20 novembre 2025

40 ans après l'appel de Coluche, les Restos du Coeur sont devenus indispensables, pour Isabelle

Même si  la chanson "Aujourd'hui on n'a plus le droit ni d'avoir faim, ni d'avoir froid" était entonnée par les Enfoirés en 1985 sous la houlette des artistes bénévoles, ces droits fondamentaux n'existent  toujours pas pour tout le monde en 2025, quarante ans plus tard.  

Bon,  vous l'avez compris, j'ai choisi de faire un mail-art à Isabelle sur le thème de la solidarité car plus que jamais les Restos du Coeur sont indispensables pour les plus précaires d'entre nous, en ville comme en campagne, pour les jeunes, pour les actifs et les retraités.... et c'est fort triste de constater une telle impuissance publique!
sur un fond grisé avec quelques flocons sur tulle, pour symboliser l'hiver, quelques vues sur les files d'attente,
 les bénévoles au travail de la distribution, ou de l'approvisionnement 

Remontons ensemble le fil du temps : 

Le 26 septembre 1985, Coluche lançait sur Europe1 un appel à la générosité pour aider ceux qui n’arrivaient pas à manger. L’idée des Restos du cœur était née mais l’humoriste était loin de se douter de l’ampleur qu’allait prendre son initiative.

"J'en ai marre de voir les pauvres crever de faim dans le pays de la bouffe." Coluche

Les Restos du cœur naissent au mitan des années 80 quand la pauvreté et le chômage sont de retour en France et que, dans toute l’Europe, les surplus alimentaires sont stockés ou détruits plutôt que d’être distribués. Face aux injustices de l’époque, la mode est aux chansons caritatives : “SOS Ethiopie” en France, “Do they know it’s Christmas” en Grande-Bretagne, “We are the World” aux Etats-Unis. De son côté, Coluche anime son émission quotidienne sur Europe 1 et l’utilise comme tribune pour dénoncer les travers de son temps. En septembre 1985, il lance “sa petite idée comme ça” pour créer une cantine gratuite fonctionnant grâce aux dons. Quarante ans plus tard, les Restos du cœur sont devenus une institution indispensable à des centaines de milliers de Français.

“Les Restos du cœur naissent de l’indignation de Coluche face à une situation absurde”, raconte Valérie Péronnet, écrivaine, journaliste et auteure d’un livre sur l’histoire des Restos du cœur. “En 1985, c’est la famine en Ethiopie et le show biz se mobilise pour lever des fonds en écrivant des chansons caritatives. Mais à la même époque, l’Europe détruit aussi régulièrement des stocks de nourriture : on retire du lait, du beurre et de la viande du marché afin de soutenir les prix pour aider les agriculteurs et c’est quelque chose qui met Coluche hors de lui.”.

Car l’humoriste reçoit aussi de nombreux messages de la part des auditeurs d’Europe 1 : après la vague de chansons pour aider les Éthiopiens (notamment “SOS Ethiopie” écrit par Renaud en 1985, à laquelle Coluche a participé), de nombreux Français l’interpellent sur leurs propres difficultés à se nourrir. L’idée fait son chemin dans l’esprit de l'ancien candidat à la présidentielle de 81 et le 26 septembre 1985 dans son émission “Y’en aura pour tout le monde”, il improvise un appel en direct :

On reçoit beaucoup, beaucoup de courriers de chômeurs (...). Et j'ai une petite idée comme ça, si des fois y’a des marques qui m’entendent (…), si y’a des gens qui sont intéressés pour sponsorer une cantine gratuite qu’on pourrait commencer par faire à Paris, par exemple, et puis qu’on étalerait après dans les grandes villes de France. Nous, on est prêts à aider une entreprise comme ça (...) qui aurait comme ambition au départ, de faire 2 000 ou 3 000 couverts par jour gratuitement (…). On est prêts à recevoir les dons de toute la France (…). Quand y'a des excédents de bouffe et qu'on les détruits pour maintenir les prix sur les marchés. A ce moment-là, on pourrait peut-être les récupérer. Et puis on essaiera un jour de faire une grande cantine, peut-être cet hiver, gratos.Voilà. Je lance l'idée comme ça. S'il y en a qui nous écoutent et que ça intéresse, ils nous écrivent.
Coluche, le 25 septembre 1985, sur Europe 1

