En 2025, la France, deuxième plus grand territoire maritime au monde, célèbre l'Année de la Mer, une initiative nationale visant à éveiller les consciences face à l'urgence de protéger l'Océan.
C'est le thème que j'ai choisi de développer pour illustrer mes cartes de voeux.
À quoi servent les baleines?
L’impact du déclin global des cétacés n’est pas vraiment
compris, puisque jamais mesuré. Mais la recrudescence de plusieurs populations
permet maintenant de mieux comprendre leur place dans l’écosystème. À quoi
servent les baleines et pourquoi leur protection transcende-t-elle la simple
sympathie humaine?
Au courant du dernier siècle, les baleines du monde entier,
tant les baleines à dents que les baleines à fanons, ont subi une exploitation
intensive globale par la chasse commerciale. Elles étaient chassées pour
produire une variété de produits tels que l’huile pour les lampes, le savon, le
parfum, les bougies, les cosmétiques, l’huile de cuisson ou même des éléments
de corsets et de parapluies à l’aide des fanons. Les baleines servaient donc à
l’humain en lui fournissant une panoplie de services! Dans le Saint-Laurent,
les chasseurs venaient d’outre-Atlantique pour pêcher et chasser les baleines.
L’océan a subi des niveaux d’exploitation de ses ressources naturelles sans
comparables, et le Saint-Laurent était au cœur de la cible de l’Est canadien.
Bien qu’heureusement aucune espèce n’ait été amenée à l’extinction, l’impact de
la chasse n’était pas soutenable à long terme pour les baleines. En 1982, la
Commission baleinière internationale (CBI) décrète un moratoire sur la chasse.
Depuis, plusieurs populations de baleines prennent du mieux.
Mieux comprendre leur rôle en observant la résilience
Pour mieux comprendre le rôle des baleines, il faut regarder
l’écosystème entier. Qu’est-ce qui a changé depuis leur déclin? Qu’est-ce qui a
été rétabli depuis le moratoire? Avec des demandes métaboliques élevées et des
populations importantes, les baleines avaient probablement une forte influence
sur les écosystèmes marins avant l’avènement de la chasse industrielle. Mais
difficile de porter un constat sur le passé sans données empiriques, les études
sur les baleines ayant commencées plus intensivement dans les années 1970. Le
déclin du nombre de grandes baleines, estimé entre 66 % et 90 %, aurait
probablement modifié la structure et le fonctionnement des océans, selon une
étude publiée en 2014. Cela justifie un changement de perspective. Les baleines
ne sont plus considérées comme de simples animaux prenant beaucoup de place et
mangeant des quantités de ressources importantes dans les océans ou une
ressource fournissant des matériaux devenus maintenant désuets. Elles
fourniraient des services écologiques très utiles, et joueraient un rôle clé
dans le maintien et le développement des écosystèmes marins, pour un océan
sain, dont l’humain bénéficie sur plusieurs facettes.
Services écosystémiques ou écologiques:
Utilisation par l’humain des fonctions écologiques de
certains écosystèmes, à travers des usages et une réglementation qui encadrent
cette utilisation. Par souci de simplicité, on dit que les écosystèmes
“rendent” ou “produisent” des services. Toutefois, une fonction écologique ne
prend la forme d’un service à l’humain que dans la mesure où les pratiques
sociales reconnaissent le service comme tel, c’est-à-dire reconnaissent
l’utilité de la fonction écologique pour le bien-être humain, selon la
Stratégie nationale pour la biodiversité de la France.
Combien vaut une baleine?
Pour traduire ces services en chiffre, les spécialistes
attribuent un prix sur la valeur d’une baleine, relativement aux services
qu’elle rend à l’humanité. Il s’agit d’une façon très centrée sur les bénéfices
directs pour l’humain, aussi connue sous le terme d’anthropocentrisme! Mais il
s’agit aussi d’une façon efficace de tenir une conversation solide entre
l’économie, la science et la conservation. Une baleine de taille moyenne,
environ la grosseur d’une baleine grise, vaudrait la modique somme de 2
millions de dollars, selon le rapport produit par le Fonds monétaire
international (FMI). «En séquestrant le carbone dans l’océan, les cétacés
peuvent aider l’humanité à lutter contre les changements climatiques — un
service écosystémique qui pourrait valoir des millions de dollars par baleine»,
précisent les économistes.
«Je pense que c’est un très bon premier pas que de
reconnaître qu’elles fournissent des services et que ces services valent
quelque chose. Potentiellement, beaucoup d’argent!», explique Fabio Berzaghi,
auteur principal de cette étude. Il déclare de plus que l’analyse du FMI
soulève un point extrêmement important au sujet des grands animaux : que leurs
services écosystémiques profitent à tous!
Les baleines engraissent l’océan
Reconnues comme grandes
fertilisantes de la mer, les baleines excrètent des fèces riches en nutriments,
comme le nitrogène et le fer, qui participent au développement du phytoplancton.
