3 novembre 2025

BT07 - Les broderies afghanes de Shahrak, de la part de Cécile

Le Carrefour Européen du Patchwork vient d'avoir lieu à la mi-septembre dans le Val d'Argent,  aussi ne suis-je pas complètement étonnée de voir arriver dans ma boite aux lettres une superbe enveloppe de Cécile en rapport avec le textile. 

Elle me fait la très grande joie de me parler des broderies à la main réalisées par des réfugiées Afghanes dans le cadre d'une collaboration élaborée de longue date entre Allemagne et Afghanistan consistant à relier la culture afghane au reste du monde.

enveloppe recto avec quelques vrais points de broderie, du fil et une petite broderie afghane
Les broderies de Shahrak- Non loin de Herat, à l'ouest de l'Afghanistan, se trouve la petite ville nouvelle de Shahrak La population exclusivement Hazar est constituée de réfugiés rentrés de l'Iran et des familles qui n'ont pas quitté l'Afghanistan pendant la guerre. Un centre de formation pour femmes, du style Université Populaire, y a été créé en 2003 avec l'aide de la Deutsche-Afghanische Initiative (DAI) qui co-finance depuis cette institution. Une cinquantaine de brodeuses réalisent à la main des broderies très fines en fil de soie, nommées Khamak (broderie blanche) et Keshide (broderie colorée) ; elles les livrent plusieurs fois par an au centre. Vous trouverez plus d'informations sur le site Guldusi 

enveloppe verso 

 le point utilisé pour ces broderies est bien visible sur cette carte

Par le passé, lorsque je me rendais régulièrement à Sainte Marie aux Mines pour le Carrefour Européen du Patchwork, je retrouvais chaque fois le stand exposant tous les travaux  de broderie à la main des Afghanes, sous la houlette de Pascale Goldenberg. Apparemment le mouvement de solidarité et d'échanges s'est étoffé et s'est poursuivi, ce qui permet à ces femmes de garder un lien avec le monde. Bravo à toutes les personnes impliquées dans ce beau projet ! Quel courage ont ces femmes-là! 

Merci beaucoup Cécile, c'est vraiment un beau cadeau que tu me fais là.

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Projet Afghanistan Broderie de Pascale Goldenberg
La broderie des femmes hazaras

Les Hazaras, peuple d'origine mongole, constituent le troisième groupe ethnique d'Afghanistan. Appartenant à la minorité chiite, ils sont souvent réduits en esclavage par d'autres groupes ethniques, notamment les Pachtounes, et servent fréquemment de boucs émissaires. Victimes de massacres, ils se sont finalement installés dans la région du Hazarajat, au centre de l'Afghanistan, après des décennies d'exil et d'errance. Une grande partie de cette population vit également dispersée dans le reste du pays, au Pakistan et en Iran.

Près d'Hérat, dans l'ouest de l'Afghanistan, d'anciens réfugiés iraniens de retour au pays ont fondé la communauté de Shahrak, aux côtés des Hazaras restés en Afghanistan pendant la guerre. La petite ville de Shahrak s'apparente à un ghetto, sa population étant presque entièrement hazara. L'organisation DAI y soutient depuis plusieurs années un centre communautaire pour femmes. On y propose des cours d'alphabétisation, d'anglais, de couture et même de dessin et de karaté.

Les femmes hazaras sont réputées pour leur talent de brodeuses, maîtrisant une grande variété de techniques de broderie traditionnelles afghanes. Il était important pour moi d'enrichir cette région, où le DAI est très actif, par un projet de broderie, et aussi de faire revivre d'autres techniques. Les premiers essais, menés par écrit, ont donné des résultats prometteurs, bien que modestes. À l'été 2009, je me suis rendue pour la première fois à Hérat afin de rencontrer les femmes de Shahrak. Nous avons constaté que seules celles qui n'avaient pas quitté le pays pendant la guerre maîtrisaient réellement la broderie traditionnelle. Les autres, réfugiées en Iran, rejetaient complètement cette technique ancestrale ou l'avaient totalement oubliée.

Bien que les femmes hazaras soient considérées comme plus indépendantes que les autres en Afghanistan, j'ai rencontré des femmes très timides (je n'ai même pas osé leur demander une photo en partant) et ce n'est que grâce à l'indispensable intervention de Mme Aquila Nazari, la directrice du centre pour femmes, que j'ai pu persuader 5 femmes de réapprendre cette ancienne technique de broderie.

Nous nous sommes rencontrés à trois reprises afin d'instaurer une relation de confiance et de définir les modalités techniques du nouveau projet. Nous avons discuté et convenu des prix à fixer pour deux types de broderie : le Keshide (une broderie colorée semblable à la tapisserie vénitienne) et le Kandaharidusi (le voile intégral des Tshadris, entièrement blanc). La broderie serait réalisée exclusivement en fil de soie, offert par la société « Madeira Yarn ». Les femmes ayant perdu la plupart de leurs biens durant la guerre, elles ne possèdent pratiquement aucun motif traditionnel ; je leur ai donc envoyé une série de photographies de ces motifs à mon retour à Fribourg.

La première livraison de Shahrak est arrivée à Fribourg à la fin du printemps 2010. Au final, 17 femmes ont participé au projet. L'évaluation des broderies a révélé que certaines avaient suivi scrupuleusement les modèles fournis, tandis que d'autres étaient parvenues à les combiner avec talent. Certaines pièces pouvaient même être qualifiées d'improvisations très réussies.

Un grand merci à Rateb Assimi de Heart pour son aide très aimable et sa journée portes ouvertes !


Pascale Goldenberg -  Goldenberg-Freiburg@t-online.de
source : article du 11 janvier 2011 sur le blog d'art textile d'Adèle Thomas

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