“Son idée était surtout de mettre un grand coup de pied dans la fourmilière et de faire parler les gens qui vivaient dans la pauvreté”, raconte Marie Sisco, bénévole historique des Restos du cœur qui a rejoint l’association en 1987, “et ça n’était pas censée durer, en tout cas pas au tout début”. Mais l'aventure prend rapidement de l’ampleur : “l’appel de Coluche rencontre très vite un écho important”, explique Jean-Noël Retière, sociologue et historien, auteur d’un livre sur l’histoire de l’aide alimentaire. “Il faut se rappeler de la notoriété de Coluche à ce moment là, il avait été candidat à la présidentielle de 81 et il animait son émission quotidienne à la radio : il disposait d’une force de frappe médiatique très importante.”...(suite de l'article sur France Culture à lire ici)
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Lorsque le 26 septembre 1985, Coluche s'émeut du sort des "gens qui ne mangent pas à leur faim", aurait-il pu s'imaginer que "sa petite idée" de cantines gratuites pour les plus démunis existerait encore 40 ans plus tard ? 

C'est pourtant la triste réalité. Les Restos du cœur lanceront mi-novembre leur 41ᵉ campagne de distribution alimentaire. À leur tête depuis cinq ans, Patrice Douret arrive au bout de son mandat de président bénévole et passera la main lors de la prochaine assemblée générale à la fin du mois d'octobre. Il a accepté de dresser un bilan alors que les Restos du Cœur, qui assurent 35% de l'aide alimentaire en France, sont passés par une phase délicate financièrement.

Question de TF1 Info : Submergé par l'afflux de personnes démunies, votre appel à l'aide lancé il y a deux ans a-t-il porté ses fruits ?

R : Notre appel était d'abord un cri d'alarme face au silence des pouvoirs publics pour alerter sur la situation que traversait le pays et notamment une très forte augmentation de la pauvreté que nous avions constatée en quelques mois et qui n'avait pas forcément été prise en compte. Et puis, il y avait un risque d'effet ciseau à cause des dépenses qui étaient très importantes, surtout d'achats alimentaires. Nous avions fait appel aux forces économiques du pays, donc aux entreprises et à l'État pour réagir. Et depuis, on a la chance de ne pas constater de baisse du nombre de donateurs qui se chiffrent à quelques centaines de milliers, c'est-à-dire qu'effectivement, on a pu être soutenus. Mais en revanche, le don moyen diminue, ce qui est vraiment le signe que la crise du pouvoir d'achat touche tous les Français, y compris ceux qui tiennent malgré tout à se montrer généreux et à continuer à aider les associations et notamment les Restos du Cœur.

On a distribué l'an dernier 163 millions de repas. 
La première année des Restos du Cœur, c'était 8,5 millions. 
On est à 20 fois plus.

Q : Depuis cinq ans, avez-vous constaté une aggravation de la pauvreté dans le pays ?

R : Si on reprend les deux dernières études qui sont sorties : l'Insee en juillet nous dit que plus de 15% de la population est sous le seuil de pauvreté monétaire, ça veut dire que ce chiffre-là est plus important quand on prend également des personnes qui ne vivent pas dans un logement ordinaire. Cela représente près de 10 millions de personnes ici en France. Par ailleurs, le dernier rapport de l'Unicef est alarmant sur le nombre d'enfants à la rue. On voit donc bien qu'aujourd'hui cette tendance est dans l'aggravation et les Restos ne sont que le reflet de cette crise. Ainsi, on a distribué l'an dernier 163 millions de repas. La première année des Restos du Cœur, c'était 8,5 millions. On est à 20 fois plus. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il faut donc absolument prendre en compte ces 10 millions de personnes comme une vraie priorité nationale d'action politique.