«Dans le but de quantifier la valeur d’une baleine moyenne, il a fallu
extrapoler l’augmentation du phytoplancton en présence de leurs fèces. De façon
conservatrice, le phytoplancton augmente de 1% en présence de baleines. Puis,
en regardant le prix du carbone, les économistes peuvent ensuite évaluer
combien de carbone est retiré de l’atmosphère par la floraison des
microorganismes, et il y a là beaucoup de valeur», nous explique Michael
Fishback, cofondateur du Great Whale Conservancy et instigateur du
projet. De plus, un océan en bonne santé a besoin de baleines pour brasser les
nutriments et jouer leur rôle de fertilisant. Raison de plus pour les protéger!
Elles nourrissent les poissons
Les cétacés se situent tout en
haut de la chaine alimentaire, leur retrait créant un effet domino sur tous les
maillons se trouvant en dessous. À noter que l’humain fait aussi parti de
l’écosystème, les répercussions nous affectent à notre tour! Enlever ces géants
des écosystèmes auraient un impact non seulement sur les microorganismes, mais
aussi un impact sur les stocks de poissons qui s’en nourrissent. Le
phytoplancton est le premier maillon de la chaine alimentaire des océans. À
leur tour, les petits végétaux marins servent de nourriture au zooplancton
comme le krill, que mangent les rorquals. «Dans l’océan Austral, quand les populations
de baleines ont diminué, les scientifiques ont observé le phytoplancton chuter
à cause des fertilisants naturels contenus dans les fèces de baleines. Le krill
a aussi chuté et les stocks de poissons ont également diminué. Il y a eu un
effet cascade sur l’ensemble de la chaine alimentaire, affectant les revenus de
l’industrie de la pêche», nous décrit Michael Fishback. Une mer saine contient
donc tous les maillons nécessaires à son bon fonctionnement.
Et luttent contre les changements
climatiques!
En plus de provoquer la floraison
de phytoplancton, les grandes baleines à fanons se nourrissent de zooplancton,
composé de carbone, qu’elles absorbent simplement en l’avalant et en le
digérant. Les baleines l’accumulent dans leurs tissus graisseux et leur format
géant permettent de stocker de grandes quantités de la molécule, comme de
grands arbres mobiles et sous-marins!
Lorsqu’une baleine meurt et que
sa carcasse descend au fond de la mer, le carbone stocké est retiré du cycle
atmosphérique pendant des centaines ou des milliers d’années, ce qui constitue
un véritable puits de carbone, aidant à garder cette molécule au fond des
océans, et à prévenir son retour dans l’atmosphère. Les baleines ont aussi un
rôle très important à jouer pour pallier les effets des changements
climatiques. Une baleine peut séquestrer 33 tonnes de CO2 par année, ce
qui est beaucoup plus qu’un arbre, selon une étude publiée dans le Ecological
Society of America, en 2014.
Les baleines comme attraction
touristique
Les grands animaux du monde
entier attirent des gens partout sur la planète pour les contempler.
L’industrie touristique permet d’évaluer la valeur d’un animal en regardant les
retombées économiques associées à son engouement. Le parc marin du
Saguenay–Saint-Laurent par exemple, n’a que 20 ans et est devenu une véritable
institution et un moteur économique majeur grâce à l’observation des cétacés.
Les baleines entrainent des retombées importantes pour l’industrie touristique
et les populations locales, évaluées à des centaines millions de dollars.
Ces retombés s’étalent bien
au-delà des entreprises de croisières. Les communautés locales récoltent
également une portion de profitabilité liée à l’hôtellerie et à la
restauration. Sans oublier, cette industrie permet aussi de créer des
opportunités pour connecter ou reconnecter les gens au milieu naturel et de
mieux comprendre le rôle des baleines et autres organismes dans
l’environnement.
Mieux comprendre, pour mieux
préserver!
La chaine alimentaire et toute la complexité qui relie le vivant au non-vivant dans l’écosystème nécessitent l’action combinée de tous ses intervenants pour son bon fonctionnement. Tous les maillons sont nécessaires pour maintenir l’intégrité de nos écosystèmes, tant marins que terrestres. L’être humain peut tenter d’attribuer aux êtres vivants une valeur monétaire pour les services rendus pour qualifier et quantifier le rôle de tout un chacun sur la planète. Mais peut-on vraiment attribuer une valeur à tout ce qui nous entoure et surtout, le doit-on?
«Tous les décideurs du monde, les
politiciens, les gens d’affaires et les investisseurs parlent la langue de
l’argent! Si la science veut dialoguer avec eux, il faut parler leur langage et
les engager dans la conversation. Nous devons donc le faire pour traduire la
science et les besoins en matière de conservation», nous fait remarquer le
scientifique, M. Fishback.
Mais sans baleines, la mer serait
certainement bien différente. Attachement culturel, source d’inspiration,
amenant joie, bonheur, calme, respect, les baleines valent-elles vraiment un
prix? La vie, aussi grande ou petite soit-elle, doit-elle être analysée en son
sens pragmatique?
Certaines choses sont simplement inestimables, et clairement dignes d’être protégées, sans compromis.
Source : article publié sur le site https://baleinesendirect.org/a-quoi-servent-les-baleines/
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