En 2025, la France, deuxième plus grand territoire maritime au monde, célèbre l'Année de la Mer, une initiative nationale visant à éveiller les consciences face à l'urgence de protéger l'Océan.
C'est le thème que j'ai choisi de développer pour illustrer mes cartes de voeux.
À peine découverte, cette espèce de baleine est déjà menacée d'extinction
Avec une cinquantaine d'individus seulement, les baleines de
Rice comptent parmi les mammifères marins les plus rares du monde. Les
scientifiques pourront-ils protéger cette espèce des ravages de l'activité
humaine avant qu'il ne soit trop tard ?
Il est rare de découvrir une nouvelle espèce de mammifère,
d’autant plus si elle atteint les 12 mètres de long, pèse jusqu’à
30 tonnes et fréquente les eaux au large d’une zone fortement peuplée.
C’est pourtant ce qu’il s’est passé en 2021, lorsque des
scientifiques ont
annoncé la découverte d’une nouvelle espèce : la baleine de Rice
(Balaenoptera ricei), que l’on croyait auparavant être une sous-espèce du
rorqual de Bryde (Balaenoptera brydei), une autre espèce également méconnue de
baleine.
Cette nouvelle était cependant accompagnée d’une annonce
bien plus triste : ces baleines du
golfe du Mexique sont en danger critique d’extinction. Selon les meilleures
estimations des chercheurs, il ne reste que cinquante-et-un individus, ce qui
en fait l’un des mammifères marins les plus rares au monde.
Leur habitat principal se trouvant au beau milieu d’un
couloir de navigation très fréquenté, les baleines de Rice doivent faire face à
une menace constante de la collision avec les navires, des activités d’entraînement
militaire, de l’exploration pétrolière et gazière, et de la contamination
environnementale. Une catastrophe pétrolière en 2010 a engendré une marée
noire qui a pollué près de la moitié de l’habitat des baleines, tué environ
17 % de la population restante, rendu malade 18 % des survivantes, et
provoqué des problèmes de reproduction chez près d’un quart des
femelles.
L’horloge tourne. Les scientifiques travaillant avec la
National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis ont
donc lancé une série de projets de recherche pour étudier l’espèce de plus
près.
Une étude récente, publiée en janvier, a par exemple utilisé les vocalisations distinctives de ces baleines rares pour suivre leurs déplacements. Elle a révélé que ces mammifères se déplaçaient en dehors de leur aire de répartition principale, en allant parfois aussi loin que la côte du Texas.
« Découvrir qu’elles sont encore présentes dans le
nord-ouest du golfe du Mexique était une bonne nouvelle », affirme la
responsable de l’étude, Melissa Soldevilla, biologiste spécialiste des pêches
pour la NOAA. « Les données historiques suggèrent que leur répartition
dans le golfe était autrefois plus étendue, mais aucune baleine n’avait été
observée au-delà de l’habitat principal depuis les années 1990. »
Il est nécessaire de cartographier la répartition des
baleines pour définir leur habitat critique en vertu du Endangered
Species Act, une loi de protection des espèces en voie de disparition mise
en place en 1973 aux États-Unis ; le processus est en cours, et permettrait d’établir les
bases de la protection des baleines de Rice par la loi.
« Une fois que nous comprendrons où et quand les
baleines sont présentes, nous pourrons déterminer dans quelles circonstances
elles sont confrontées aux activités humaines qui peuvent les menacer »,
explique Soldevilla. « Cela nous aidera à identifier et à développer des
actions de gestion et de conservation, et ainsi à réduire la menace et
améliorer leurs chances de rétablissement. »
La menace de l'activité humaine
Les baleines de Rice intriguent depuis longtemps les scientifiques, qui ont commencé à étudier leur anatomie il y a près de vingt ans. Des preuves génétiques avaient déjà suggéré que ces baleines constituaient une espèce distincte, mais c’est en 2019, lorsqu’un crâne échoué a été découvert dans le parc national des Everglades en Floride, que l'espèce a été séparée du rorqual de Bryde.
« Avec ce spécimen, il était enfin possible de
rassembler toutes les preuves et de rédiger l’article scientifique décrivant la
nouvelle espèce », relate Patricia Rosel,
une généticienne de recherche de la NOAA qui a dirigé l’étude identifiant les
baleines de Rice, nommées ainsi en référence au biologiste marin Dale Rice, qui a été le premier à noter les
caractéristiques particulières de ces baleines.
Peu après leur découverte, la NOAA a élaboré un programme de
rétablissement de l’espèce, qui prévoit la réduction des collisions avec les
navires ainsi que la protection de l’habitat des baleines contre les menaces
associées au développement énergétique, telles que le bruit engendré par
l’imagerie sismique, ou les marées noires.
L’utilisation
de canons à air comprimé dans le cadre de la prospection de gisements lucratifs
de pétrole et de gaz supposément enfouis dans le fond marin, qui a été
autorisée par la loi américaine en 2018, constitue une nouvelle menace
puisqu’elle risque d’interférer avec la communication, la navigation par sonar
et l’alimentation des baleines.
« L’ouïe pour les baleines, c’est comme la vue pour
nous : elles l’utilisent pour tout », explique Kaitlin Frasier,
assistante de recherche marine à l’Institut océanographique Scripps qui étudie
les baleines de Rice. « Le son se propage très bien sous l’eau, et ces
animaux ont évolué pour en tirer parti. En injectant notre bruit dans leur
milieu, nous rendons les actions qu’elles doivent réaliser pour survivre plus
difficiles. »
Dans le cadre d’une étude coécrite par Frasier avec
Soldevilla en 2022, des dispositifs ont été placés au fond de l’océan, et des
balises acoustiques ont été fixées aux baleines de Rice, afin de démontrer que
certains des cris uniques qu’elles émettaient pouvaient être interrompus par les bruits provoqués par l’activité
humaine. Les recherches ont également révélé que les baleines de Rice
dormaient en flottant près de la surface, ce qui les rend vulnérables aux
collisions avec les navires (entre autres menaces).
« Le suivi acoustique est l’une des meilleures solutions que nous ayons trouvées pour déterminer où se trouvent les habitats importants, et ainsi faire de notre mieux pour rendre la vie moins stressante dans ces zones », affirme Frasier.
Avant qu'il ne soit trop tard
Certains scientifiques et défenseurs de l’environnement font
pression pour que les gouvernements prennent des mesures… et sans tarder.
En octobre 2022, un groupe d’une centaine de scientifiques
marins internationaux a publié une lettre ouverte demandant au gouvernement de
Joe Biden de déployer davantage de moyens pour protéger les baleines de
Rice. Plusieurs actions en justice sont également en cours, dont une déposée
par le Natural Resources Defense Council, qui demande l’arrêt des tirs de canons à air comprimé.
« Nous voulons vraiment faire tout ce qui en notre pouvoir pour maintenir ces baleines en vie et faire remonter leur population », déclare Frasier. « Beaucoup de recherches doivent encore être réalisées, mais d’abord, il est essentiel d’attirer l’attention du public et de s’assurer qu’il réalise qu’il s’agit là d’un vrai problème. Et il faut le faire avant qu’il ne soit trop tard. »
Source : article de Melanie Haiken publié le 9 février 2023 sur le site nationalgeographic.com https://www.nationalgeographic.fr/animaux/2023/02/a-peine-decouverte-cette-espece-de-baleine-est-deja-menacee-dextinction
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