Q : Le profil des bénéficiaires a-t-il évolué lui-aussi ?

R : Ce qui a fortement changé ces deux dernières années, c'est l'arrivée massive des familles monoparentales qui ont souvent à leur tête des mamans seules. La jeunesse est également très touchée par la précarité. La moitié des personnes que l'on accueille, c'est-à-dire la moitié d'1,3 million de personnes, ce sont des jeunes de moins de 25 ans. On retrouve aussi beaucoup de travailleurs pauvres. Des personnes qui le dix du mois n'ont plus un seul euro en poche une fois que le loyer et les charges du logement sont payés. Il y a par ailleurs beaucoup de retraités qui ont aidé leurs enfants et petits-enfants pendant les deux dernières crises, sanitaire et inflationniste. Et il y a un chiffre qui est terrible, mais il est à l'image de ce que l'on perçoit en termes d'aggravation de la pauvreté, c'est que dans nos centres, 70% des personnes que l'on accueille vivent avec moins de la moitié du seuil de pauvreté, soit moins de 600 euros par mois.

Q : Face à ce constat, comment s'annonce cette nouvelle campagne d'aide alimentaire, qui ne sera plus sous votre présidence ?

Réponse : Il n'y a aucun signal rassurant et c'est même une forme d'indignation. Cette 41ᵉ campagne ne pourra débuter que lorsque les pouvoirs publics, le gouvernement qui va s'installer, aura en tête qu'il faut absolument qu'il continue à soutenir le monde associatif. D'ailleurs, on a déjà interpellé le Premier ministre en lui demandant trois choses. La première, c'est qu'il faut absolument que dans le prochain budget, celui qu'on espère voir un jour venir, que l'on ne fasse pas porter l'effort budgétaire sur les associations, dont beaucoup sont déjà en difficulté. Aujourd'hui, le monde associatif, c'est 1,4 million d'associations, 20 millions de bénévoles et 2 millions salariés qui sont les témoins les plus proches de la vie des Français. Donc, il faut que les associations soient soutenues et entendues.

La deuxième chose, c'est de préserver les combats qui ont été menés depuis 40 ans par les Restos, notamment la Loi Coluche qui a été votée pour aider les associations et favoriser la générosité du public. Elle ne doit pas être remise en cause, ni fragilisée.

Et puis la troisième chose, c'est le budget européen. L'Europe a été sollicitée très rapidement après la création des Restos du Cœur pour aider les associations dans la distribution de repas. L'idée au départ, c'était d'aller chercher les surstocks sur les "frigos de l'Europe" et depuis quelques années, c'est un fonds monétaire qu'on appelle le FSE+. Ça représente pour les Restos du cœur un repas sur cinq. Ça veut dire que si l'État ne soutient pas la France au travers de ce budget européen, il faudra trouver des solutions pour remplacer cette aide-là.
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Vidéo des 40 ans aux Restos du Coeur sur leur chaine vidéo Youtube
Pendant plusieurs mois, nous avons ouvert les portes de nos centres afin de vous montrer comment les Restos sont progressivement passés d'un chapiteau à Gennevilliers, en 1985, à plus de 2300 centres à travers toute la France aujourd'hui. À Lille, dans les campagnes, et même sur les routes de montagne, plongez dans le quotidien de nos équipes de bénévoles, engagées pour répondre aux besoins des plus démunis, où qu'ils soient.

Au moment où j'écris ce post, avec les mesures restrictives du futur budget frappant une fois de plus sur les plus précaires dans notre pays, je crains que cette année encore, pour leur 41ème  campagne, les Restos du Coeur doivent encore suppléer les carences humanitaires de la France et voir la liste des bénéficiaires s'allonger encore... 

Je te souhaite une bonne réception de ce mail-art, chère Isabelle.

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