique en passant par la diversité des milieux qu’elle fréquente ou encore sa capacité incroyable de chasse, elle mérite que l’on garde les yeux ouverts à son intention.

Emblématique de ces petits carnivores discrets, des travaux récents sur la dynamique de ses populations, l’impact de l’activité humaine sur son comportement et ses éventuelles qualités de bio-indicatrice ne seraient certainement pas de trop !

Extrait d'un article de Julien Hoffmann Rédacteur en chef de DEFI-Écologique

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