J'ai décidé d'associer mes partenaires de la récente expérience Conte & Art postal à cette joyeuse aventure qu'est la JMFTA. Alors voici pour Cathy une groupe de chimpanzés adultes se soignant grâce aux plantes de la forêt tropicale.
![]() |
| Chimpanzé de l’Est dans le parc national de Kibale, Ouganda. Image de Bernard Dupond via Wikimedia Commons. |
Ils mâchent des feuilles, appliquent des cataplasmes, et s’entraident pour guérir : comment les chimpanzés d’Ouganda transforment la forêt en véritable pharmacie.
Et si nos cousins les chimpanzés en savaient plus que nous sur les vertus médicinales des plantes ? En Ouganda, des scientifiques ont passé plus de 30 ans à documenter un fait fascinant : les chimpanzés de la forêt de Budongo utilisent leur environnement pour se soigner, parfois même pour soigner les autres. À travers feuilles mâchées, écorces, résines ou simples gestes d’hygiène, ces animaux démontrent une connaissance fine de leur écosystème.
« C’est assez impressionnant de voir qu’ils ont une connaissance des propriétés de certaines plantes qu’ils mangent et qu’ils arrivent à comprendre quand un autre individu a besoin d’aide », explique Harmonie Klein, primatologue à l’université de St Andrews, en Écosse, pour La Relève et La Peste.
Sur 13 plantes identifiées dans les comportements de soin 88 % ont montré une action antibactérienne en laboratoire, et un tiers d’entre elles avaient aussi un effet anti-inflammatoire, selon une étude publiée en juin 2024 dans PLOS ONE. Ces plantes ne sont pas choisies au hasard : elles sont parfois consommées uniquement en cas de blessure ou d’inconfort, ce qui renforce l’hypothèse d’un usage thérapeutique ciblé.
«Lorsqu’ils sont malades, on les voit manger
ou utiliser des plantes qu’ils n’ont pas l’habitude de consommer – et qui n’ont
pas de valeur nutritive. Cela laisse penser à un usage intentionnel »,
détaille Harmonie Klein.
Une preuve d’empathie
Les chimpanzés ne se contentent pas de se soigner eux-mêmes. Dans plusieurs cas documentés, ils soignent aussi leurs congénères : en aidant un individu coincé dans un piège à se libérer, en appliquant une plante mâchée sur la plaie d’un autre chimpanzé ou encore en pratiquant des gestes d’hygiène post-coïtal sur leur partenaire.
Ces actes concernent aussi bien des proches que des individus non apparentés. Ce qui, pour les chercheurs, est un signe potentiel d’empathie, et surtout d’une culture sociale du soin, comme le révèle une vaste étude publiée en mai 2025 dans Frontiers.
« Le plus surprenant, c’est leur capacité à apporter de l’aide à d’autres individus avec lesquels ils n’ont pas forcément de lien de parenté. Donc pas de bénéfices directs pour eux. C’est une preuve d’empathie, une qualité qu’on pense souvent réservée aux humains », poursuit la primatologue pour La Relève et La Peste.
Un comportement rare dans le règne animal, où les
gestes prosociaux (bénéfiques aux autres) sont généralement limités à la
famille proche. Comment les chimpanzés savent-ils quelle plante utiliser,
et dans quel contexte ? L’instinct seul ne suffit pas à expliquer cette
complexité.
« Il y a beaucoup de transmission chez les
chimpanzés. Les enfants observent ce que les mères mangent. Par exemple, quand
une mère mange de la viande, un jeune va venir essayer, et elle va le repousser
parce qu’il est trop jeune pour ingérer cela », explique Harmonie Klein.
Ce type d’apprentissage par imitation semble jouer
un rôle important dans la transmission des pratiques de soin. Mais certains
comportements sont aussi observés dans au moins 16 sites à travers l’Afrique,
ce qui suggère une part innée, commune à l’espèce.
Des applications pour la médecine humaine
Le plus surprenant, c’est que certaines des plantes utilisées par les chimpanzés sont aussi présentes dans les pharmacopées traditionnelles humaines. L’Alstonia boonei, par exemple, utilisée par les chimpanzés atteints de diarrhée, est connue pour ses vertus intestinales dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est. En analysant les extraits de ces plantes, les scientifiques ont pu confirmer leur efficacité thérapeutique potentielle. Ces découvertes pourraient ouvrir la voie à de nouvelles molécules médicinales, utiles pour la recherche pharmaceutique humaine.
«Des chercheurs étudient déjà les plantes utilisées par les chimpanzés pour en extraire des principes actifs. En Ouganda, certaines espèces végétales servant à construire leurs nids ont révélé des propriétés anti-moustiques, ensuite exploitées par un laboratoire », précise Harmonie Klein.
Une partie de cette recherche pourrait même contribuer à la lutte contre la malaria, les parasites intestinaux ou d’autres maladies infectieuses.Cette “pharmacie naturelle” repose sur un équilibre fragile. La forêt de Budongo est aujourd’hui confrontée à la déforestation et au braconnage. Et avec elle, c’est tout un répertoire de connaissances animales – et de potentiels remèdes – qui risque de disparaître.
Source : article de La Relève etla Peste du 26 mai 2025 rédigé par Joana Blain
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire